Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/25

Imprimerie de Chatelaudren (2p. 730-735).


CHAPITRE XXV

L’ÉPIGRAPHE



D’après Larousse, l’épigraphe est une « pensée, une sentence, une citation, placée en tête d’un livre, d’un ouvrage, d’un chapitre, pour en résumer l’esprit ».
xxxx « Les Anciens n’ont point connu l’usage des épigraphes, et nous ne trouvons d’épigraphes dans aucun des auteurs du xvie et du xviie siècle. Au xviiie siècle même on use si peu de l’épigraphe que ce mot ne se trouve, du moins dans l’acception où nous l’étudions en ce moment, que dans le Dictionnaire de Trévoux. Au commencement du xixe siècle, Byron et Walter Scott font un emploi fréquent des épigraphes : le dernier en met en tête de chaque chapitre de ses romans. »

1. D’après sa définition, l’épigraphe peut figurer sur le grand titre ou frontispice d’un travail et, conséquemment, sur la couverture, comme après les titres et sous-titres des différentes divisions.

a) Sur la couverture et le frontispice, l’épigraphe se place immédiatement après le nom d’auteur, si celui-ci suit le titre :

LE COMPOSITEUR
ET
LE CORRECTEUR TYPOGRAPHES
par
G. DAUPELEY-GOUVERNEUR
imprimeur
ancien correcteur à l’imprimerie claye
La correction, la plus belle parure des livres.
Crapelet.

On ne rencontre que fort rarement l’épigraphe placée avant le nom d’auteur, dans les titres-frontispices d’une certaine longueur.
xxxx Elle se met, au contraire, immédiatement après le titre, si le nom d’auteur est placé en tête du frontispice :

G. DAUPELEY-GOUVERNEUR
imprimeur

LE COMPOSITEUR
ET
LE CORRECTEUR TYPOGRAPHES
La correction, la plus belle parure des livres.
Crapelet.

b) Dans les divisions d’un travail, l’épigraphe se pose après le titre de la division, avant le texte et, le cas échéant, avant les subdivisions :

CHAPITRE II
LES SIGNES DE CORRECTION
La correction, la plus belle parure des livres.
Crapelet.
Les signes de correction sont pour le profane un sujet
d’étonnement qui surprend a notre époque d’instruction.

2. La composition se fait en petits caractères, corps 6 ou 7 au plus, suivant le caractère de l’ouvrage, « pour se dissimuler le plus possible », dit Daupeley-Gouverneur.

3. La justification doit être réduite au strict minimum, suivant l’importance du texte qu’elle renferme et la longueur de ligne du volume lui-même.
xxxx La plus grande justification que l’on puisse exceptionnellement adopter est égale à la moitié de la justification totale du volume ; la longueur la plus couramment choisie est du tiers ou des deux cinquièmes (2/5) de la ligne.
xxxx Toutefois, la règle à appliquer est différente, si l’épigraphe est composée de vers : en effet la longueur de la ligne est alors imposée par le vers le plus étendu, en raison de la nécessité d’éviter un rejet.

4. L’épigraphe est repoussée vers l’extrémité droite de la justification totale, sur laquelle elle est cependant rentrée de 1 cadratin au moins.

5. L’épigraphe est indifféremment, et suivant l’interlignage du texte du volume, composée compacte ou interlignée.

« Bien qu’il y ait beaucoup d’arbitraire dans ce genre de composition », dit Daupeley-Gouverneur, « il faut en effet éviter de former un carré, ou une étroite colonne ou encore une ou deux longues lignes », car il est indispensable « qu’il n’ait rien de contraire au goût et à l’aspect général de la page où il figure ».

6. L’épigraphe en prose se compose en alinéa.

Sur ce point les avis diffèrent quelque peu :

D’après Fournier[1], l’épigraphe se dispose « indifféremment en sommaire ou en alinéa ; néanmoins, lorsqu’elle ne fait que deux lignes, la première est plus généralement renfoncée de 1 cadratin ».

E. Desormes[2] écrit : « Les épigraphes se font de deux manières : en sommaire et en alinéa. »

Suivant Daupeley-Gouverneur[3], « l’épigraphe se compose généralement en alinéa ».

Quant à E. Leclerc[4], qui, en cette question de l’épigraphe, est sur nombre de points entièrement d’accord avec E. Desormes, il en diffère légèrement par cette opinion : « L’épigraphe en prose se met en alinéa. »

Th. Lefevre[5] est d’un avis analogue à celui des deux auteurs précédents.

7. La justification de l’épigraphe en vers est généralement donnée, ainsi qu’il a été dit, par le vers le plus long.
xxxx Quand l’étendue du texte des vers, bien qu’ayant le même nombre de pieds, est de longueur inégale, il n’est pas nécessaire de rentrer de 1 cadratin, sur la fin de la justification, le vers le plus long, « à moins pourtant que l’aspect de l’ouvrage ou celui de l’épigraphe n’en tire avantage »[6].

8. Pour la disposition du texte et les proportions des détails, « qu’il s’agisse de vers ou de prose, on suit les règles ordinaires de composition »[7].

9, L’épigraphe constituée par une citation prend le guillemet initial et le guillemet final :

« Un dictionnaire sans exemples
est un squelette. »
Larousse.

À l’encontre de cette opinion, Daupeley-Gouverneur, sans distinguer, toutefois, écrit : « On ne la guillemette pas… »

Par contre, Th. Lefevre et E. Leclerc conseillent le guillemet à chaque ligne de l’épigraphe, « lorsque celle-ci forme une citation en français ».
xxxx Une contradiction ressort d’ailleurs des indications données sur ce point par ces deux auteurs qui exigent le guillemet à chaque ligne d’une épigraphe constituant une citation en prose et omettent le guillemet à une épigraphe citation en vers[8].

10. « Si l’épigraphe renferme deux parties dont l’une est citation à l’égard de l’autre », cette citation doit être guillemetée au long :

« À l’épigraphe on peut appliquer ce mot de Voltaire : « C’est au livre à « parler de lui. »
Larousse, Grand Dictionnaire.

On voit, par cette règle et cet exemple, qu’en « guillemettant à chaque ligne l’épigraphe en prose constituant une citation », suivant l’opinion de Th. Lefevre et de Leclerc, le lecteur peut, en certaines circonstances, ne point distinguer aisément l’une de l’autre les deux citations.

11. Le nom de l’auteur de l’épigraphe, lorsqu’il est exprimé, se compose en petites capitales avec une grande capitale initiale.
xxxx Il est repoussé vers la droite, ou mieux vers la fin de la ligne, sur laquelle il est rentré de 3 ou 4 cadratins, suivant la longueur de la justification.
xxxx De manière générale, cette signature se compose avec le même caractère que l’épigraphe elle-même.

12. Le titre du volume qui dans une épigraphe accompagne, éventuellement, le nom de l’auteur, se compose en italique, d’après les règles ordinaires.
xxxx Selon la longueur de la signature, on diminue la rentrée sur la fin de la justification, de manière à obtenir une disposition convenable :

« Les siècles passés renaîtront de leur poussière. »
H. Martin, Histoire de France.

Si, en raison de sa longueur, le texte de la signature déborde sur une deuxième ligne, la composition a lieu en alinéa ou en sommaire, suivant la disposition de l’épigraphe elle-même. En toutes circonstances, la longueur sur laquelle est composée une signature d’auteur doit être plus courte que celle de l’épigraphe elle-même d’au moins 2 cadratins.

13. Certains auteurs font figurer la signature (nom d’auteur, titre d’ouvrage et autres indications éventuelles) entre parenthèses.
xxxx La ponctuation finale, quelle qu’elle soit, sera toujours, dans ce cas, comprise à l’intérieur des parenthèses.

14. Lorsque la partie de l’épigraphe formant une citation est constituée par un texte en vers, ce texte est composé en caractère de corps inférieur à celui de l’épigraphe.
xxxx Le vers le plus long, et du nombre de pieds le plus élevé, est placé au milieu de la justification de l’épigraphe, sur laquelle il doit être renfoncé, à chaque extrémité, de 1 cadratin au moins.
xxxx Les autres vers sont alignés sur ce vers type ou renfoncés, suivant les règles ordinaires, par chaque pied en moins.
xxxx Un léger blanc sépare la partie en vers du texte en prose.
xxxx Les guillemets ne sont pas, dans ce cas, employés, la différence de caractère indiquant suffisamment la citation :

xxDe la vie des hommes et de celle des nations l’Histoire affirme :

Elle était de ce monde, où les plus belles choses
xxxxxxxxxxOnt le pire destin ;
Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses,
xxxxxxxxxxL’espace d’un matin.

Malherbe.

15. « Si, au contraire, les vers et la prose ont une origine différente et forment deux épigraphes » distinctes, elles sont composées suivant les règles ordinaires, en même caractère et sur même justification :

« L’homme s’agite, et Dieu le mène. »
Psalmiste.

« Ci-gît Piron, qui ne fut rien,
« Pas même académicien. »

Piron.

16. Lorsque les vers comportent une signature d’auteur, celle-ci doit être composée en même caractère que les vers, en observant pour sa disposition les règles prescrites aux paragraphes 11 et 12.

17. L’épigraphe peut être en langue étrangère ; elle est alors composée en caractères italiques de force de corps égale à celle des épigraphes composées en romain.
xxxx Cette épigraphe peut également être constituée par une phrase en prose ou en vers et comprendre une citation.
xxxx Les règles énumérées aux paragraphes précédents sont applicables.

18. Presque toujours, l’épigraphe en langue étrangère est accompagnée de sa traduction française : suivant les auteurs, cette traduction est guillemetée à chaque ligne, ou seulement — ce qui est plus rationnel — au début et à la fin de son texte :
Indocti discant, et ament meminisse periti.
xxxx « Les ignorants apprendront, et les savants
xxxse rappelleront avec plaisir. »
19. Dans une épigraphe de langue étrangère, accompagnée d’une traduction, la signature doit être exprimée dans la langue étrangère, si elle figure après l’épigraphe originale ; dès lors la traduction française doit logiquement comporter aussi une signature traduction de la première :
Quo, quo, scelesti, ruitis ? Ecquid dexteris
xxxxxxxx Aptantur enses conditi ?
Horat., ad Romanos.
« Où courez-vous, impies ? Pourquoi armer encore vos mains criminelles ? »
Horace, Aux Romains.



  1. Page 189 (4e éd.).
  2. Page 31 (3e éd.).
  3. Page 171 (éd. 1880).
  4. Page 287 (éd. 1921).
  5. Page 98, § 100 (éd. 1883).
  6. D’après Desormes.
  7. Suivant Daupeley-Gouverneur (p. 172).
  8. Th. Lefevre, p. 98, §§ 101 et 102. — E. Leclerc, p. 287-288.