Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 2/14

Imprimerie de Chatelaudren (2p. 336-372).


CHAPITRE XIV

DE LA DIVISION



1. Au cours de la composition, trois cas peuvent se présenter[1] dans la justification d’une ligne :

1° Le dernier mot entre complètement dans la justification : il ne reste que quelques espaces à jeter de-ci de-là pour régulariser l’espacement ;

2° Un blanc assez important reste en fin de ligne, insuffisant, cependant pour y loger entièrement le mot à composer : il faut alors désespacer légèrement, afin de trouver le blanc nécessaire ;

3° Enfin, le mot est d’une longueur trop grande pour que, même en désespaçant, il puisse entrer dans la justification ; d’autre part, le blanc dont on dispose est trop important pour qu’on songe, sans nuire au bon aspect de la composition et à la régularité de l’espacement, à le répartir dans la ligne composée. De toute nécessité il faut diviser le mot, c’est-à-dire le couper, le séparer en deux portions plus ou moins égales, dont l’une se trouvera rejetée à la ligne suivante.

Faire une division — telle est l’expression typographique consacrée — est donc s’essayer, par une coupure de mot, à obtenir dans une composition un espacement régulier et, par là, irréprochable. De ce fait, la division tire une importance considérable, car le résultat obtenu sera bon ou mauvais, suivant que la coupure aura été établie d’après les règles ou à l’encontre même des prescriptions qui forment le Code du typographe.

Malheureusement, ces règles, ces prescriptions sont mal connues du compositeur dont l’instruction grammaticale et professionnelle est souvent insuffisante ; parfois aussi elles sont fort vagues, loin d’être générales, et sujettes à des interprétations fantaisistes. Rien d’étonnant dès lors « si la division des mots est une source d’indécisions fréquentes qui fait commettre erreur sur erreur » et entraîne « à des coupures baroques et sans raison, faisant perdre en corrections un temps appréciable ».

Les considérations qui suivent, et qui n’ont nullement la prétention de vouloir être nouvelles, cherchent à résumer autant que possible nos connaissances sur cette question de la division ; quelques-uns y trouveront, il faut l’espérer, l’occasion de s’instruire et d’augmenter dans une modeste part le bagage de leurs connaissances professionnelles.

De tout temps, la coupure des mots a été pratiquée : elle existe dans les inscriptions comme aussi sur les manuscrits de la plus haute antiquité, de concert avec l’abréviation, qui lui faisait concurrence. Dans le but de serrer leur texte, et peut-être aussi d’éviter à la fin de la ligne une coupure embarrassante, les sculpteurs et les copistes ne se gênaient pas, en effet, pour supprimer une, deux ou trois lettres et même certaines syllabes d’un nom connu, d’un mot courant, fréquemment usité et revenant à maintes reprises au cours de la conversation ou du discours[2]. L’ellipse, sous ses diverses formes de l’aphérèse (lettre ou syllabe supprimée au début d’un mot ; exemple actuel : mie pour amie), de la syncope (suppression à l’intérieur du mot : gaïté pour gaieté), de l’apocope (retranchement à la fin : encor pour encore), est une des figures de grammaire dont on retrouve le plus d’exemples dans les anciens manuscrits : son usage était constant ; il devait dès lors paraître tout naturel. Les lettres, consonnes et voyelles, sur lesquelles portaient le plus fréquemment ces abréviations, dont on retrouve encore de nombreux exemples, suscitant pour leur reproduction des difficultés parfois fort gênantes dans les imprimeries dont l’outillage n’a pas été pourvu abondamment de ce côté, sont :

  , pour am, an,   ,q3, pour mm  
, pour cm, cn, ,qq3 pour nn
, pour om, on, ,qq3 pour par, per
, pour um, un, , pour que

Si l’on ajoute que les lignes de texte, manuscrites ou gravées alors comme aujourd’hui, n’étaient point tenues entre elles à une uniformité constante, à une longueur rigoureuse ; que le graveur et l’artiste avaient toute liberté pour la plus heureuse disposition de leur texte (lignes courtes, longues, au milieu ; mots espacés, etc.) ; que la plume, le ciseau ou le style pouvaient librement prolonger ou resserrer certains traits, certaines lettres, on voit quelle facilité ces abréviations apportaient pour éviter la coupure d’un nom et terminer la ligne par un mot entier. Cependant, à examiner, même superficiellement, quelques inscriptions prises au hasard, on constate rapidement combien bizarres et baroques sont les coupures de mots : elles se faisaient sans aucun souci des règles épellatives, syllabiques ou étymologiques, mais simplement à l’endroit précis où la place dont on disposait ne permettait pas de loger la voyelle ou la consonne la première appelée[3].

Bien plus, même, et comme si ce n’était pas suffisant, les anciens avaient encore établi tout un système, fort compliqué, et assez embarrassant, ma foi ! pour nos typographes, d’abréviations figuratives, dont nous avons conservé quelques spécimens, auxquels nous avons donné, entre autres, les noms de monogrammes, de sigles, de ligatures, etc.

Au nombre de ces abréviations figuratives appartiennent les signes du Zodiaque, les planètes, les aspects, les médailles ou ordres, les signes de médecine, de botanique, de musique, les figures géométriques et combien d’autres encore, parmi lesquels il faut mettre en bonne place notre & (et), ne sont, à notre avis du moins, que des abréviations fort bien déguisées. Sous ce rapport, il est vrai, la typographie moderne et les écrivains actuels n’ont rien à envier à leurs prédécesseurs ; mais peut-être faut-il reconnaître ici que cette abondance de biens est plutôt nuisible en raison des confusions et, des erreurs qu’elle occasionne par trop fréquemment.

Quoi qu’il en soit, la division des mots, leur coupure pour mieux dire, existait avant Gutenberg, Fust et Pierre Schœffor ; ceux-ci ne purent que l’accepter, obligés qu’ils y furent d’ailleurs avec les types mobiles, par cette nécessité établie dès le premier jour d’une longueur de ligne uniforme, et par l’absence de lettres ou de traits pouvant prolonger le texte et éviter le rejet à la ligne suivante d’une partie de mot seulement. L’ellipse, elle aussi, fut conservée, et nous en retrouvons de nombreux exemples dans les premiers ouvrages imprimés qui sont parvenus jusqu’à nous.

Dès maintenant une question se pose : « Le signe de la division était-il exprimé ? » Nous ne le croyons pas. Les inscriptions grecques et latines, païennes ou chrétiennes, restaurées ou déchiffrées par nos savants, et ayant des coupures de mots en fin de ligne, ne contiennent pas le signe de la division[4] ; de même en est-il des manuscrits qui nous ont transmis les chefs-d’œuvre de la littérature antique. Le bon sens et l’intelligence du lecteur devaient sur ce point, comme au reste sur celui de la ponctuation, suppléer aux lacunes des parchemins.

Vers le milieu du xve siècle, à l’époque où déjà Gutenberg s’acharnait à la réalisation de l’invention qui devait révolutionner le monde, l’emploi du signe de la division ne nous paraît point encore d’usage courant[5]. Une page de l’Horarium de Coster[6], de Harlem, pour ne citer nominalement que cet exemple, nous donne de ce fait une preuve convaincante.

Cet ouvrage tiré, assure-t-on, sur des planches ou des caractères de bois, en écriture gothique, comporte seulement neuf lignes à la page et contient des mots divisés ; mais le signe de la division n’est pas exprimé, ainsi qu’on peut le constater en consultant le spécimen qu’en donne M. Leclerc dans son Nouveau Manuel complet de Typographie (p. 10).

Toutefois, dans d’autres ouvrages publiés à cette même époque du xve siècle, ou peut-être quelques années plus tard (car aucune de ces dates ne saurait être fixée d’une manière certaine), le signe de la division, sous différentes formes, il est vrai, se trouve exprimé, ainsi qu’on peut le constater, avec M. Leclerc encore : notamment sur un fac-similé du Donat imprimé vers 1480, en lettres allemandes (xylographie), sur des fragments de la Bible de Gutenberg et de la Bible d’Ulrich Gering imprimée vers la fin du xve siècle, sur un fac-similé du Donat de Pierre Schœffer, etc.

Sans doute, il eût été intéressant de rechercher à quelle époque précise, dans quel volume et chez quel imprimeur ou libraire, ce signe de la division apparut pour la première fois et à la suite de quelles circonstances. Pensant trancher cette question d’une manière définitive, MM. Brachet et Dussouchet, après avoir dit, dans leur Nouveau Cours supérieur de Grammaire française, que le « trait d’union (notre signe de division typographique) sert à indiquer, à la fin d’une ligne, que le mot n’est pas terminé et qu’il continue à la ligne suivante », nous apprennent brièvement que le « trait, d’union fit pour la première fois son apparition dans le Dictionnaire de Nicot en 1573 ».

À défaut d’explication plus ample, on est tenté de croire (et c’est notre conviction) que MM. Brachet et Dussouchet n’entendent parler ici que du signe grammaticalement et strictement appelé trait d’union, c’est-à-dire du signe, sous sa forme française actuelle, destiné à relier deux mots différents pour en former un nom composé. Il est, au reste, difficile d’expliquer autrement l’opinion de ces auteurs, car ce fut presque dès l’invention de l’imprimerie, tout au moins une vingtaine d’années avant la date indiquée par MM. Brachet et Dussouchet, que l’on peut constater, en imprimerie, l’emploi du signe maintenant nommé « division » indiquant qu’une partie du dernier mot de la ligne a été reportée, à la ligne suivante. La Bible latine de Gutenberg, dite de quarante-deux lignes, contient en effet ce signe, sous sa forme allemande, et cette Bible, composée en types mobiles, est l’un des premiers et des plus anciens ouvrages imprimés de cette manière qui nous aient été conservés : à en croire une note marginale, et aussi en examinant le millésime de l’enlumineur, millésime qui porte la date de 1456, on a pu faire remonter l’impression de cet ouvrage aux années 1450 à 1456.

Cependant, même alors que dans un volume le signe de la division se trouvait exprimé, son emploi était encore loin, à cette époque, d’être général et obligatoire au cours de ce même ouvrage. Peut-être doit-on attribuer ce fait à la nouveauté (?) du signe, avec lequel les typos d’alors n’étaient point encore familiarisés ou dont ils ne comprenaient pas bien le rôle et l’importance. Peut-être aussi faut-il incriminer le manque de place, qui, même après une abréviation ou une ellipse, par syncope, et par apocope, ne permettait pas de loger le signe[7]. C’est, tout au moins, ce que l’on peut conclure de l’examen dune page des Heures à l’usage de Rome (p. 33 du Manuel de Leclerc) imprimé en 1488, en laquelle nous trouvons à la deuxième ligne une coupure d’un mot : pul / vere, où le signe de la division est exprimé (pul=vere), alors qu’à la troisième ligne, où, sans doute, même après une ellipse (apocope) du mot non (n), la place a fait défaut, on remarque la coupure sub / sistam sans division. Enfin, les coupures des lignes 9, 12, 17, 18 et 20 sont accompagnées du signe de la division qui a été omis aux lignes 11, 14 et 24.

Au xvie siècle, bien que le signe de la division soit plus fréquemment exprimé, semble-t-il, et que sa forme tende à se rapprocher, sauf pour les volumes imprimés en caractères gothiques, de la forme française actuelle, son emploi n’est point encore devenu indispensable pour indiquer une coupure de mot, si nous nous en rapportons aux nombreux spécimens des précieuses et splendides éditions qui existent encore de cette époque, et notamment à celles de Plantin, un Tourangeau, qui exerça ses talents à Anvers de 1559 à 1589 environ.

Dans le spécimen que donne M. Leclerc (p. 25 de son Manuel) des caractères de Plantin, le signe de la division employé aux lignes 1 et 3 fait défaut après les coupures des lignes 2, 4 et 11, malgré les ressources qu’aurait pu offrir pour parer au manque de place l’emploi des lettres à queue e, l,m, qu’il faut remarquer dans cette même page.

Aux siècles suivants, l’usage du signe de la division se généralise de plus en plus et devient obligatoire, alors que fondeurs et imprimeurs ont résolu victorieusement toutes les difficultés.

Au cours des âges, la forme du signe de la division varie à plusieurs reprises : c’est d’abord un trait supérieur, légèrement incliné de droite à gauche, à l’exemple de notre minute (’) ; puis, deux traits rappelant la seconde ("). On rencontre encore la division sous forme d’apostrophe (’) ou, dit M.|Leclerc, de virgule, avec une obliquité sensiblement différente. Ces deux derniers signes (virgule et apostrophe) ne sont évidemment que des dérivés (peut-être dus à l’imagination, à l’esprit, inventif de quelque typo dont certaines sortes manquantes, entre autres la division, gênaient le travail !), des corruptions de la minute et de la seconde qui semblent avoir été, les premières, les formes distinctives du signe de la division.

La division allemande actuelle (caractères gothiques) ressemble à une minuscule égalité : elle est inclinée de bas en haut et de gauche à droite ; fondue régulièrement, à peu près sur 2 points d’épaisseur (corps 9, de Schelter et Giesecke), elle rappelle sensiblement, à l’inclinaison près, la forme de la se- conde, dont elle n’est qu’une transformation, et que nous avons vu avoir été le signe primitif de la division.

La forme de la division française, fondue sur des épaisseurs différentes afin d’aider la justification, est suffisamment connue.

Les divisions anglaise, espagnole, grecque, italienne, polonaise, portugaise et russe sont analogues à la division française et d’épaisseurs également fort variables.

L’arabe, qui se lit de droite à gauche, n’a pas de division, car les mots ne se coupent jamais en fin de ligne. Pour faciliter la justification, on a créé des traits horizontaux, appelés allonges, plus ou moins larges (-, —), se plaçant entre certaines lettres et de préférence entre celles qui peuvent se heurter par le haut ou se confondre par la forme et le nombre de points : les allonges se collent sans espace aux lettres dont elles deviennent ainsi partie intégrante et prolongement naturel.

En hébreu, les mots ne se coupent non plus jamais en fin de ligne. La justification s’obtient, indépendamment de l’espacement qu’on peut tenir très fort, à l’aide de certaines lettres larges qui se placent préférablement à la fin des mots. Toutefois, l’hébreu possède une division ou, plutôt, m trait d’union : ce signe - (anakkeph,) d’épaisseur à peu près constante, sert à réunir deux mots en un nom composé ; il se colle, en supérieure, sans espace avant ou après et peut terminer une ligne, simulant dans ce cas notre division.

La division, on l’a vu plus haut, est nécessitée par le besoin de régulariser l’espacement, et elle a pour but de faciliter cette régularité ; dès lors, conséquence naturelle, elle est permise.

Tous les écrivains, cependant, n’ont pas pensé ainsi ; et il en est qui, par esprit de singularité, d’originalité, ou pour d’autres motifs qu’il peut paraître un peu oiseux de rechercher ici, ont proscrit impitoyablement la division[8] de leurs ouvrages.

Ainsi, pour ne citer que les quelques exemples qui nous viennent à l’esprit, la maison Deslis Frères, de Tours, a imprimé, durant l’année 1903, un volume in-8, dans la composition duquel on s’est efforcé de ne tolérer aucune coupure de mots en fin de ligne ; sans doute, parfois, la régularité de l’espacement n’a pas laissé que d’en souffrir légèrement ; cependant le résultat, dans son ensemble, n’est pas aussi défectueux que pareille tentative pourrait le laisser supposer au premier abord. L’imprimerie Mame, de Tours également, a édité autrefois un petit volume, en corps 4 ou 5, d’où, paraît-il, la division a été systématiquement éliminée. Un Manuel de Typographie française, celui de M. Brun, de plus de 200 pages de texte, a été composé sans une seule division en fin de justification ; cependant, un auteur typographique déclare que le résultat est excellent, et l’espacement toujours fort régulier. Il existe enfin, de par le monde, beaucoup d’autres exemples de ces fantaisies singulières, qui, à notre sens — et beaucoup jugeront de même, — ne prouvent pas grand’chose, sinon qu’avec du temps, de la patience et du goût, on arrive à vaincre les plus grandes difficultés.

2. Bien que la division soit nécessaire, son usage ne doit cependant pas être trop fréquent ni trop répété.

Une règle que l’on peut déclarer excellente, et qui a été admise par la plupart des manuels typographiques (sinon par tous), tolère trois divisions successives en fin de ligne et conseille d’éviter une quatrième division ; une légère modification de l’espacement permet fréquemment, en effet, après un remaniement de peu d’importance, de supprimer l’une des quatre divisions.

Donc, jamais quatre divisions.

3. Mais comment diviser les mots ?

Il y a deux sortes de divisions : la division étymologique, et la division syllabique ou d’épellation.

Les mots de la langue française proviennent de sources diverses. Les principales sont : le latin, le celtique, le germain, pour les noms d’origine populaire, au nombre d’environ 12.000 (sur 32.000), d’après le Dictionnaire de l’Académie française (édition de 1878) ; le latin, le grec, les langues étrangères (allemand, espagnol, italien, anglais ou autres langues moins importantes, telles l’arabe), pour les noms d’origine savante, scientifique, que l’on évalue à 20.000 environ.

À ces éléments primitifs il faut joindre les mots nouveaux introduits en français par la composition et la dérivation, tirés de noms existant déjà dans notre langue, ou créés souvent sans aucun souci des règles qui ont présidé à la formation de la langue française, pour satisfaire aux besoins modernes de notre existence.

L’étymologie est l’explication du sens propre des mots, et on arrive à ce sens propre des mots par l’étude des divers éléments dont ils sont composés. Ces divers éléments sont : la racine et les affixes.

On appelle racine l’élément primitif d’un mot, la syllabe qui représente l’idée originelle : on a ainsi pour racines : mort dans mortel, fin dans définir.

Les affixes, qui se divisent en préfixes (particules précédant le radical : dans finir) et en suffixes (particules suivant le radical : ir, dans définir), sont les éléments qui s’ajoutent au radical pour en modifier le sens et former des mots nouveaux.

4. La division étymologique, c’est-à-dire la division faite avec le secours de l’étymologie, consiste dès lors à séparer, à diviser les mots français d’après les noms d’origine étrangère qui les composent, en tenant compte des racines et des affixes.

Quelques exemples de racines feront comprendre notre pensée :

Aberration, de ab erratio ; division : ab / erration ; binocu-laire, de bis oculus ; division : bin / oculaire ; exemplaire, de ex emplaris (ex amplus, ex implere) ; division : ex / emplaire ; aubépine, de alba spina ; division : aub / épine ; musaraigne, de mus aranea ; division : mus / araigne ; malheur, de malum au-gurium ; division : mal / heur ; connétable, de comes stabuli ; division : conn / étable ; manœuvre, de manus opus ; division : man / œuvre.

La division étymologique avec les préfixes et les suffixes nous donnera :

Préfixes :

Abs / ence (être loin de), av / eugle (ab oculus, sans yeux), a / bréger (rendre bref),
  dés-emparer, dés-aveu, mal-adroit,
més-intelligence, més-user, par-achever,
r-avoir[9], r-abattre, ré-agir.
sub-alterne, sur-abondant,

Suffixes :

  lav-age, oser-aie, gourmand-ise,
huit-aine, mol-aire, dans-eur,
venge-ance, lég-ende, fourb-erie,
bill-ard, fond-ation, bouch-ée,
pot-ier, ling-ère, mout-arde,
roman-esque, nobl-esse, pend-aison,
fum-euse, malad-ie, port-ail.

5. La division syllabique ou d’épellation, au contraire, ne se préoccupe pas de l’étymologie ; avec elle, la séparation, la coupure des mots, se fait après chaque syllabe de notre épellation.

Reprenant les exemples donnés précédemment, nous aurons, dans le cas de la division syllabique, les coupures de mots suivantes :

Grec

  ar-che-vê-que, cépha-lal-gie, mi-san-thro-pie,
ca-tas-trophe[10], dé-ma-go-gie, mo-nar-chie.

Latin :

  aber-ra-tion, exem-plaire, au-bé-pine,
con-né-table, bi-no-cu-laire, mu-sa-raigne.
ma-lheur, ma-nœuvre,

Français : préfixes :

  ab-sence, ra-voir, su-ra-bon-dant,
aveu-gle[11], su-bal-terne, ma-la-droit,
abré-ger, dé-sa-vœu, pa-ra-che-ver,
dé-sen-pa-rer, ra-battre, réa-gir,
mé-sin-tel-ligence, mé-su-ser, su-rai-gu.

Suffixes :

  la-vage, ose-raie, por-tail,
hui-taine, mo-laire, pen-dai-son,
ven-geance, lé-gende, mou-tarde,
bil-lard, fon-da-tion, bou-chée,
po-tier, lin-gère, four-be-rie,
ro-ma-nesque, no-blesse, dan-seur,
fu-meur, ma-la-die, gour-man-dise.

On voit, les différences profondes qui séparent les deux systèmes et les conséquences extrêmes auxquelles on est entraîné à vouloir s’en tenir strictement, au premier.

6. Le système le plus fréquemment conseillé, celui qui a semblé préférable à la généralité des auteurs typographiques, est le système de la division syllabique ou d’épellation ; en le mitigeant, et, dans quelques rares circonstances en l’améliorant à l’aide du système étymologique, il se montre de beaucoup supérieur à son concurrent. C’est, au reste, celui que la plupart de nos typographes, la totalité, peut-on dire, suivent sans même s’en douter.

Ces distinctions de divisions étymologiques ou syllabiques ne sont point nouvelles, et les correcteurs savent par expérience que tous les auteurs typographiques s’en sont longuement préoccupés.

Le système syllabique a les préférences de M. Frey, qui donne, dans son Manuel, de multiples raisons en faveur de « son excellence, de sa supériorité et des coupures rationnelles qui en sont la conséquence ».

M. Théotiste Lefevre, dans son Manuel du Compositeur typographe, l’un des ouvrages les plus estimés encore, malgré l’époque un peu éloignée déjà où il fut conçu et exécuté, dit nettement : « La division des mots à la fin des lignes se fait entre chaque syllabe, de notre épellation » ; et, en note, il ajoute : « Nous disons de notre épellation parce que nous pensons, avec M. Frey, qu’elle doit avoir la préférence sur la division exclusivement étymologique, qu’on ne peut suivre, dans un très grand nombre de cas sans nuire d’une manière sensible à cette épellation. »

Dans un paragraphe spécialement consacré à l’étude de la division, M. Daupeley-Gouverneur conclut ainsi : « Elles (les deux façons de diviser les mots) ont toutes deux des partisans armés de bonnes raisons, et il nous serait peut-être difficile de fixer notre choix, si nous ne savions par expérience que l’une a sur l’autre l’avantage d’assurer l’uniformité de marche. Pour ce motif, nous n’hésitons pas à nous prononcer en faveur de l’école qui divise suivant l’épellation française.

M. J. Claye (Manuel de l’apprenti compositeur) est plutôt partisan d’un système mixte : « Les mots ne se divisent pas indifféremment comme le hasard de la composition le produit. Ils doivent être coupés par syllabes et selon leur étymologie. » Et plus loin, développant sa pensée, d’accord un peu en cela avec d’autres auteurs, M. J. Claye ajoute : « Pour les mots dérivés du grec ou du latin on doit observer l’étymologie et diviser d’après elle. »

Tel n’est point l’avis de l’auteur des Règles de la composition typographique. Dans son petit volume (p. 10, 12-13), M. D. Greffier écrit : « Les mots doivent être divisés par syllabes comme dans l’épellation. » — Pour lui, « dans le français l’étymologie ne peut régler la coupure des mots », et « la coupure soi-disant étymologique, préconisée par quelques correcteurs, n’est vraiment heureuse que lorsqu’elle est d’accord avec l’épellation ».

M. Leclerc, dans son Nouveau Manuel, guide précieux et maniable par excellence, est partisan du système syllabique ou d’épellation : « À notre avis, il faut employer la division par épellation de préférence à celle purement étymologique ; outre que la seconde peut nuire sensiblement à cette épellation, elle exige du compositeur une certaine somme de capacités grammaticales qu’il ne possède pas toujours. » Toutefois, après avoir développé plus longuement sa pensée, après avoir cité les lignes et la démonstration si éloquentes de Daupeley-Gouverneur, M. Leclerc ajoute : « Néanmoins, il est des cas où l’étymologie doit toujours primer l’épellation : elle sera donc observée (l’étymologie) toutes les fois que les fragments de mots résultant de la coupure n’en souffriront pas dans leur physionomie ni dans leur prononciation. » Et, comme fragments de mots ne souffrant pas, dans leur prononciation, de la coupure étymologique, l’auteur du Nouveau Manuel fait figurer :

Dés-abuser[12], dés-agréable, dés-aveu, dés-obliger, mal-adroit, mal-habile, més-alliance, més-aventure, sub-aigu, sub-alpin, sub-alterne, sub-urbain, sur-abondant, sur-aigu, sur-exciter, syn-optique.

M. Leclerc voudra-t-il nous faire croire que la prononciation du mot désa-buser ne souffrira pas quelque peu de cette coupure ? et mal-adroit, sur-abondant, syn-optique ? — Pourquoi, dans son Dictionnaire de la langue française, Littré indique-t-il la prononciation figurative : dé-za-bu-zé, dé-zaveu, mé-zaventu-r’, su-bal-ter-n’, si-nop-ti-k’ ? — Quel compte M. Leclerc tient-il donc ici de l’é dans dés, accent que la prononciation seule a introduit, et non point l’étymologie (dés vient du latin de-ex, d’après Littré) ? Quelle importance lui accorde-t-il ? Si l’accent est nul, supprimons-le et prononçons : deus-aveu, meus-aventure. Si, au contraire, cet accent est obligatoire, rendons-lui sa véritable fonction et séparons-le, comme le fait la prononciation, de s, dont il n’a nul besoin pour donner à e un son fermé. — Synoptique se prononcera-t-il : si-nop-ti-k’, comme l’indique Littré ; ou, après avoir divisé syn-optique, ainsi que le conseille M. Leclerc, dira-t-on : sain-[13] optique ?

Enfin, pour être logique, bien que M. Leclerc n’en parle pas, nous devrons diviser encore : dés-ir, dés-ert. — Quelle contradiction, pour un lecteur ignorant de toutes ces arguties et de toutes ces subtilités, si, aux lignes suivantes, surviennent les divisions dé-so-ler (de de et solus), dé-su-da-tion (de de et sudare), dé-sué-tude (de de et suetudo), faites en concordance avec l’étymologie. — Comment, encore, diviser désuint (dont le mot primitif est des-suint) : dés-uint, suivant M. Leclerc, ou dé-suint, d’après nous ? Et ne peut-on mieux comprendre ici quelle, fonction l’é remplit, après la suppression de s ?

Dans son Cours élémentaire de composition typographique, au paragraphe de la Division des mots en fin de ligne, M. V. Breton constate que, sur cette question… « les avis sont bien partagés : les uns veulent diviser tout simplement par syllabes, telles qu’elles sont constituées par leurs lettres et leur son ; d’autres, peut-être avec raison, voudraient la division étymologique. Cette dernière se comprendrait si tous les compositeurs[14] possédaient à fond le grec et le latin ; mais, comme cela n’est pas, il semble préférable, pour éviter les divisions baroques, de s’en tenir à la division élémentaire par syllabes, telle qu’elle se comprend le plus facilement. Cela n’enlève rien, du reste, à la correction. »

Et, quelques lignes plus loin, insistant sur l’idée qu’il vient d’émettre, il termine par cette conclusion qui confirme, entièrement notre manière de voir : « Il vaut donc mieux s’en tenir au mode simple et clair de la division par syllabes telles quelles, en évitant toutefois certaines divisions défectueuses qu’il est facile de désigner après une simple explication. »

M. Tassis, dans son Guide du Correcteur, remarque plaisamment qu’en 1835, après une lutte des plus vives et des plus longues, dans les imprimeries de Paris, entre correcteurs tenants du système étymologique et correcteurs tenants du système syllabique, les partisans de la division étymologique, réellement effrayés des conséquences auxquelles les avaient conduits leurs préten- tions, furent obligés d’en revenir au système syllabique, à la grande joie peut-être de leurs adversaires.

Sans vouloir renouveler ces luttes un peu lointaines déjà, et sans doute homériques eu égard au sujet qui les avait provoquées, le système étymologique a encore ses défenseurs.

Si MM. Frey, Daupeley-Gouverneur, Théotiste Lefevre, D. Greffier, V. Breton, Tassis sont nettement partisans du système syllabique, si MM. J. Claye et Leclerc, tout en préconisant la division par syllabe, admettent également, quoique dans de moindres proportions, la coupure étymologique, il est d’autres auteurs qui, eux, semblent plutôt favorables à l’étymologie, aux dépens de l’épellation.

Dans le Vade-Mecum du Typographe, dont une deuxième édition a été publiée à Bruxelles en 1894, M. Jean Dumont reconnaît que cette question de la division « a donné et donne encore lieu à de nombreuses controverses » ; mais, ne désirant point faire un cours d’étymologie », il se contente simplement, sans entrer dans le fond de la question, d’émunérer rapidement les règles les plus usuelles.

Toutefois, avant de terminer le paragraphe intitulé Division des mots et mauvaises coupures, il ajoute : « Voici, pour servir de guide, quelques exemples de bonnes divisions », parmi lesquelles on peut choisir les suivantes qui paraissent répondre plus particulièrement à la pensée de l’auteur :

  ab-solution, en-ivrer, ob-struer,
ab-sorber, en-orgueillir, per-oxyder,
abs-tention, exa-gérer[15], pré-occuper,
abs-traction, exi-ler, pres-byte,
ab-surde, fais-ceau, pre-science,
apo-stasie, hémi-sphère, pro-scription,
apos-tille, in-habile, prot-oxyde,
atmo-sphère, in-struction, ré-agir,
auto-chtone, in-oculer, ré-installer,
brom-hydrique, in-odore, ré-unir,
cata-strophe, més-alliance, sou-scrire,
con-science, més-unir, sous-traire,
dés-agréger, micro-scope, sub-aigu,
dés-unir, minis-tère, sulf-hydrique,
dia-stase, non-obstant, téle-scope[16],
dis-tance[17], ob-scurément, trans-action.

M. Jean Dumont est, on le voit, plutôt favorable à la division étymologique, bien qu’il n’ait pas une opinion ferme à cet égard, puisqu’il refuse de prendre parti.

On ne peut s’empêcher de remarquer la bizarrerie, plutôt choquante, de certaines des divisions que nous avons tenu à citer : en-ivrer, in-habile, in-oculer, in-odore, més-unir, prot-oxyde, téle-scope, et dont nous étudierons plus loin, avec M. E. Desormes, les conséquences fâcheuses au point de vue de la prononciation.

Remarquons encore qu’après avoir autorisé les divisions ré-agir, ré-unir, ré-installer, M. Jean Dumont ajoute en note : « Cependant on ne divisera pas ré-aliser, ré-ussir, mais bien réa-liser, réus-sir, pour la raison définie au 6° du paragraphe » (relatif aux divisions entre deux voyelles), qui autorise la division entre les voyelles, finale et initiale, des deux parties d’un nom composé.

Il est difficile de comprendre les raisons de cette différence. Il nous avait semblé jusqu’ici, et c’est tout au moins l’opinion de Littré, de Larousse, de Brachet et de Dussouchet, que le préfixe était le même dans un cas comme dans l’autre. Pourquoi alors autoriser la division étymologique ré-agir, etc., et la proscrire avec réali-ser, réus-sir ? — Ne pourrait-on encore diviser réa-liser, aussi bien que réali-ser ?

M. Fournier, dans son Traité de Typographie, écrit : « Par exemple, pour les mots constitution, inscription, un compositeur qui ignorerait leur étymologie formerait les divisions ainsi qu’il suit : cons-titution, ins-cription[18]; il faut, au contraire, les former comme ci-après : con-stitution, in-scription[19]. Cette règle, qui s’applique à une foule d’autres mots dans la langue française, tient à la nécessité d’indiquer ses racines et ses étymologies ; la grammaire est un guide que l’imprimerie doit suivre avec docilité. »

Cette affirmation semble tout au moins discutable : l’œil et l’oreille peuvent se trouver en contradiction avec la grammaire (on vient de le voir avec M. Leclerc) ; les habitudes, les usages peuvent, avec les nécessités de la vie, modifier jusqu’aux idées fondamentales que le peuple devrait se faire des règles qui ont présidé à la formation de sa langue[20].

Où donc aujourd’hui, dans les milieux ouvriers, industriels et commerciaux — après quelques leçons, de plus en plus brèves, de plus en plus rares, d’étymologie latine, grecque ou autre, données à l’école primaire — se préoccupe-t-on de l’étymologie ? Nos modernes typographes n’en connaissent souvent pas le moindre mot ; certains peut-être ignorent jusqu’au nom lui-même. À plus forte raison en est-il de même du public. Ce que le lecteur exige, le but que le typographe doit s’essayer à atteindre, ce que le correcteur doit envisager avant tout, c’est de pouvoir comprendre, d’être compréhensible et surtout compris : en un mot et pour tout résumer, il faut dans la division imprimée mettre d’accord, semble-t-il, et le langage parlé et le langage écrit.

C’est notre conviction intime ; et certes ce doit être également celle de M. Fournier, car, après les lignes que nous venons de citer, il ajoute immédiatement : « Toutefois, cette règle n’est pas constamment d’une application possible ; elle a ses limites, qu’il est facile au typographe de reconnaître[21] (? !). Ainsi la division étymologique ne peut avoir lieu qu’autant qu’elle n’est pas contraire à la prononciation (n’est-ce pas ce que nous disions il y a un instant ?) ; on ne coupera donc pas de-scription, mon-arque, téle-scope. » Voilà ici M. Fournier bien loin du principe qu’il posait, il y a quelques minutes et ne se préoccupant plus en quoi que ce soit de la grammaire (l’étymologie, évidemment, dans l’espèce), « guide que l’imprimerie doit suivre avec docilité » !

Tout aussitôt, cependant, donnant encore raison, en les commentant et en les expliquant, à notre raisonnement, à notre désir « de mitiger, d’améliorer, dans quelques rares circonstances, le système syllabique par la division étymologique », quand les deux systèmes peuvent sembler d’accord, M. Fournier ajoute : « Les ouvrages scientifiques exigent les divisions étymologiques ; la valeur des mots y serait inintelligible si leur formation n’y était pas clairement indiquée. »

D’accord, et fort bien ! Voilà certes quelqu’une des rares circonstances (et encore pourrait-on presque restreindre ces cas aux ouvrages linguistiques !) qui paraissent légitimer les dérogations à la règle de la division syllabique et qui confirment cette règle, tout en y faisant exception.

Nous sommes en effet persuadés que la division syllabique peut être appliquée, sans offenser le bon goût, sans choquer ni l’œil ni l’oreille, et surtout sans contrecarrer les connaissances littéraires, quelles qu’elles soient, du lecteur, dans presque tous les cas où la coupure d’un mot est nécessaire, à condition bien entendu que ce mot puisse être divisé.

Il n’en est nullement de même, on l’a vu plus haut par les quelques exemples cités au hasard de la plume, avec le système de la division étymologique.

Dès maintenant s’impose une constatation : tous les auteurs (MM. J. Claye, Leclerc, Jean Dumont, Fournier), plus ou moins partisans de la division étymologique, sont obligés d’avouer les trop multiples défauts de ce système et de reconnaître qu’il est absolument inapplicable dans de nombreuses circonstances. Le fait, est à retenir.

Ces écrivains cependant n’ont étudié la question que superficiellement et comme en passant. Avec M. E. Desormes il en est tout autrement. Cet auteur, ex-directeur de l’École professionnelle Gutenberg, occupant de ce fait une situation prépondérante dans le monde typographique, est un de ceux qui se sont le plus longuement occupés de cette question de la division. Dans son livre les Notions de Typographie, il a rassemblé avec un soin jaloux, en un faisceau qu’il a voulu rendre indissoluble, tous les arguments de ses devanciers et les siens propres en faveur de la division étymologique. Il n’est pas inutile dès lors de s’arrêter quelques instants et de reprendre un à un, si l’on peut dire, les paragraphes où cette question est traitée dans le livre si intéressant de M. E. Desormes.

Comme tout auteur qui se respecte, M. Desormes pose d’abord un principe (contre la division épellative) : « M. Théotiste Lefevre, dans son Guide pratique, et, avec lui, un grand nombre de correcteurs, sont partisans d’un système que nous ne saurions adopter. Nous pensons qu’il n’est pas permis de violenter ainsi notre langue au profit exclusif de l’épellation par syllabe, dont les inconvénients sont si bien reconnus, qu’elle a disparu des écoles pour faire place à l’épellation par mots »[22].

Le lecteur doit être suffisamment édifié, semble-t-il, et il pourrait paraître superflu d’insister plus longuement sur les idées de M. Desormes (il ne resterait plus qu’à en examiner les conséquences), s’il n’apportait certaines affirmations bien faites pour surprendre après un début aussi catégorique.

Aussi poursuivons la citation : « Prenons, par exemple, les mots désunir, désapprouver, transalpin et une foule d’autres analogues, et nous verrons qu’il eût été bien plus logique de les épeler et, par contre[23], de les diviser étymologiquement que pédagogiquement, puisque dans ce dernier cas ils perdent leur prononciation française et la gardent dans l’autre. — Si nous épelons par l’ancienne manière les mots cités, nous avons, pour les commençants et les étrangers, dè-çunir, dé-çapprourer, tran-çalpin, c’est-à-dire que nous donnons à notre, langue latine[24] la rudesse de l’accent tudesque, tandis que, si nous épelons étymologiquement, dés-unir, dés-approuvé, trans-alpin se prononcent comme ils doivent se prononcer. »

On ne peut se refuser à croire aux connaissances linguistiques de M. Desormes ; on nous permettra, toutefois, notre sentiment différant du sien en la circonstance, de ne point nous en rapporter de prime abord à son opinion. Dans son Dictionnaire de la langue française, Littré, un érudit dont personne ne songera à contester la compétence et l’autorité en cette matière, figure ainsi la prononciation de ces mots (M. Desormes pourra s’en convaincre aisément) : dé-zu-nir, dé-za-prouvé, tran-zal-pin. Larousse, lui aussi, dans son Dictionnaire, donne de ces mots une prononciation figurative identique[25]. — Ces exemples paraîtront décisifs ; dès lors, il ne saurait plus être question ici de la rudesse de l’accent tudesque (figuré par ç), et, sans doute, désormais la prononciation épellative de ces mots sera permise !

M. Desormes ajoute : « On ne manquera pas de dire que notre argumentation a moins de fond que de subtilité : ce sera une erreur (!) ajoutée à beaucoup d’autres (alors Littré se serait trompé ?), car, s’il en était ainsi, il ne resterait plus qu’à supprimer tous les accents suscrits ou souscrits, qui deviendraient des superfluités dont l’inutilité ne serait plus contestable. »

Voilà qui est étrange ! Les partisans de la division épellative ou syllabique n’ont jamais songé à supprimer les accents souscrits (sans doute les cédilles dans la circonstance ?), pas plus que les accents suscrits, auxquels avec leur système ils laissent toute leur valeur. Tout au contraire de ce qu’il espérait, ce reproche, loin d’atteindre ses contradicteurs, retombe sur M. Desormes, qui, sans le savoir, se fait à lui-même son procès ; on le verra avec les divisions étymologiques dés-honorer et autres semblables.

Non content de ces affirmations, M. Desormes cherche maintenant à embarrasser les défenseurs du système syllabique, en leur objectant certaine contradiction superficielle, inhérente au système : « Dans les exemples présentés par les partisans de l’épellation syllabique, il s’en trouve plusieurs de même essence qui sont à la fois divisés par l’épellation et par l’étymologie[26] sans que rien ne vienne légitimer une anomalie que l’esprit aura peine à s’expliquer. En effet, qui pourra comprendre pourquoi l’on divise sub-stituer étymologiquement et su-blingual arbitrairement, étant donné que les deux préfixes sub ont même origine et même importance. »

À ces lignes, la réponse pourrait être fort simple, et c’est encore M. Desormes lui-même qui la fournirait lorsqu’il avoue, en parlant des bizarreries de la division étymologique : « Nous n’y pouvons rien, car l’épellation (à ce mot, dans notre cas, nous substituerions : l’étymologie) elle-même ne saurait corriger ces travers, étant donné qu’il y a là une question d’euphonie, toute de convention, absolument étrangère à celle qui nous occupe. »

La riposte serait sérieuse et mériterait d’être prise en considération : c’est une arme à deux tranchants dont chaque adversaire pourrait user au gré de ses désirs ou de ses besoins. Mais nous avons mieux à opposer à M. Desormes, en puisant notre réfutation dans son propre texte.

Pourquoi M. Desormes, qui ne peut comprendre les divisions épellatives sub-stituer et su-blingual, même par raison d’euphonie, ne divise-t-il pas étymologiquement, « pour être complètement d’accord avec lui-même[27], des mots qui pourtant s’y prêtent tout naturellement, comme : des-cription, pres-cription, des-celler », alors qu’il n’hésite pas à diviser bas-tion » ?

Pourquoi, s’appuyant sur cet exemple nullement probant et qui, en définitive, se retourne contre lui dans d’autres circonstances, abandonne-t-il « l’étymologie chaque fois (nous aurons bientôt ainsi plus d’exceptions que de règles) que cela pourra être fait au profit de la prononciation (toujours l’euphonie !), ce qui est autant de gagné (!) sur une langue qui peut être considérée comme très riche, mais aussi comme très épineuse » ?

Pourquoi, encore, diviser : arc-hange et arche-vèque ? Si l’étymologie est la même (comme avec sub dans les mots sub-stituer et su-blingual), d’où vient cette différence dans la manière de diviser ? Soyons donc logiques et suivons l’épellation : ar-chan-ge, ar-che-vèque. — Objectera-t-on, à notre encontre, les divisions pan-théisme et pa-nè-gyrique ? Il sera facile de répondre que, dans cet exemple, il y a identité, quant à la division suivie qui est épellative, ce qui n’est nullement le cas avec arc-hange et arche-vêque, coupures qui ne sont l’une par rapport à l’autre ni épellatives ni étymologiques. La contradiction qu’on voudrait relever dans pan-théisme et dans pa-né-gyrique n’est, pour le système syllabique, qu’apparente ; à notre avis, on ne saurait en effet ici se préoccuper en quoi que ce soit de l’étymologie, en raison de la différence de prononciation des deux syllabes pan, dont l’une est nasale et dont l’autre a le son ouvert. Question d’euphonie ! on le reconnaîtra.

Dans un moment de franchise, et tout au contraire de ce qu’il a dit au début de son argumentation, M. Desormes reconnaît maintenant, que la division étymologique, dans certains cas, violente notre langue au profit sans doute de la division épellative, et il fait cet aveu : « Nous ne sommes pas d’avis de diviser étymologiquement tous les mots, ce qui donnerait des divisions dans le genre de amb-ition, mult-itude, post-èrieur, bust-ion, vin-aigre. » C’est par ces simples mots que M. Desormes supprime, sans les discuter, la plus grosse objection soulevée contre la division étymologique et la plus grande difficulté qui se soit opposée à son adoption. Comment, en effet, se reconnaître — et l’auteur des Notions de typographie le pourrait-il lui-même, malgré l’érudition certaine dont il fait preuve, ici — au milieu de l’inextricable chaos, créé par les étymologistes, de la division des mots en préfixe, radical et suffixe ?

Cette impossibilité n’a point échappé à M. Desormes ; aussi, désireux de faire, triompher quand même les idées qu’il préconise, il essaye de porter la discussion sur un autre terrain : « Mais nous pensons que chaque fois que l’étymologie nous donne un ou deux mots français dérivés du grec ou du latin, sans en changer ni la prononciation[28] ni l’orthographe, comme dèca-stère, trans-action, ou dans lesquels se trouvent les consonnes racines sc, st, qui aident si bien à la prononciation lorsqu’elles se trouvent au commencement de la seconde partie d’un mot divisé, nous pensons qu’il est préférable de suivre l’étymologie, qui s’indique d’elle-même. » — « Parmi les mots peu employés[29], prenons-en quelques-uns au hasard, et l’on verra combien nos observations (celles énumérées au début contre la division épellative) sont fondées : métas-tase, divisé d’après l’épellation, fera pour le lecteur inhabile métâ-tase ; bas-tingage fera bâ-tingage ; ergas-tule fera ergâ-tule ; épis-taxis fera épi-taxis ; épis-tyle fera épi-tyle ; etc. » D’autres exemples pourraient encore être donnés, s’il en était besoin.

Nous le regrettons très vivement, mais ici encore nous sommes en contradiction formelle avec M. Desormes, et nous prenons la liberté de lui demander si réellement nous devons prononcer métasse-tase (d’après lui) ou, tout simplement méta-stase (d’après nous), dont la division est alors d’accord avec la prononciation, l’orthographe et l’étymologie (trois points particulièrement chers à l’auteur des Notions de typographie) ; basse-tingage ou ba-stingage ; er-gasse-tule ou er-ga-stule ; épisse-tyle ou épi-style ? Si persuadé, toutefois, que nous soyons de notre manière de voir, on nous permettra de l’appuyer de l’opinion de Littré, qui, dans son Dictionnaire de la langue française, figure ainsi la prononciation de ces différents mots : ba-stin-ga-g’, mé-ta-sta-z’, er-ga-stu-l’, épi-sti-l’. La division syllabique est d’accord ici avec la division étymologique ; ce fait enlève donc toute valeur au raisonnement de M. E. Desormes et aux conséquences qu’il en veut tirer.

M. Desormes comprend bien, du reste, par ailleurs, toute la faiblesse de son argumentation, et il s’excuse presque en reconnaissant qu’il ne « tranche pas toutes les difficultés, particulièrement dans les mots suivants : in- / animé, in- / habile », dans lesquels un lecteur inhabile prononcera sûrement les syllabes isolées i n non pas inn’, mais bien in, avec le son nasal, comme dans in-forme, in-grat, im-poste, etc. À ces mots, on pourrait ajouter bin-oculaire, in-occupé, in-usité, in-édit, syn-agogue, syn-onyme, syn-ode, mon-arque, in-ertie, in-action, en-ivrer, et tant d’autres, dont la liste est si longue que… et qui n’ont nullement la réputation d’être des mots peu employés. — On ne saurait, d’autre part, affirmer que « nous n’y pouvons rien », car précisément la division syllabique remédie au plus grand nombre des erreurs de prononciation occasionnées par la division étymologique.

Enfin, nous dirons encore que nous n’avons jamais entendu prononcer, même par des enfants d’une dizaine d’années (lecteurs pourtant maintes fois inhabiles !), et sans pour cela que nous nous soyons livrés à la moindre enquête : ci-juranne, ci-rhénane, tran-caucasien, tran-pyrénéen, pas plus que pô-térieur, mais bien : ciss’juranne[30], ciss’rhénane, transs’caucasien, poss’tèrieur, et aussi cis-zalpin, trans-zalpin, trans-souralien.

En divisant des-cription, pres-cription, des-celler (divisions syllabiques ou d’épellation qu’il accepte sans observation, nous l’avons vu), M. Desormes prononce-t-il : ou (dê-cription), prê (prê-cription), ou dess’-cription, press’cription ? On sait quelle fonction remplit ici, lors de la prononciation, l’s après l’e muet. — Ne dit-on pas encore : dé-shonorer, tout comme dé-sapprouver et non pas dés- / honorer ? Dans la prononciation on opère la liaison : sho (zo), sa (za) ; si le contraire avait lieu, il faudrait dire : dé-approuver, dé-honorer. La coupure syllabique dé-shonorer, dé-sapprouver, mé-sunir, mé-salliance, etc., laisse à l’é (c’est-à-dire, peut-être, à l’accent suscrit) sa valeur entière, alors que tout au contraire, sous prétexte d’étymologie, M. E. Desormes, comme pour les mots des-cription, téles-cope, renforce cet é de la présence de l’s qui le suit : l’auteur aurait-il l’intention de prouver que cet accent suscrit (?) est, lui aussi, une « superfluité dont l’inutilité n’est plus contestable » ?

Enfin, s’appuyant sur ce principe personnel cité plus haut et qui lui permet « de ne pas diviser étymologiquement des mots qui pourtant s’y prêtent naturellement » (tels description, etc.), l’auteur des Notions de typographie ajoute : « Nous dirons également un mot des noms propres en Mont, que l’on pourrait s’étonner de ne pas voir diviser d’après la méthode que nous indiquons ; cela tient à notre désir d’éviter les exceptions en simplifiant les procédés[31]. — Mont vient du latin mons[32] : si nous divisons étymologiquement Mont-argis, Mont-aigu, nous sommes obligés de diviser de même Mons-ols, Mons-égur et d’autres encore, ce dont nous ne voyons pas l’utilité, puisque la prononciation, au lieu d’y gagner, ne pourrait qu’y perdre. Il faudrait, en outre, diviser Monte-leone et Mont-olivet ; tout cela causerait d’inextricables difficultés que nous supprimons. »

Que nous aurions souhaité voir M. Desormes, oublieux ici de ce qu’il disait il y a un instant au sujet de sub-stituer et de su-blingual, accepter en son entier cette constatation des inextricables difficultés que cause l’application de la division étymologique, et se rallier, non pas simplement par pure « question d’une euphonie toute de convention », mais sincèrement et sans arrière-pensée, au système de la division syllabique ?

Il n’en est rien, malheureusement, car, tout au contraire, accentuant son erreur, M. Desormes déclare : « Nous ne saurions en rester là », et propose, pour éviter des embarras au correcteur et au typographe, de diviser cré-ance, sé-ance, Alex-andre, influ-ence, au lieu peut-être de créan-ce, séan-ce, Alexan-dre, influen-ce, » coupures aussi défectueuses l’une que l’autre. — Il est vrai que M. Desormes ajoute immédiatement, comme regrettant presque ce qu’il vient de dire : « Ce qui ne nous empêche pas de conseiller d’éviter ces divisions peu harmonieuses, toutes les fois qu’il en pourra être ainsi. » Voyons, il faudrait pourtant s’entendre : ces divisions sont-elles permises ou ne le sont-elles pas ? Là est toute la question. Nous disons formellement : non. M. Desormes dit : oui et non. Il nous semblait pourtant qu’une porte ne pouvait être et ouverte et fermée en même temps, et nous étions persuadés qu’elle devait être ou fermée ou ouverte. Tel n’est pas l’avis de l’ex-directeur de l’École professionnelle Gutenberg ; aussi, désormais, aucune de ses théories n’est pour nous étonner, et c’est sans observation que nous enregistrons cette ultime déclaration, après quelques lignes sur le radical, les préfixes, les suffixes et les causes de la division : « Aussi nous a-t-il semblé que cette dernière (l’étymologie) devait être respectée toutes les fois que le préfixe ou le suffixe s’y prêteraient en offrant, soit avant, soit après la division, un mot français, sans en changer ni la prononciation ni l’orthographe. Mais il faut le reconnaître, car on ne saurait trop le répéter, on devra s’abstenir, quand il se pourra, de diviser deux ou trois lettres — ce qui n’a de raison d’être que dans les petites justifications — pour s’attacher à couper par le milieu tous les mots d’une certaine longueur : aber-ration, désap-prouver, inac-cessible. »

Pourquoi M. Desormes n’a-t-il pas cru devoir placer cette déclaration au début du paragraphe qu’il a consacré à la division ? Il nous eût évité bien des surprises et il nous épargnerait l’ennui de mettre sous les yeux du lecteur, malgré la longueur déjà exagérée de ces lignes, quelques-unes des divisions bien typiques du système étymologique, en le priant d’en remarquer les contradictions incessantes :

  Ab-a sourdir[33], éché ance, para bole,
ab-er ra tion, en ivrer, par achever,
ab-o lir, ex-i gible, par-enthèse,
ab user, fu n-am bule, par hélie,
aléa-toire, ga lé asse, par-o die,
al épine, gou ail lerie, pro-spectus,
an-archie, in ad ver tance, pyro xène,
ana strophe, in-a bor dable, re-s pirer,
ar cha ïsme, just au corps, ré union,
ar-c hal, last ing, sub al terne,
arc h-ange, mal adroit, sur anné,
arch-e vêque, média stin, su scrip tion,
cré ole, majus cule, tran s-ept,
cyan ure, més ange, trans port,
dés abuser, Méso-potamie, téle-scope,
dé s-ir, mi nis tère, tris annuel,
dés ordre, mo na stère, tri umvir.

Nous laissons maintenant au lecteur le soin de tirer de ces exemples les conclusions qu’ils comportent, mais on nous permettra de dire : « Que d’exceptions ! Autant, de principes énoncés, autant de restrictions qui s’imposent immédiatement ! » Et voilà le système que l’on voudrait nous voir accepter ! Autant vaudrait ne rien avoir, ni règles, ni principes ; rien que la fantaisie et le bon plaisir de chacun.

Est-il possible aujourd’hui de tenir compte de l’étymologie dans la langue française parlée ?

Sans hésiter, avec M. Tassis, nous répondrons : non.

1° À cause des e ouverts qu’il faudrait nécessairement, prononcer comme e muets à la fin des lignes. On dit : dèss’-cription et non deu-scription, comme dans me-surer ; — prèss’-cription et non preu-scription ; — télèss’-cope et non téleu-scope ;

2° À cause des é aigus à la fin des lignes, accent que, dans un bon nombre de cas, rien ne justifie et que les transformations successives du langage ont introduit au détriment de l’étymologie. On prononce : pé-ninsule et non pènn’insule, que donnerait, la division étymologique pén-insule ; — dé-sa-veu et non des-aveu ou dèss’-aveu, etc.

3° Comme on l’a déjà fait incidemment observer, les affixes in (privatif ou négatif) dans inactif et intelligent, syn dans syndic et synancie, en dans encastrer et enivrer, an dans anévrisme et antrustion, changent de prononciation en conservant ou en perdant le son nasal, suivant qu’ils sont suivis d’une consonne ou d’une voyelle.

Encore une fois, que devient l’étymologie dans ce cas ? Pourquoi cette différence entre le langage parlé et le langage écrit ? Pourquoi une syllabe rencontrée, avec un son normal, dans un mot placé au milieu d’une ligne, se prononcerait-elle de façon différente lorsque les nécessités de la justifi- cation ont conduit le compositeur à couper ce même mot à la fin d’une ligne ?

La division française, division syllabique ou d’épellation, est naturelle : elle découle du bon sens et aussi des premiers principes que l’instituteur inculque à l’élève de l’école primaire. Toute personne qui connaît et surtout qui parle correctement sa langue est apte à résoudre convenablement les minimes difficultés que la division syllabique peut faire surgir. En pourrait-on dire autant de la division étymologique ? Au lecteur de répondre, après s’être convaincu que le plus simple en toutes choses est encore ce qu’il y a de mieux.

Qu’on en juge par cette simple énumération empruntée au Guide du Correcteur de M. Tassis :

Division française :

  ant-onomase, mon-arque, pros-odie,
arch-ange, mont-Argis, pseud-onyme,
arch-evêque, nav-arque, raps-ode,
chir-urgie, nég-oce, rect-angle,
dés-unir, ob-lation, réd-emption,
hiér-archie, palin-odie, strat-égie,
hyp-èthre, pan-égyrique, sub-ir,
hydr-argyre, péd-agogue, syn-ode,
in-occupé, pén-insule, thaumat-urge,
lyc-anthropie, Phil-ippe, trans-action,
mét-onymie, post-hume, vin-aigre.

Division étymologique :

  an-to-no-mase, mo-narque, pro-so-die,
ar-change, Mon-tar-gis, pseu-do-nyme,
ar-che-vêque, na-varque, rap-sode,
chi-rur-gie, né-goce, rec-tangle,
dé-su-nir, obla-tion, ré-demp-tion,
hié-rar-chie, pa-li-nodie, stra-té-gie,
hy-pèthre, pané-gyrique, su-bir,
hy-drar-gyre, pé-da-gogue, sy-node,
inoc-cupé, pé-nin-sule, thau-ma-turge,
ly-can-thropie, Phi-lippe, tran-saction,
mé-lo-nymie, pos-thume, vi-naigre.

7. En latin et en grec, la division est essentiellement étymologique ; tous les e ont le son ouvert ; la division se fait entre deux consonnes.

8. En italien, comme en français, la division se fait entre chaque syllabe, sauf certaines restrictions relatives à s, c, p et t ; la voyelle e ayant toujours le son fermé (é), les divisions de deux lettres rejetées au début de la ligne sont plus facilement tolérées.

9. L’anglais préfère la division étymologique qui est généralement adoptée ; cette langue ne comporte pas d’accent sur e.

10. L’espagnol n’emploie qu’un seul accent, l’accent aigu, qui se place sur a, e, i, o, u ; la division se fait entre chaque syllabe, le signe se met avant l’x et l’y employés entre deux voyelles : com-ple-xion, flu-xion, ma-yor, ra-yita.

11. L’allemand divise généralement entre deux syllabes, et bon nombre de mots ne présentent aucune difficulté à cet égard ; il existe, toutefois, trop d’exceptions et de règles particulières pour qu’il soit possible de les énumérer ici ; sur ce point, le compositeur devra s’en référer aux meilleurs ouvrages allemands. Les Allemands n’ont aucune lettre accentuée, sauf les diphtongues ä, ö, ü que nous représentons souvent en français, et à tort, par æ, œ, ue.

12. En principe, et c’est une règle admise par tous les écrivains typographiques, les mots polysyllabiques peuvent, selon les besoins de la justification et d’après certaines règles, être divisés à chacune des syllabes grammaticalement fixées, que ces syllabes soient muettes ou non, au début et dans le corps du mot, et peu importe la quantité de lettres dont elles se composent. — Cette règle est générale pour les noms communs et les noms propres.

Les restrictions, les exceptions à ce principe sont nombreuses. Nous les verrons successivement.

13. Dans la composition courante, la division faisant fonction de trait d’union se colle de chaque côté, sans espace, à la lettre qui la précède et à celle qui la suit.

14. On ne divise jamais après la première syllabe d’un mot lorsque cette syllabe se compose d’une seule lettre :

  a- batage, i- déal, o- péra,
é- tat, u- léma, é- pitre,
o- tage, é- cole, o- céan ;
a- cadémie,


ce qui revient à dire que, malgré l’, les divisions suivantes ne sont guère recommandables :

  l’a- batage, l’é- cole, l’u- nivers ;
l’a- mitié, l’i- mage,


qu’elles paraissent même devoir être rigoureusement proscrites dans les ouvrages soignés ; on ne tolérerait les suivantes :

qu’a- vaient,xxxqu’é- veille,xxxqu’o- pèrent


qu’en raison des difficultés par trop grandes que, dans les justifications de peu d’étendue, leur proscription pourrait soulever à l’encontre d’un espacement régulier.

15. La division entre deux voyelles est défendue :

  monsi- eur, flexu- osité, intéri- eur,
lou- ablement, alé- atoire, néré- ides,
délé- atur, médi- ateur, océ- an,
ali- énation, li- on, péri- ode,
consci- ence,


excepté lorsque le nom est un mot composé, formé de deux autres mots juxtaposés, tels que :

  anti- apoplectique, extra- ordinaire, pré- existence,
anti- orléaniste, micro- organisme, pro- éminent.
co- existence,

Cette division entre deux voyelles, fort naturelle à la soudure étymologique de deux mots, est souvent pour le typographe, qui peut ignorer même les principes essentiels de la formation des noms composés, cause de nombreuses erreurs, et beaucoup d’excellents compositeurs ne la font qu’avec une certaine hésitation.

16. Lorsque le trait d’union existe dans un mot composé, il est préférable, à condition, bien entendu, que la régularité de l’espacement n’ait pas à en souffrir, d’opérer la coupure du nom après le trait d’union lui-même :

  aiguës-/ marines, contre-/ police, tire-/ bouton,
arrière-/ pensée, état-/ major, contre-/ amiral,
chauves-/ souris, porte-/ monnaie, perce-/ oreilles.
chevau-/ légers, reine-/ marguerite,

Même si l’usage a fait disparaître abusivement le trait d’union, le typographe, lorsqu’il pourra distinguer la soudure étymologique des deux mots, aura profit à opérer la division à cette même soudure :

  baise-/mains, main-/ levée, porte-/ feuille,
chèvre-/ feuilles, contre-/ maître, tire-/ lire,
contre-/ poids, porte-/ crayon,


coupures que l’on peut rapprocher de la division entre deux voyelles que nous avons vue plus haut (n° 15).

MM. Théotiste Lefevre et Leclerc acceptent, et sans aucune restriction, la division entre les voyelles finales et initiales des deux parties d’un mot composé, comme nous l’avons figurée. Telle est également, dans le Guide de l’apprenti compositeur, l’opinion de M. J. Claye, qui conseille de profiter de la présence de la division pour lui faire remplir le rôle de trait d’union et éviter ainsi le mauvais aspect produit par l’accumulation de plusieurs divisions dans un mot en comportant déjà.

Tout au contraire, M. Fournier, après avoir d’abord accepté la division entre les deux parties primitives du nom composé, à condition que la fin de la première et le début de la seconde n’aient pas été réunis en une seule syllabe (cas où évidemment cette portion du mot n’est plus divisible) :

contre-/ maître,xxxcontre-/ poids,xxxporte-/ manteau,


fait une restriction à cette règle qu’il vient d’accepter, par crainte de voir le lecteur se demander si le signe remplit en même temps la fonction de la division et celle du trait d’union[34]. Et, pour éviter l’erreur pouvant résulter de cette ignorance, M. Fournier désirerait l’emploi, pour la division en fin de ligne, d’un signe horizontal à double trait (analogue, par conséquent, sauf l’inclinaison, à la division gothique allemande).

M. Désiré Greffier regrette la règle (un peu absolue, dit-il) qui ne permet pas la division entre deux voyelles, même lorsqu’elles ne forment pas diphtongue. Il voudrait ainsi pouvoir diviser :

mo-abite,


où il n’y a pas diphtongue ; alors que l’on ne peut diviser :

sa-uvage,


à cause de la diphtongue au : « On a renoncé à cette tolérance à cause des difficultés et des erreurs où l’on tombe inévitablement. »

Et l’on a bien fait, croyons-nous à l’encontre de M. J. Claye, qui, dans son Manuel de l’apprenti compositeur, avoue ne pas saisir pourquoi la division

cru-/ auté,xxxcré-/ ation


n’est pas permise, « et est tenté de classer ce cas parmi les préjugés typographiques ».

Préjugé tant que l’on voudra ! Peut-être ! Mais M. J. Claye lui-même, tout maître imprimeur qu’il ait été, aurait-il pu donner une nomenclature exacte et complète des cas où, dans un nom, deux ou plusieurs voyelles accolées forment diphtongue et des cas où ces mêmes voyelles ne forment pas diphtongue ?

Ne sait-il donc point que, si ia est ordinairement dissyllabe (et conséquemment, d’après M. Greffier, pourrait être divisé : i-a ; ex. : mari-age), il est monosyllabe (donc formant diphtongue et ainsi ne pouvant être divisé) dans diable, fiacre, liard, diacre.

Quoique iai soit ordinairement dissyllabe, il est cependant monosyllabe dans bréviaire, et on ne peut diviser : brévi-aire.

Bien que ian soit dissyllabe, viande est monosyllabe.

, ier, iez, ière sont monosyllabes dans portier, prisonnier, premier, amitié, cierge, aimiez, croiriez, poussière, et, au contraire, dissyllabes dans baudri-er, étri-er, ouvri-er, pri-ère, sangli-er, alli-é, etc., alors que jusqu’à la fin du xvie siècle ier était monosyllabe.

Ien est monosyllabe dans mien, tien, sien, rien, viens, chrétien, appartient, et dissyllabe dans li-en, chirurgi-en, indi-en.

Alors que ieu dans lieu, dieu, pieu, deux, vieux, monsieur, est monosyllabe, avec envi-eux, extéri-eur, odi-eux, oubli-eux, pi-eux, il est dissyllabe.

Fiole et pioche sont monosyllabes pour io qui, au contraire, est dissyllabe dans curi-osité, péri-ode, médi-ocre, vi-olon.

Ion est tantôt monosyllabe : aimions, aimerions, sortions, et tantôt dissyllabe : entri-ons, sembli-ons, pri-ons, déli-ons.

est monosyllabe dans poêle, moelle, et dissyllabe dans po-ésie, poè-te, po-ème.

Ouin est monosyllabe avec babouin, marsouin.

Uel est monosyllabe dans écuelle et dissyllabe dans du-el.

Y forme une syllabe distincte dans paysan (pai-i-san) et disparaît dans payable (pai-iable), effrayant, foyer[35].

Combien d’autres irrégularités sont à ajouter, dont l’émunération pourrait paraître interminable ! Et l’on voudrait exiger d’un correcteur, nous ne saurions dire d’un typographe, qu’il se reconnaisse dans ce dédale au milieu duquel les auteurs eux-mêmes ont peine à se retrouver !

Si la défense de diviser entre deux voyelles doit être « classée parmi les préjugés typographiques », il serait à souhaiter que toutes nos règles de composition aient comme sauvegarde l’antiquité de ce préjugé, qui remonte fort loin ; les œuvres poétiques du Moyen Age et de la Renaissance en font foi.

Nos maîtres en typographie, qui peut-être redoutaient de « tomber de Charybde en Scylla », nous ont dotés d’une règle sévère, mais infaillible, « contre nos difficultés et nos erreurs ». Conservons-la.

17. L’usage permet de diviser entre les consonnes redoublées :

  com- mutateur, cuis- son, som- mation,
can- nelle, gram- matical, nour- risson,
chas- seur, glos- saire, hip- pophage.

Toutefois, dans ce cas, pour les nasales n et les liquides l mouillées, il faut reconnaître, avec M. Greffier, que la division n’est pas tout à fait d’accord avec la prononciation moderne qui donne :

  con- naître = co- naître,
travail- leur = trava- yeur,
papil- lon = papi- yon,
mil- lion = mi- lion.

« En attribuant, par la division, la première consonne à la syllabe qui précède, et la deuxième à celle qui suit, on se conforme à un usage établi depuis longtemps et accepté par tous. » C’est vrai ; mais, et ceci vaut encore mieux pour notre raisonnement, on se conforme surtout à la prononciation traditionnelle. : mil-yon, traval-yeur, papil-yon, qui est la bonne et qui malheureusement tend à disparaître pour faire place à une prononciation vicieuse (Brachet et Dussouchet).

18. Lorsque x et y sont précédés et suivis d’une voyelle, la division du mot après ou avant ces deux lettres ne saurait être tolérée :

  Ale-x-andre, mala-x-er, prévo-y-ance,
bo-x-er, si-x-ième, pa-y-eur,
e-x-amen, soi-x-ante, vo-y-age,
e-x-emption, cra-y-on, jo-y-eux.
e-x-igible, cro-y-ance,
di-x-ième, mo-y-ennant,

Voici quelles sont les raisons de cette interdiction :

X, la seule consonne double que nous ayons en français[36], se prononce tantôt comme es : luxueux (luc / sueux), malaxer (malac / ser), tantôt comme gz : examen (eg / zamen), exigible (eg / zigible) ; elle a aussi le son se rapprochant sensiblement d’un double s : Bruxelles (Brus / selles), Auxerre (Aus / serre), ou d’un z : sixième (sizième), dixième (dizième). — Elle peut avoir encore le son du c simple : excellent (ec / cellent), exception (ec / ception) ; le son de l’s : six (sis’), dix (dis’) ; et enfin du k : Xérès (Kérès). — Le trait de séparation du mot décomposé montrant qu’avec un x, précédé et suivi d’une voyelle, une partie appartient à la syllabe précédente et l’autre partie à la syllabe qui suit, on voit qu’il n’est pas possible (ce serait, tout au moins, une grosse erreur) d’attribuer par une division l’x à une syllabe plutôt qu’à une autre.

Ces raisons « semblent un peu spécieuses » à M. Greffier (et peut-être aussi à M. Desormes), et il se demande : « Est-ce que la lettre t et la lettre s n’ont pas plusieurs prononciations ? En divise-t-on moins avant ?

Nous por t ions des por t ions ;
Je pen s ais qu’il se gri s ait
. »

Sans doute, la lettre t et, la lettre s ont plusieurs prononciations, et, au reste, ce ne sont pas les seules. M. Greffier aurait pu ajouter : 1° c, qui a le son de k devant a, o, œu, ou, u (lorsque la cédille manque), cadeau, code, cure ; de s devant c, i et y, coercition ; de g dans second et ses composés ; — 2° g a le son doux du j devant e, i, y : gerbe, gilet, vengeance ; de gue, devant a, o, u, ou : gamelle, gargousse, vagabond, etc. — En divise-t-on moins avant ?

Il semble bien dès lors que M. Greffier fait erreur, et qu’il n’a pas suffisamment médité les quelques lignes du Manuel de M. Froy, que pourtant il cite. La division avant ou après x, précédé et suivi d’une voyelle, n’est point défendue seulement parce que cet x a plusieurs prononciations, de même que les lettres t, s, c, g, mais bien parce qu’il est une consonne (double) se dédoublant (dans la prononciation) pour appartenir à deux syllabes différentes (dédoublement que la division imprimée ne peut indiquer), ce que ne peuvent faire t, s, c, g, qui sont des consonnes simples. M. Greffier en conviendra aisément.

Y, dans le corps d’un mot, et accolé de deux voyelles, se prononce comme deux i : crayon (crai / ion), croyance (croi / iance), voyage (voi / iage), prévoyance (prévoi / iance). Là encore, il n’est pas possible d’indiquer, par la division, à quelle syllabe, la première ou la seconde, appartient l’y faisant fonction de deux i.

19. Si, au contraire, la lettre qui suit x ou y est une consonne, la division peut être effectuée sans inconvénient :

  ex-cellent, hy-draulique, sy-nonyme,
ex-ception, hy-pocrisie, sy-métrie.
ex-trémité,

Dans ce cas, l’x : a le son du c simple : excellent (ec / cellent), exception (ec / ception), extrémité (ec / trémité ou, à la rigueur, ecs / trémité) ; et l’y se prononce comme i : hypocrisie (hi / pocrisie), hydraulique (hi / draulique), symétrie (si / métrie).

20. On ne divise jamais après l’apostrophe, lorsque celle-ci est suivie d’une voyelle :

  presqu’-île, jusqu’-ici, entr’-ouvrir,
puisqu’-elles, s’entr’-aider, qu’-environ.
lorsqu’-ils,

Mais le compositeur peut diviser après l’apostrophe suivie d’une consonne :

grand’ — / mère,xxxgrand’ — / messe,xxxgrand’ — / rue,
grand’ — / place[37].

La division entre deux monosyllabes élidés et un nom ou entre un monosyllabe élidé et un nom, réunis par une apostrophe, est également défendue. On aura donc :

Puisque / j’vous / dis / qu’j’vous / aime,


et non pas :

Puisque j’- / vous dis qu’- / j’- / vous aime,
xxx Voilà ce que j’ne veux pas ; vous apprendrez qu’-
j’ne badine pas.

Lorsqu’une voyelle ou une syllabe est élidée dans le corps d’un mot, la division ne saurait non plus être tolérée après l’apostrophe :

Bonjour, M’sieu.

Il n’est également pas d’usage de diviser après une apostrophe indiquant l’élision d’une voyelle ou d’une syllabe muette à la fin d’un mot reproduit en langage populaire :

À vot’ aise, agissez com’ ça.

21. Toute coupure de mot donnant comme rejet, au début de la ligne, une syllabe muette de deux ou de trois lettres, même suivies d’une ponctuation, d’un signe orthographique ou d’un renvoi de note, doit être évitée :

poursui- / vre, don- / ne, appel- / le, man- / ges.

Certains auteurs — et cet usage, peu recommandable en somme, s’est établi aujourd’hui dans un grand nombre d’imprimeries — tolèrent une syllabe muette divisée, rejetée au commencement de la justification, lorsqu’elle comporte quatre lettres et qu’elle est suivie d’un signe orthographique :

vien- / nent, man- / gent, vi- / vres.

Si l’usage de ces divisions est toléré, l’abus ne saurait en être permis ; on doit, au reste, les proscrire impitoyablement en fin d’alinéa, lorsqu’elles sont isolées dans une ligne creuse.

22. Les coupures de mots, même non muettes, ne comportant qu’une seule syllabe, rejetées en ligne creuse, sont difficilement supportables. Les lignes « volées » ou « à voleur » sont une source de contestations incessantes entre compositeurs et correcteurs.

23. Dans un mot divisé, le rejet à la ligne suivante de deux lettres seules ou avec ponctuation, non muettes, n’est pas permis :

appe- / lé, dégar- / ni, approu- / vé, con- / nu.

24. Dans les verbes interrogatifs, à la troisième personne du singulier, la coupure en fin de justification se fait avant le t euphonique :

aime- / t-il ?, viendra- / t-on ?, pense- / t-il ?

25. À la deuxième personne du singulier des verbes de la première conjugaison employés à l’impératif, on divise avant l’s euphonique lorsque ces verbes sont suivis comme régime indirect du pronom en :

chante- / s-en quelques morceaux.

26. Avec les verbes conjugués interrogativement et avec ceux de la première conjugaison qui emploient à l’impératif l’s euphonique, il faut employer de chaque côté du t et de l’s des divisions de même épaisseur, afin d’éviter le mauvais aspect produit lorsque la force d’œil est différente.

27. La coupure d’un mot, en fin de ligne, après deux lettres muettes ou non, est permise :

dé- / garni, dé- / faillance, en- / seignement, me- / surer,
re- / connaître.

L’utilité de cette division et même, parfois, sa nécessité, avec deux lettres larges, ne sauraient échapper au point de vue de la régularité de l’espacement. — Aucune hésitation ne doit exister à ce sujet, lorsque ces mots sont précédés d’un autre mot abrégé, tel que : l’, qu’, entr’, s’, t’, etc.

Toutefois, lorsque la syllabe de deux lettres n’est pas précédée d’un mot abrégé et si par ailleurs l’espacement n’en fait pas une obligation, M. J. Claye conseille d’éviter cette coupure dans les mots à lettre redoublée dont la division rejette cette lettre à la ligne suivante :

ap- / paraître, ar- / rêter, ar- / rive, il- / légitime.

28. Si, en principe, la division des noms propres est permise, elle doit cependant être évitée toutes les fois qu’il y a possibilité de le faire. Les règles qui régissent la coupure des noms propres sont, quant au reste, analogues à celles qui servent de guide pour la division des noms communs.

29. Lorsque les abréviations ne comportent que deux syllabes, il est préférable, autant que possible, de ne pas séparer ces deux syllabes. L’abréviation, souvent peu compréhensible par elle-même, devient, après la division, méconnaissable : elle est alors la cause de fréquentes et grossières erreurs.

30. En résumé, pour le bon compositeur et pour le correcteur, la règle de la division des mots repose sur les principes suivants : 1° une syllabe de deux lettres au moins en fin de ligne ;une syllabe de trois lettres au moins au début de la ligne ; éviter que cette dernière soit muette ; 3° aucune division rejetant en ligne creuse une syllabe isolée même non muette.

31. La division ne saurait être tolérée dans les lignes de titre en vedette : il semble, en effet, que presque toujours on ait la faculté de disposer ces titres de façon à éviter une coupure. — Dans les titres de trois lignes et plus, composés en sommaire, la division est forcément tolérée lorsqu’elle est obligée.

32. Le metteur en pages et le corrigeur doivent éviter, autant que possible, de diviser un mot d’une page à la suivante. En aucun cas, une division muette, même de quatre lettres, suivie d’une ponctuation, ne saurait être autorisée dans ces conditions.

33. Si on a limité à trois au plus le nombre des divisions pouvant se suivre immédiatement dans une composition, il est bien évident que l’on n’a jamais pu songer à limiter le chiffre des divisions pouvant figurer dans une page de texte : ce nombre doit être aussi peu élevé que possible ; mais là doivent se borner les désirs du praticien et du théoricien.

34. Les principes qui viennent d’être exposés sont les plus usuels ; il ne saurait, en effet, entrer dans la pensée de chercher à étudier tous les cas qui peuvent se présenter et même de poser des règles, quelles qu’elles soient d’ailleurs, pour les divisions si nombreuses et parfois si embarrassantes qu’exigent les lignes étroites, les justifications à deux colonnes, les habillages de gravure, les têtes de tableaux, les manchettes, les notes marginales, etc. Dans ces circonstances le typographe doit seul être juge de ce qui peut être toléré ou de ce qui est rigoureusement proscrit ; c’est alors qu’il fera preuve de bon goût et de capacités professionnelles sérieuses ou qu’il se révélera inférieur à sa tâche, ce que nous ne saurions croire et encore moins admettre.

35. Bien que le sujet soit légèrement en dehors de la matière qui vient d’être traitée, il est une autre question dont il est nécessaire de dire quelques mots, car elle a un rapport étroit avec la division : c’est celle de la séparation de deux ou plusieurs noms ou expressions qui ont entre eux un lien étroit, l’un des mots se trouvant en fin de ligne, les autres étant rejetés au début de la ligne suivante.

Là encore de nombreuses règles ont été établies, mais plus rationnelles et conséquemment moins sujettes à discussion ou à exception que les principes qui régissent la division.

36. L’adjectif numéral ordinal ne se sépare pas, quand il est exprimé en chiffres arabes, en petites capitales ou en grandes capitales, du nom auquel il se rapporte. On n’aura donc pas :

Louis / XIV ;xxxxxvie / siècle.

Devant le mot siècle, pour éviter la séparation, on peut, à la rigueur, écrire au long l’adjectif numéral, quinzième ; cet artifice n’est pas permis, dans un ouvrage soigné, lorsqu’il s’agit d’un terme, d’une expression analogue aux mots Louis XIV.

37. Les lettres abréviatives : M., Mme, Mlle, Dr, R. P., S. A. R., S. M., et autres abréviations honorifiques, scientifiques ou littéraires semblables, ne se séparent point du nom auquel elles se rapportent. Les coupures suivantes ne sont donc pas autorisées. :

M. / Lecerf,xxxle Dr / Trélat,
le R. P. / Gaucher,xxxS. A. R. / le duc d’Aumale.

On ne peut couper non plus entre l’une ou l’autre des lettres abréviatives :

le R. / P. Gaucher,xxxS. A. / R. le duc de Bordeaux.

38. Si les abréviations M., Mme, Mlle, sont suivies d’une particule non abrégée ou d’un article et d’une qualité, la particule ou l’article accompagnant l’abréviation peuvent terminer la ligne, le nom propre se trouvant rejeté à la ligne suivante :

M. de / Sacy,xxxM. le / comte de Clermont,
M. de / Clermont.

39. Pour satisfaire aux exigences de l’espacement et faciliter la coupure en fin de ligne, on peut exceptionnellement exprimer tout au long les mots ordinairement abrégés :

Monsieur Berteaux,xxxle docteur Trélat,
le Révérend Père Gaucher,xxxSon Altesse Royale, etc. ;


mais il n’est pas permis, pour tourner une difficulté, de tolérer des licences analogues à celles qui suivent :

le Révér. / P. Gaucher, S. Altesse / R. le duc d’Aumale.

40. Les adjectifs qualificatifs qui accompagnent le nom ne doivent point, lorsqu’à la demande d’un auteur ils sont abrégés, sous quelque forme que ce soit d’ailleurs, être isolés du mot qu’ils qualifient. On ne pourrait donc avoir :

… Nous avons vu, en lisant la vie de S.
François… ;


mais, tout au contraire,

… Nous avons vu, en lisant la vie de
S. François… ;


ou, enfin,

… Nous avons vu, en lisant la vie de S. Fran-
çois

41. En somme, le typographe doit avoir, sur ces points, assez de bon goût et de jugement ; il se rappellera qu’aucune abréviation ne doit figurer en fin de ligne, lorsque le mot qui commence la ligne suivante se rattache étroitement à cette abréviation, soit comme qualificatif, soit comme déterminatif.

42. Conséquemment, le prénom abrégé, même placé entre parenthèses, ne se séparera jamais du nom propre :

X. / Marinier,xxxP.-L. / Courier,xxxRousseau / (J.-J.).

Un prénom exprimé en entier, sans abréviation, peut sans inconvénient être séparé du nom propre qu’il accompagne :

M. Victor / Lecerf,xxxM. Léon / Bourgeois.

43. Les expressions du système métrique (mètre, litre, franc, stère, gramme, tonne, etc.), des mesures électriques (volt, ampère, etc.), accompagnées de chiffres qui les déterminent, ne doivent jamais être séparées de ces chiffres. On ne peut donc couper :

250 / kilogrammes,xxx4.750 / mètres,xxx85 / litres,
100 / francs,xxx125 / volts.

44. En général, tout nombre, quel qu’il soit, accompagné d’un nom qui le suit ou le précède, ne peut, en fin de ligne, être séparé de ce nom, s’il se rapporte à lui[38] :

70 / ans,xxxpages / 50 à 60,xxxnuméro / 870,
in- / 18,xxxfolio / 250 vo,xxxart. / 450,xxxle paragraphe / 55,
chap. / xxv,xxxtome / IV,xxxIIIe / livre de l’Émile,

Dans l’un des exemples qui précèdent on ne peut également couper :

folio 250 / vo ;


mais on peut terminer la ligne de la manière suivante :

pages 50 / à 60.

Bien que le texte comporte une signification analogue à celui qui précède, la coupure :

pages 50- / 60,


n’est pas permise.

Toutefois, à l’encontre de l’exemple qui vient d’être donné, certains correcteurs exigent la coupure :

pages 50 à / 60.

Ce rejet, au début de la ligne, d’un chiffre suivi d’une ponctuation, qui est à considérer comme isolé, paraît déplaisant. Bien qu’aucun auteur typographique n’ait formulé à son égard une règle prohibitive, il est préférable d’en éviter l’emploi.

45. Les nombres, exprimés en chiffres arabes ou romains, ne peuvent se couper :

34.575,xxx705.859,xxxXLVII,xxxxxxvi ;


on aurait alors en effet non plus un nombre, mais une série de nombres.

Cependant, quand il est nécessaire de composer un chiffre élevé exprimant des milliards ou des millions et qu’il est impossible de faire tenir entièrement ce nombre dans la justification, on peut user d’un artifice qui consiste à exprimer au long les mots milliards ou millions :

6 milliards / 250.375.450 francs,
78 millions / 345.850 hommes,


que l’on peut encore, pour plus de commodité, séparer ainsi :

6 mil- / liards 250.375.450 francs,
78 mil- / lions 345.850 hommes.

46. Les dixièmes, centièmes, millièmes, etc., fractions d’un nombre entier, ne peuvent être reportés à la ligne qui suit celle où le nombre unités est exprimé :

45, / 250,xxx25.750 fr. / 80,xxx84gr, / 250.

47. La coupure d’une opération algébrique ou mathématique incorporée au texte ne saurait être tolérée. Si la formule ne peut tenir tout entière dans la même ligne, il faut de toute nécessité la détacher du texte en l’isolant.

La coupure des opérations algébriques comporte des règles multiples et compliquées ; leur étude nous entraînerait trop loin et dépasserait forcément les limites de la pratique courante dans lesquelles on a cherché à maintenir strictement ces quelques considérations.

48. Dans la composition des nombres exprimant la longitude et la latitude, on ne peut couper entre les degrés et les minutes ou entre celles-ci et les secondes, bien que ces nombres exigent entre eux l’espace fine :

Le capitaine naviguait, à cette époque, par 10° /
20’ 30’’ de latitude…

49. Si une ou plusieurs lettres abréviatives de points cardinaux accompagnent ces degrés, minutes et secondes, ces lettres doivent figurer dans la même ligne et ne peuvent être rejetées à la ligne suivante. On ne pourrait donc écrire :

Le capitaine naviguait maintenant par 30° N. 10° O.
32’ 25’’…

50. Les heures et leurs divisions, minutes, secondes, exprimées en chiffres arabes accompagnés de la lettre supérieure abréviative et distinctive, ne seront jamais séparées, bien que ces diverses quantités prennent également entre elles l’espace fine. La coupure suivante n’est donc pas permise :

La durée du jour est exactement de 15h 24m
 32s,10…

51. Dans les dates, la coupure, en fin de ligne, ne peut se faire ni entre le mois et le millésime :

janvier /1904,xxxmars /1895,


ni entre le mois et son quantième :

24 / août 1904,xxx10 / octobre 1870.

On peut toutefois composer sans difficulté :

le mercredi / 24 août 1904,
le jeudi / 1er décembre 1904,


ou encore :

le lundi 22 no- / vembre 1892,
le dimanche 1er jan- / vier 1905.

La coupure suivante est considérée comme défectueuse :

le mercredi 4 / août 1854,
le vendredi 25 / septembre 1897.

52. Il n’est point convenable de couper l’expression :

5 / pour 100xxxouxxx5 / p. 100.

À plus forte raison devra-t-on éviter soigneusement celle de :

5 / %.

53. Les 1°, 2°, etc., I, II, etc., a), b), etc., A, B, etc., appelant une énumération, ne doivent jamais être isolés en fin de justification, l’énumération commençant à la ligne suivante :

À la Bourse de Paris, du 25 août 1904, vendu : 1° /
25 obligations…

Voici les points sur lesquels j’appelle l’attention : a) /
la propreté…

54. Un guillemet ouvert («), qu’il soit ou non précédé d’un deux-points, ne peut figurer en fin de ligne :

Le Guide de l’Apprenti compositeur de Claye dit : « /
La division…

55. Dans le corps d’un alinéa, le tiret (—) précédé d’un deux-points (:), annonçant qu’un personnage va parler, ne peut être mis à la fin d’une ligne, alors que les paroles de l’interlocuteur figurent au début de la ligne suivante.

56. Lorsque, sur la demande de l’auteur, la ponctuation accompagnant une phrase incidente se trouve rejetée après le tiret faisant fonction de parenthèse, le tiret et la ponctuation ne peuvent être reportés au début de la justification :

Soyez persuadés, —, je vous en donne ma parole /
—, que je…

57. Le tiret, ou moins (-), qui remplit fréquemment les fonctions de la virgule et de la parenthèse[39], peut cependant, lorsqu’il ferme l’incidente, figurer au début de la justification :

… Pour la légende – quand il y en a une
– on peut…

58. Après un deux-points qui appelle un texte on ne laissera pas en fin de ligne une indication analogue à celle-ci :

Voici qui édifiera amplement le lecteur : § 2. /
« Le monde…

59. Un appel de note, sous quelque forme qu’il soit employé [1, (1), (1), a, (a), *, (*), (a), etc.], doit toujours accompagner le mot ou la phrase auxquels il se rapporte ; en conséquence, il ne peut jamais être rejeté au début d’une ligne.

60. La même règle s’applique à tout signe de ponctuation ou d’orthographe (division, guillemet fermé, parenthèse fermée, crochet fermé, etc.).

61. Un mot abrégé, d’une seule syllabe, ne peut être rejeté, en fin d’alinéa, en ligne creuse ; de toute nécessité il doit être accompagné d’une syllabe du mot précédent ou rentrer dans la ligne précédente.

62. Enfin, un etc. ne doit jamais figurer au commencement d’une ligne dans le corps de la composition ni, à plus forte raison, être rejeté en ligne creuse en fin d’alinéa.

Toutefois, si l’etc. termine un alignement, une énumération, dont chaque partie distinctive forme alinéa, il peut arriver que certains auteurs exigent le maintien de cet etc. au début de la ligne et en alinéa.



  1. « On justifie une ligne de prose en augmentant ou en diminuant les espaces, de manière à tomber juste à une fin de mot, ou à une bonne division, et en ayant soin que cette répartition des espaces soit toujours régulière. » (Fournier, Guide du compositeur, p. 140, éd. 1904.)

    « Suivant qu’il faille faire entrer ou reporter une fraction de mot — si ce n’est le mot lui-même — on espace en conséquence sans tomber dans l’exagération… » (E. Leclerc, Nouveau Manuel complet de Typographie, p. 113.)

  2. On sait que ces abréviations, ces suppressions constituent, pour les savants modernes qui se sont voués à la tâche ingrate et ardue de déchiffrer les inscriptions antiques, la source des plus grandes difficultés et la cause de divergences d’appréciation et de lecture nombreuses.
  3. Cependant, de nos jours, certains artistes se sont efforcés de faire revivre ces règles (!) anciennes.
  4. Voir Cours d’épigraphie latine, par M. René Cagnat (Fontemoing, éditeur, Paris).
  5. Peut-être cependant les manuscrits qui ont précédé l’apparition de l’imprimerie ou les premières planches xylographiques portaient-elles ce signe, sous quelque forme que ce soit d’ailleurs. Faute de documents aisés à consulter, nous n’avons pu nous livrer à des recherches suffisantes sur ce point, et nous le regrettons, car la question serait intéressante à élucider.
  6. Imprimé en 1450.
  7. Sans aucun doute, nos pères n’avaient point les mêmes exigences et le même souci de la régularité et de la perfection que nous apportons aujourd’hui à la composition d’un volume. Et puis, l’art de la typographie n’était encore qu’à ses débuts.
  8. Dans ce paragraphe il s’agit toujours, bien entendu, de la division dans le cas d’une coupure de mot en fin de justification.
  9. Ici la deuxième lettre, e ou é, du préfixe s’est trouvée élidée par la voyelle suivante a (-avoir, -accorder).
  10. Ou ca-ta-s-trophe, d’après Théotiste Lefevre, la consonne s appartenant tantôt à la syllabe qui précède, tantôt à la syllabe qui suit, suivant les besoins de l’espacement.
  11. Conséquemment, dans une composition très soignée ce mot ne peut se prêter à aucune division.
  12. Ne figurent ici que deux ou trois mots de chaque série. M. Leclerc indique, pour tous les préfixes dés, mal, més, sub, sur, syn, qu’il cite, la même manière de diviser que pour les mots rappelés dans cet exemple.
  13. Il paraît difficile de figurer autrement le son nasal que doit prendre dans la prononciation la syllabe in du fait de son isolement à la fin de la ligne.
  14. M. Victor Breton aurait pu ajouter : « et tous les correcteurs ».
  15. La division étymologique serait : ex-agérer (de ex et ago).
  16. Avec cette division la prononciation, complètement viciée, devient, téles-scope, au lieu de té-less-ko-p’, telle que la figure Littré.
  17. Cette division n’est pas étymologique : les racines du mot sont en effet : de (loin de), stare (se tenir).
  18. C’est donc que cette division naturelle est la plus rationnelle et la plus compréhensible ! En parlant comme il le fait, on reconnaîtra, sans conteste possible, que l’auteur apporte, peut-être involontairement, une nouvelle preuve en faveur de l’excellence de la division syllabique ou d’épellation.
  19. D’accord en cela avec M. J. Claye et M. Leclerc, mais contrairement à l’opinion de M. Danpeley-Gouverneur et de M. Théotiste Lefevre, pour qui cette consonne appartient tantôt à la première syllabe, tantôt à la deuxième, suivant les nécessités de l’espacement.
  20. Cette opinion se trouve corroborée par ces lignes que nous trouvons dans le Memento Larousse : « Mais on ne peut les (les mots d’origine étrangère : arabe, italien, espagnol, anglais, allemand) considérer comme ayant influé sur la structure du français. De même, le grec, base de la technologie scientifique, n’a exercé aucune action sur la formation il a langage courant. »
  21. Comment un compositeur pourrait-il reconnaître ces limites, alors que les premiers principes d’étymologie dont il aurait besoin pour opérer cette division pourtant élémentaire de in-scription, con-stitution, peuvent lui manquer, comme le suppose M. Fournier.
  22. Que l’épellation syllabique ait « disparu des écoles » de Paris, nous ne le contesterons point ; mais qu’elle ait « disparu des écoles » de province, voilà une affirmation qui nous étonne, sachant par une expérience personnelle journalière qu’il n’en est rien. Il est vrai que cela ne prouve pas grand’chose, sinon « qu’on n’envisage pas les choses de même façon à Paris et à Berlin » !
  23. M. Desormes a, sans doute, voulu écrire : par conséquent.
  24. Non point latine, mais seulement de parenté, d’origine latine, grecque ou autre, déjà un peu éloignée.
  25. Le Dictionnaire Larousse porte, à plusieurs reprises, la division tran-salpin.
  26. M. Desormes a plutôt voulu dire : « … Il s’en trouve plusieurs de même essence, dont les uns sont tantôt divisés par l’épellation, et les autres tantôt par l’étymologie… »
  27. Singulière façon, on en conviendra, d’être d’accord avec les lignes que nous citions au début : « M. Théotiste Lefevre… sont partisans d’un système que nous ne saurions accepter…, il n’est pas permis de violenter ainsi notre langue au profit exclusif de l’épellation par syllabe. »
  28. À la manière de M. Leclerc. — On le constatera avec les divisions étymologiques pan-théon ou pan-égyrique, où, au contraire du son nasal ouvert (pa-né) qu’il doit avoir, le mot pan-égyrique a, comme dans pan-théon, le son nasal fermé pan. M. Desormes aurait pu soumettre cette division étymologique d’un mot peu employé à un lecteur inhabile, et alors il aurait été édifié.
  29. Évidemment, avec des mots peu employés et aussi un lecteur inhabile, on peut obtenir une confirmation au moins apparente de ces idées ; mais est-ce bien faire preuve de bonne foi ? Examinons la question sur un terrain moyen.
  30. Nous exagérons ici à dessein la forme représentative de la prononciation, afin de bien faire comprendre notre pensée.
  31. Il n’a pas fallu moins que cette déclaration catégorique pour nous persuader, car nous ne nous étions pas encore douté du sentiment de M. Desormes.
  32. Pour être plus exact, mont est tiré directement du mot latin montis (radical mont), génitif singulier de mons, qui signifie colline élevée, montagne.
  33. Quand M. Desormes n’est pas d’accord avec la division étymologique ou syllabique, il sépare par un trait d’union le préfixe du reste du mot, afin d’aider, si on le désire, à ce genre de division ; le blanc indique, au contraire, la division qu’il préfère.
  34. De cette opinion de M. Fournier on peut rapprocher la remarque suivante de M. J. Claye : « Certains mots dans le langage typographique ont été détournés de leur acception primitive. Très improprement on a donné le nom de division à un signe qui, au contraire, indique qu’il doit y avoir rapprochement, union. » — Sans doute ! mais la fonction de ce signe n’est pas simplement d’indiquer au lecteur qu’il doit y avoir liaison entre les deux parties du mot séparé, et au typographe que, en cas de remaniement, il aura à unir en « un seul tenant » les deux parties du nom, mais aussi de couper, de diviser.
  35. Un confrère malin objecte : « Mais il s’agit de poésie ici, et nous parlons de prose ! » Sans doute, ce sont des règles poétiques. Mais, je vous le demande, y a-t-il en France deux façons d’écrire et de parler le français ? Ce qui est monosyllabique en poésie est-il dissyllabique en prose, et réciproquement ? Et pourquoi, je vous prie ?
  36. Le w n’est pas une lettre française ; c’est une consonne double dont l’importation est due aux mots d’origine étrangère rencontrés aujourd’hui de plus en plus fréquemment dans notre langue.
  37. Le trait vertical indique le mot ou la lettre pouvant se trouver en fin de ligne avant la régularisation de l’espacement, la justification définitive et l’observation des règles énumérées ici.
  38. On remarquera que cette règle s’applique même, et à plus forte raison, aux mots pages, tome, livre, verset, paragraphe, répons, chapitre, article, planche, titre, parties, sections, actes, chants, psaumes, appendices, arrondissements, numéros, série, folio, etc., mis en abrégé ou représentés par leur signe distinctif.
  39. Dans un ouvrage de diplomatique (lettres de chancellerie imprimées en latin et datant du xvie siècle), nous avons vu le tiret (—) remplir la fonction de points de suspension. Il s’agissait d’indiquer au lecteur la suppression de la lettre presque entière, le nom du personnage et la date se trouvant seuls exprimés.