Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/15

Imprimerie de Chatelaudren (2p. 373-374).


CHAPITRE XV

DE L’ITALIQUE



De manière générale et au sens le plus large du mot, l’italique est une sorte, un genre de caractère, différent du romain ou du type auquel il est apparenté, et légèrement incliné de la gauche vers la droite, comme l’écriture.

La principale fonction de l’italique est d’appeler, d’une façon particulière, l’attention du lecteur sur une expression, une pensée, une définition, un mot ou même une phrase, tantôt appartenant en propre à l’écrivain lui-même, tantôt rapportés, ou cités textuellement d’un autre auteur.

D’après le Petit Larive et Fleury l’italique est un genre, « une sorte de caractères d’imprimerie penchés de gauche à droite comme l’écriture et qu’on emploie particulièrement lorsqu’on veut appeler l’attention du lecteur sur un mot ou sur une phrase ».

Sur le même, sujet, Littré écrit : « Italique. Terme d’imprimerie. Caractère italique, ou, substantivement, l’italique, caractère différent du caractère romain et un peu incliné de gauche à droite, comme l’écriture ; on s’en sert surtout pour attirer l’attention sur un mot, sur une phrase en particulier. »

Larousse, dans son Grand Dictionnaire universel du xixe siècle, donne de ce mot une définition à peu près analogue.

Dans son Manuel typographique (vol. I, p. xli), le célèbre graveur et fondeur en caractères Bodoni rapporte que ce caractère, lors de son apparition, veut le nom d’aldin ; plus tard, les Français l’appelèrent italique, sans doute en raison du pays (l’Italie) où il fut gravé pour la première fois ; les Italiens, cursif, à cause de son analogie avec l’écriture courante ou cursive ; et les Allemands et les Hollandais, adoptant cette dernière dénomination, cursiv.

L’origine de ce caractère est assez curieuse et mérite d’être mentionnée : l’écriture de Pétrarque était si belle et si régulière qu’Alde Manuce l’Ancien conçut le projet de faire graver un type en la prenant pour modèle. Dans une note insérée à la fin de son édition de Pétrarque, Alde donne lui-même de ce fait une confirmation certaine : « L’écriture de Pétrarque est si parfaite que le graveur auquel j’ai confié l’exécution des poinçons n’eut qu’à imiter les contours trait pour trait. » François de Bologne, surnommé Francisco Raibolini, un ancien orfèvre, dont le vrai nom était Francesco Giusto, se chargea d’exécuter les poinçons. Alde obtint d’abord, le 13 novembre 1502, du Sénat de Venise, puis, le 17 décembre de la même année, du pape Alexandre IV, le privilège de se servir seul, dans toute l’étendue du territoire italien, du caractère penché. Les premiers volumes imprimés avec ce type furent d’abord une édition de Virgile, datée d’avril 1501, puis les Cose volgari de Pétrarque.
xxxx De nos jours, chaque caractère romain, la plupart des caractères gras ou de fantaisie possèdent un italique qui leur correspond : l’œil est de même calibre, et l’alignement parfaitement observé.

En dehors des circonstances où l’usage de l’italique est généralement demandé par l’auteur lui-même, les cas dans lesquels l’italique doit être employé, d’office et sans aucune indication spéciale, sont assez nombreux[1] ; nous nous efforcerons de les énumérer de manière aussi complète que possible et de les coordonner dans l’ordre qui paraît le plus logique : 1° titres, qualités, noms et surnoms ; — 2° locutions et mots divers, lettres isolées ; — 3° langues étrangères ; — 4° enfin, l’article.

  1. Il ne faut point perdre de vue cependant que dans un volume le trop fréquent emploi de l’italique peut conduire à un résultat contraire à celui cherché et voulu par l’auteur. Henri Fournier faisait à ce sujet la réflexion suivante : « L’italique est au romain ce que l’exception est à la règle ; il faut donc en réduire l’usage aux cas, sinon d’absolue nécessité, tout au moins d’une convenance bien appréciable. Il arrive que des auteurs, attachant à certains mots une importance particulière, une sorte de prédilection, pensent, en les soulignant, les recommander à l’attention spéciale des lecteurs. Cet expédient n’est quelquefois qu’un stratagème maladroit fait pour trahir la prétention qui l’a suggéré et pour produire un effet contraire à celui qu’on en attendait. »