Le Correcteur typographe (Brossard)/volume 1/02/03

E. Arrault et cie (1p. 36-53).


§ 3. — LES CORRECTEURS À PARIS DE 1470 À 1600


Le premier livre imprimé à Paris par Friburger, Gering[1] et Crantz, parut vers le milieu de l’année 1470 ; il avait pour titre Recueil des Lettres de Gasparino Barzizi de Bergame[2]. Ce volume fut exécuté sous la direction de La Pierre, qui revit lui-même soigneusement les textes et reçut « les grands remerciements de l’auteur pour avoir rendu son livre parfait de corrompu qu’il était auparavant ». « Tu fais, au reste, la plus grande attention à ce qu’ils n’impriment rien sans que le texte ait été confronté avec tous les manuscrits que tu réunis et corriges plusieurs fois. »

Le deuxième ouvrage sorti des presses de la Sorbonne fut terminé aux derniers jours de l’année 1470 : c’était un Traité de Gasparino sur l’Orthographe latine. D’après Guillaume Fichet, ce volume fut, comme le premier, revu et corrigé par le prieur La Pierre qui y ajouta un chapitre de Guarini de Vérone sur les Diphtongues : … « Les [Friburger, Gering et Crantz] voilà qui se hâtent de terminer l’Orthographe du même Gasparino, soigneusement corrigée par le même Jean de La Pierre, ouvrage excellent à mon avis[3]… »

Dès les premiers mois de l’année suivante, Friburger et ses compagnons avaient achevé l’impression d’une, édition latine de Salluste. La Pierre avait assumé également la correction de ce travail, dont, s’il faut en croire une lettre de Guillaume Fichet, il était occupé, dès 1470, à réviser le texte.

Guillaume Fichet fut à la Sorbonne, on l’a vu, non seulement un des collègues les plus éminents de La Pierre, mais encore son confident et son collaborateur. En 1471, Fichet fit imprimer sous ses yeux dans le modeste atelier de Friburger un volume intitulé Rhétorique, résumé des conférences publiques qu’il avait faites : ce fut peut-être le quatrième livre publié à Paris. Guillaume Fichet corrigea lui-même et modifia plusieurs fois son texte ; après le tirage, des cartons furent réimprimés et vinrent remplacer les pages défectueuses. Bien plus, le souci de l’exactitude et de la pureté du texte fut poussé si loin que plusieurs corrections ajoutées à la plume se voient dans presque tous les exemplaires que l’on possède encore[4].

Cette même année 1471, parut le livre de Lorenzo Valla, les Élégances de la Langue latine ; Pierre-Paul Vieillot, secrétaire du Roi, avait corrigé le volume ; Jean de La Pierre lui écrit à cette occasion : « Je n’ai pas trouvé une seule correction oubliée dans le texte que tu m’avais donné à revoir, malgré une revision minutieuse que mon faible jugement — dont, par flatterie pour ton ami, tu avais exagéré la finesse — n’a pu découvrir. Tu as non seulement défriché le champ de notre auteur, que tu as sarclé et cultivé — comme tu l’as écrit — en le débarrassant de ronces, de pierres et des mauvaises herbes, mais tu l’as grandement amélioré — ce que tu aurais voulu me laisser à faire, mais en vain — en l’embellissant de fleurs et de plantes de divers genres. »

À la prière de son ami Fichet, dont la lettre est datée, à Tours[5], du 7 mars 1472, La Pierre « améliore, en les corrigeant et en les divisant », les Offices (De Officiis) de Cicéron que les imprimeurs de Paris vont mettre sous presse.

La Pierre, vieilli et fatigué, dut bientôt se faire suppléer dans sa lourde tâche de correcteur à l’imprimerie de la Sorbonne. Il s’adjoignit, on ne sait exactement à dater de quelle époque, un nommé Erhard[6], allemand d’origine, dont le nom de famille était Windsberg. Erhard qui étudiait la médecine à l’Université de Paris, non seulement aidait à la revision des éditions nouvelles, mais « il y mettoit quelquefois des épigrammes » suivies de commentaires. Parmi les pièces de vers dont il est ainsi l’auteur, il faut signaler surtout celle ajoutée à l’édition du Juvénal, accompagné des Satires de Perse, qui vit le jour en 1472. Erhard semble avoir définitivement remplacé La Pierre dans ses fonctions de correcteur à partir de 1472 ; tout au moins, à lui seul est attribuée la correction des Tusculanes qui parurent, cette même année, après le De Officiis.

« Depuis quelque temps, les princes, les grands de la Cour, les officiers de la Couronne s’intéressent aux imprimeurs de la Sorbonne. Le prévôt de Paris, Robert d’Estouteville, chambellan de Louis XI, les a pris sous sa protection. »

Louis XI lui-même, enfin délivré des soucis qui avaient assombri le début de son règne, leur accorde sa faveur et sa protection. En 1472, Friburger et ses compagnons présentent collectivement au roi l’une de leurs dernières œuvres, le Miroir de la Vie ; deux ans plus tard, Louis XI récompense les imprimeurs en leur accordant des lettres de naturalisation.

Forts de l’appui du Pouvoir royal, désormais à l’abri, peuvent-ils croire, des attaques qui n’avaient point manqué de se faire jour dès leur arrivée à Paris, Friburger, Gering et Crantz continuent inlassablement la production d’œuvres nouvelles : de 1470 à 1473, malgré les moyens fort restreints dont ils disposent, ils ne produisent pas moins de vingt-trois volumes.

Mais, en septembre 1472, le voyage à Rome de Guillaume Fichet prive les imprimeurs de l’un de leurs protecteurs et de leurs conseils les plus dévoués et les plus expérimentés. À cette même époque, quelques-uns des élèves de Friburger, venus également d’Allemagne, s’éloignent, eux aussi, et vont s’établir rue Saint-Jacques à l’enseigne du Chevalier au Cygne[7].

L’atelier de la Sorbonne n’est pas alors sans ressentir les conséquences de ces départs : l’exécution manuelle des livres sortis à cette date de ses presses est fort inférieure à celle des productions antérieures : des fautes grossières de technique s’y rencontrent, la poésie est imprimée comme la prose ; le travail intellectuel est plus inférieur encore : des lignes entières sont oubliées, des vers sont omis, des erreurs nombreuses déparent le texte, et des corrections à la plume rétablissent le sens de la phrase. Erhard avait-il, à cette date, abandonné, lui aussi, ses compatriotes ; et ceux-ci, laissés à leurs propres ressources, s’étaient-ils, au point de vue littéraire, trouvés inférieurs à leur tâche ?

Bientôt Friburger et ses compagnons quittent la Sorbonne et transportent leurs presses, non loin de celles de leurs anciens ouvriers devenus leurs concurrents, rue Saint-Jacques, à l’enseigne du Soleil d’Or. La date exacte de ce transfert n’est point connue[8], mais une Bible — la première édition de ce travail imprimée en France — datée de 1475, porte à l’achevé d’imprimer ces vers latins :

Jam tribus undecimus lustris Francos Ludovicus
Rexerat, Utricus, Martinus itemque Michael,
Orti Teutonia, hanc mihi composuere figuram
Parisiis arte sua. Me correctam vigilanter
Venalem in vico Jacobi Sol aureus offert.


« Ulrich, Martin et Michel, originaires d’Allemagne, par leur art m’ont mise en cette figure, à Paris, après une vigilante correction. Le Soleil d’Or en la rue Saint-Jacques m’offre en vente. » Vigilanter correctam ! Les artisans du Soleil d’Or ont-ils compris qu’ils devaient faire oublier les erreurs et les défauts de leurs dernières éditions de la Sorbonne ? La chose est possible. Mais d’autres raisons pouvaient également inciter les prototypographes parisiens à donner plus de soins à leurs impressions. Une concurrence très vive existait entre les deux ateliers de la rue Saint-Jacques. À peine le Soleil d’Or avait-il fait paraître un ouvrage qu’aussitôt le Chevalier au Cygne le reproduisait, encore expurgé et amélioré.

En 1484, de la rue Saint-Jacques, Gering transporte l’atelier du Soleil d’Or rue de la Sorbonne, où Higman[9] travaille jusqu’en 1489. Les correcteurs de cet atelier furent Gilles de Delft, docteur de Sorbonne, et Pierre Le Secourable (Succurribilis), originaire, de Saint-Lô, docteur régent à Paris en la Faculté de Théologie, grand archidiacre de Rouen, régent au collège d’Harcourt de 1486 à 1509.

En 1477, des ouvriers français ouvrent enfin, à Paris, un atelier « coopératif[10] » d’imprimerie : situé également rue Saint-Jacques, près du couvent des Jacobins, il était à l’enseigne du Soufflet-Vert. Un professeur éminent du Collège de Navarre, Guillaume Tardif, prit en mains la direction littéraire de l’atelier et, à l’exemple des Sorbonnistes Jean de La Pierre et Guillaume Fichet, remplit les fonctions de correcteur.

À l’occasion de l’apparition de la Grammaire de Guillaume Tardif, Louis de Rochechouart, évêque de Saintes, dans un quatrain adressé à l’auteur, donne au public ce conseil qui ne pouvait manquer de plaire aux imprimeurs et au correcteur : « On les [les livres] vend peu de chose, et il n’y manque ni un point ni une lettre. Tardif en a revu exactement le texte. Prends et lis[11] ! »

Ce Guillaume Tardif, né au Puy, vers 1440, fut l’auteur d’une Rhétorique, imitée de Cicéron et de Quintilien, et d’un Art de la fauconnerie, ainsi que le traducteur de plusieurs ouvrages latins. Il devint, en 1483, lecteur du roi Charles VIII. Ce fut, sans doute, à lui qu’échut la lourde tâche de mettre au point le texte des livres d’heures commandés par son royal maître, à Antoine Vérard. On sait que Vérard, qui exerça à Paris de 1485 à 1513, eut, le premier, l’idée de faire des livres de prières imprimés, avec sujets et bordures illustrées, enluminés à l’exemple des miniatures des manuscrits.

André Bocard, ou Boucard, originaire du Poitou, fut libraire et imprimeur à Paris de 1491 à 1500. Parmi les ouvrages sortis de ses presses, on mentionne les Lettres et Opuscules de Robert Gaguin[12], terminés le 22 novembre 1498 pour le compte de Durand Gerlier. Déjà, à cette époque, où la concurrence entre maîtres imprimeurs se fait sentir — la rivalité du Soleil d’Or et du Chevalier au Cygne le prouve suffisamment — la réclame ne perd point ses droits et ne néglige aucune occasion de s’exercer. Ainsi Bocard peut « se qualifier de typographe très habile et solliciter les suffrages du public pour avoir imprimé ce volume aussi nettement, après l’avoir corrigé avec une exactitude mathématique » (qui tam terse atque ad amussim castigata compressit). Il nomme en même temps Cyprien Benet (Cyprianus Beneti) comme ayant été son correcteur (qui castigatrices manus apposuit).

En 1483, « Guy ou Guyot Marchant, prêtre, maître ès arts et imprimeur, originaire de Bourgogne, exerce simultanément au Champ-Gaillard, derrière le collège de Navarre, et à l’hôtel de Beauregard, rue Clopin (ce dernier atelier fut commandité par le libraire Jean Petit). Guy Jouveneau (Guido Juvenalis) ou Jouenneaux était son correcteur.

En 1491, Antoine Caillaut — qui exerça à Paris, en association avec Louis Martineau, originaire de Touraine, et avec quelques autres, de 1482 à 1500 — imprimait pour Antoine Baquelier, citoyen de Grenoble, un Dialogue du savant Guillaume d’Auvergne, évêque de Paris, sur les Sept Sacrements (« Dyalogus doctissimi viri Guillermi, episcopi Parisiensis, de septem Sacramentis », noviter emendatus ac impressus). Baquelier, qui fit imprimer, dès 1491, des livres à l’usage des écoliers de sa province venus à Paris pour étudier, était, suppose-t-on, prêtre. Un autre Baquelier, nommé Pierre, qui fut également prêtre et qui sans doute était le neveu du précédent, continua l’œuvre commencée par celui-ci. Voici comment un érudit bibliophile dauphinois apprécie leur œuvre[13] : « Ces éditions sont pour la plupart trop soigneusement, trop élégamment imprimées pour avoir été des œuvres de spéculation faites pour réaliser des bénéfices. En un mot, il me semble, jusqu’à preuve du contraire, que les deux Baquelier, citoyens de Grenoble, étaient des hommes instruits, pieux (leurs devises et leurs dédicaces en témoignent) et préoccupés de rendre les études supérieures plus abordables et plus faciles à leurs contemporains, et surtout à leurs compatriotes. »

Au nombre des compagnons instruits par Friburger et Gering après leur départ de la Sorbonne, on cite un nommé Higman, originaire des Flandres ou des Pays-Bas. Travaillant de 1484 à 1489 avec Gering, au Soleil d’Or de la rue de la Sorbonne, on le voit établi de cette dernière date à 1499, au clos Bruneau, près des « Écoles de Décret », à l’enseigne des Lions. Higman imprime à ses frais, en 1492, le Commentaire latin de Jacques Le Fevre sur les huit livres de la Physique d’Aristote. À la fin du volume figurent quelques vers de Josse Clichtone (de Nieuport), dans lesquels l’imprimeur et le correcteur sont nommés : « Vous devez maintenant des remerciements à l’Allemand Jean Higman qui a exécuté cet ouvrage à ses propres frais. J’ai fait la correction avec l’aide de mon fidèle Bohemus[14], en enlevant comme j’ai pu les fautes qui étaient restées sur le plomb. » — Josse Clichtone fut également l’un des correcteurs de cet atelier.

En 1496, Higman s’associe avec Wolfgang Hopyl (d’Utrecht), établi rue Saint-Jacques, près Saint-Benoît à l’image Sainte-Barbe, puis à l’enseigne Saint-Georges ; mais tous deux conservent leurs ateliers respectifs, tout en travaillant parfois l’un chez l’autre.

Wolfgang exerça de 1489 à 1500. Un des plus remarquables travaux qu’il ait produits fut le Missel de l’église d’Utrecht, qu’il fit exécuter par son associé Jean Higman et qui fut terminé le 30 novembre 1497. L’achevé d’imprimer mentionne « les soins apportés à la correction du texte, qui a été établi avec toute la diligence possible et débarrassé des fautes de l’original grâce à la libéralité d’Hopyl » (curavit libenter qua valuit diligentia Wolfgangus Hopilius ex viciato exemplari hoc opus reddere castigatum). Wolfgang n’imprima aucun livre en langue française.

En 1496-1497, un Écossais, David Laux d’Édimbourg, assumait chez Wolfgang Hopyl la charge de correcteur ; son nom figure à la fin de deux livres sortis alors des presses de cet imprimeur. Précédemment, Lucas Vautier de Conti, Guillaume Gontier, Jean Grietan et Pierre Grisel avaient rempli les mêmes fonctions chez le célèbre Hollandais dont l’atelier devait, sous ses successeurs, devenir l’un des plus réputés et des plus importants de Paris.

L’association de Wolfgang Hopyl et d’Higman ne devait guère s’étendre au delà de 1499, époque à laquelle ce dernier décéda ; sa veuve Guyonne Viart épousa, en secondes noces, Henri Estienne (1470-1520), qui prit la direction de l’imprimerie dont il faisait peut-être déjà partie et qui fut le fondateur de la dynastie des Estienne. Parmi les œuvres éditées par Estienne on cite en première ligne Cosmographia Pii papæ, qui parut en 1509, et la première édition de l’Itinéraire d’Antonin imprimée en 1512.

L’un des correcteurs de Henri Estienne — le plus remarquable sans doute — fut Geoffroy Tory de Bourges (1485-1533). Après un séjour de quelques années en Italie, Geoffroy Tory professa la littérature et la philosophie dans divers collèges de Paris. En 1509, alors qu’il était régent au collège du Plessis, il entre chez Henri Estienne où, jusqu’en 1512, date de son retour en Italie, il corrige les épreuves de maints ouvrages et annote plusieurs éditions d’auteurs latins. S’étant fait recevoir au nombre des membres de la Confrérie des Libraires-Imprimeurs, Tory s’établit libraire à Paris, en 1518, à l’enseigne du Pot Cassé et, quelques mois plus tard, fonde une imprimerie. Tory fut l’un des imprimeurs les plus remarquables du xvie siècle. Sans vouloir faire de lui un rénovateur de la typographie, on peut dire qu’il fut presque l’égal de Robert Estienne qu’il dépasse parfois. Tory a fixé les règles de l’orthographe ; on lui doit une ponctuation plus correcte avec l’emploi de l’apostrophe, de la virgule et de la cédille. « Dans un ouvrage resté célèbre, qu’il appelle Champ-Fleury et qu’il publia en 1529[15], Tory traite, comme dessinateur et comme graveur, de la vraie proportion des lettres. Sous l’impulsion nouvelle de notre imprimeur-libraire — qui reprenait sur ce point les idées de son devancier Josse Bade[16], un érudit devenu aussi correcteur, puis libraire-imprimeur — les types gothiques furent délaissés et remplacés par des caractères romains d’une disposition nouvelle, empruntée aux monuments de l’antiquité que Tory, qui revenait d’Italie[17], avait visités et étudiés sur place et qui avaient fait germer chez lui des idées nouvelles[18]. »

Un autre collaborateur de Henri Estienne fut Simon de Colines, né aux environs de Paris (Gentilly ou Pont-de-Colines), vers l’an 1470 ou 1480. En 1521, il épousait en troisièmes noces Guyonne Viart, déjà successivement mariée à Jean Higman et à Henri Estienne, et prenait la direction de l’imprimerie fondée, en 1489, par Higman, à l’enseigne des Lions.

Colines était un érudit remarquable ; sa maison fut le rendez-vous des savants dont il imprimait les œuvres et dont il surveillait lui-même la correction. En relations constantes avec Geoffroy Tory, et certainement sous son inspiration, de Colines proscrivit de ses éditions le caractère gothique, améliora les types romains en usage et, le premier à Paris[19], utilisa l’italique comme « caractère de texte ». Ses éditions grecques, pour lesquelles il fit, au début, graver un type spécial, sont d’une beauté et d’une correction admirables. Nombre des livres sortis de ses presses sont du format in-16 dont il contribua à vulgariser l’emploi.

D’après Gabriel Naudé[20], « ce fut un nommé Gilles Gormont[21] qui, le premier, établit à Paris, environ l’an 1507, une imprimerie pour les autheurs grecs[22], commençant par la Grammaire de Chrysoloras, la Batrachomyomachie d’Homère, le poème d’Hésiode intitulé Opera et Dies, et quelques autres petits traittés, qui finissent tous par ce dicton latin : Operoso huic opusculo extremam imposuit manum Ægidius Gourmontius, integerrimus ac fidelissimus primus, duce Francisco Tissardo Ambacæo, græcarum litterarum Parisiis impressor, anno Domini M. CCCCC. VII. »

Quel était ce François Tissard, d’Amboise (Ambacæo), dont l’érudition était assez forte pour assumer la direction (duce) des impressions grecques de l’atelier de Gourmont : préparation du manuscrit, correction du texte et revision des épreuves ? Malgré nos recherches, il ne nous a pas été donné de le savoir.

Au cours des années 1516-1517, Jacques Musurus de Rhodes surveillait la correction des ouvrages grecs sortis des presses de ce même Gilles Gourmont, ainsi que le correcteur prend soin de nous l’apprendre lui-même dans l’épître dédicatoire qu’il adressait à Jean Olivier, qui fut abbé de Saint-Médard de Soissons en 1510 et évêque d’Angers de 1532 à 1540 : « Sententiæ sive Apophthegmata septem Sapientium grecanica utilissima sane ac ethica, una cum Pythagorico symbolo » ; unumquemque admonentes quod in hoc mortali labyrintho sese dirigere oporteat : nuperrime castigata ac aucta ab Jacobo Musuro Rhodio.

Jérôme Gourmont et son frère Benoît, que l’on suppose être les fils de Robert Gourmont, frère aîné de Gilles, continuèrent les traditions de leur oncle. Établi dès l’année 1524, Jérôme[23] était en 1529 l’associé de Guillaume Rolant ; en 1543, d’après un manuscrit de la Bibliothèque Nationale, il tenait boutique d’imprimeur en la rue Saint-Jacques, à l’enseigne des Trois Brochetz[24] ; il mourut, croyons-nous, en l’année 1553, alors que son frère Benoît poursuivit sa carrière jusqu’en 1559. — Jean Chéradame, qui fut le premier professeur de langue grecque au Collège de France, avait accepté de veiller à la pureté du texte des productions typographiques qui sortaient de l’officine des Gourmont, comme nous l’apprend la dédicace du premier livre de la Syntaxe d’Apollonius Dyscole (Ὰπολλώνιου Ὰλεξανδρέως περί Σύνταξεως), dont Nicolas de Lorraine, évêque de Metz, avait, en 1536, accepté l’hommage.

Robert Estienne, deuxième fils de Henri Estienne, naquit à Paris en 1503 et mourut à Genève en 1559. Il étudia les humanités sous la direction du célèbre Jean Lascaris venu à Paris, et la typographie dans l’atelier de son beau-père Simon de Colines qui, nous l’avons vu, avait, à la mort de Henri Estienne, assumé la direction de l’imprimerie du clos Bruneau. En 1526, Robert Estienne établissait son atelier rue Saint-Jean-de-Beauvais, en face de l’École de Droit. De cette maison devaient sortir les travaux les plus remarquables et les plus savants de cette époque : bibles en grec, en latin, en hébreu, psautiers, auteurs anciens, Thesaurus, Dictionnaire français-latin, etc. — Ses éditions « sont celles de toute l’Europe, où l’on voit le moins de fautes d’impression. Mill assure que, dans son Nouveau Testament grec des éditions de 1546, 1549 et 1551, ainsi que dans l’édition in-16 de 1549, il ne se trouve pas une seule faute typographique, et qu’il n’y en a qu’une dans la préface latine, savoir pulres pour plures. On sait par quel moyen il parvint à cette exactitude » : il revisait lui-même les textes et corrigeait ses épreuves avec l’aide de collaborateurs non moins lettrés ; puis « il exposait à sa boutique et affichait à la porte des collèges ses dernières épreuves en promettant un sol aux écoliers pour chaque faute qu’ils découvriraient, et il leur tenait exactement parole[25]. Il entretenait chez lui dix à douze savants de nations diverses, et, comme ils ne pouvaient s’entendre les uns les autres qu’en parlant latin, cette langue devint si familière dans la maison que sa femme, ses enfants et les anciens domestiques vinrent à la parler avec facilité ». — On connaît le sort misérable que de regrettables querelles religieuses et un formalisme intransigeant devaient réserver à cet homme honoré de la faveur d’un roi[26] et d’une reine, mais suspect au clergé : ses démêlés avec la Sorbonne, sa fuite à Genève et, sous la direction de son frère, la ruine de sa maison.

Comparant les éditions de Robert Estienne et d’Alde Manuce au point de vue de la correction du texte, M. Firmin-Didot, dans ses Observations littéraires et typographiques sur Robert et Henri Estienne, exprime une idée singulière : « … Ce n’est certainement pas sous le rapport de la correction des textes qu’Alde doit être comparé à Robert Estienne et à son fils[27]. Il faut le dire, avant Robert Estienne on n’avait aucune idée de ce que devait être la correction d’un livre… » Songer à discuter les idées de M. Firmin-Didot serait pure outrecuidance : trop de distance en toutes choses nous fait inférieur à ce savant et illustre imprimeur ; il faut avouer, cependant, qu’une telle affirmation : « on n’avait aucune idée… » rabaisse singulièrement le rôle et la valeur de tous les devanciers de Robert Estienne. Point n’était besoin, pour combattre la thèse, peut-être exagérée, de M. Renouard, d’élever à son encontre une thèse non moins outrée qui aurait pu rencontrer contradicteur aussi qualifié.

Il semble, d’ailleurs, que certains écrivains ont dénié presque systématiquement aux lettrés qui présidèrent aux premières productions de l’imprimerie les qualités et les capacités qu’ils accordent avec une libéralité fort partiale aux érudits de leur époque ou à leurs écrivains favoris. Ainsi, déjà au xviiie siècle, un autre auteur Prosper Marchand[28] soutenait une thèse qui par maints côtés se rapproche de celle de Firmin-Didot : « … Mais c’est une erreur grossière que plusieurs habiles gens ont parfaitement bien démontrée, en prouvant que beaucoup d’entre elles [les éditions anciennes] ont été non seulement faites sur de mauvais manuscrits par des imprimeurs tout-à-fait incapables d’en juger, mais encore fort corrompues par l’ignorance et la témérité de divers éditeurs et correcteurs, gens alors plus titrez qu’habiles et bien instruits. Comme c’est là une espèce de blasphème littéraire contre lequel ne manqueront point de se récrier fortement, et les vendeurs, et les curieux d’anciennes éditions, il est absolument nécessaire de le prouver par des autoritez respectables… Bien loin donc que ces éditions anciennes soient légitimement dignes de cette préférence, « Je ne crains point de dire, au contraire, affirme, Richard Simon[29], « que, généralement parlant, plus les éditions des Peres sont anciennes, moins elles sont exactes ; et qu’il en est de même de celles de tous les autres écrivains, en quelque genre que ce soit. » Et c’est ce que Mrs. Heumann[30], Seclenius[31], et Schelhorn[32] reconnoissent de même en ces termes : Falluntur, qui sibi persuadent, primis exortæ Typographiæ temporibus, libros exscriptos fuisse accuratissimæ, cum inspectio eorum doceat contrarium… Orti sunt… errores tam multi… ex defectu peritorum industriorumque correctorum, quos primis Typographiæ temporibus raros fuisse, imo rarissimos ;… permulti libri, quibus Tirocinia posuerunt primi Typographi, Tirones potius quam magistri… dicendi demonstrant. »

Il est sans doute aisé, la besogne, achevée, de reprocher au jardinier qui a péniblement défriché un inculte terrain les quelques mauvaises herbes que de multiples travaux ultérieurs ont fait apparaître ; il est moins facile certes d’exécuter soi-même une tâche plus ingrate et plus laborieuse que celle d’une critique dont le seul mérite parfois est d’examiner le champ cultivé.

Non point qu’il faille admettre aveuglément et comme article de foi… typographique l’impeccable correction de toutes les productions de l’imprimerie. Trop d’exemples sont là qui infirmeraient semblable suggestion. L’Université, l’autorité royale non plus que personne autre n’avaient la possibilité ou les moyens d’imposer en cette matière, comme autrefois pour les manuscrits, l’obligation de la perfection ; d’ailleurs, des édits, des règlements, des décisions appliqués scrupuleusement ici sont outrageusement violés en telle autre ville. Si la juridiction de l’Université pouvait, à Paris même, établir quelque limite, elle était impuissante à Lyon et ailleurs. Lorsque, pour enrayer la production des « livres corrompus et incorrects », les maîtres lyonnais « prirent à cœur de ne livrer que des éditions correctes[33] », l’histoire ne rapporte point que ceux de Marseille, de Bordeaux, de Toulouse et autres lieux s’engagèrent à imiter ce louable exemple. Il ne servirait en rien, au reste, de nier un mal qui exista de tout temps, mal qui ne provient point du fait seul du correcteur et auquel on peut appliquer cette pensée de Pope :

Whosoever thinks a faultless pièce yo see,
Thinks what ne’er was, not is, not e’er shall be[34] ;


mais, au dire de la plupart des savants de toutes les époques, la correction des ouvrages mis au jour dès les premiers temps de l’imprimerie est généralement digne d’exciter l’admiration. La plupart des imprimeurs qui précédèrent Robert Estienne et leurs collaborateurs furent de véritables savants ayant des connaissances vraiment encyclopédiques ; ils étaient capables, non moins que celui-ci, d’interpréter des manuscrits grecs, latins, hébreux, avec une sécurité remarquable et d’en assurer la reproduction avec une exactitude digne de tous éloges.

Conrad Néobar, originaire d’Allemagne, s’établit libraire à Paris, en 1537, après un examen qui lui valut les éloges de l’Université. En 1538, François Ier le nommait son « imprimeur pour le grec » et le chargeait spécialement de la publication des manuscrits en cette langue. L’ordonnance royale, datée du 17 janvier, fixait les gages annuels de l’imprimeur à la somme de 100 écus d’or sol ; Conrad Néobar jouissait, en outre, de l’exemption d’impôts et de tous les privilèges et immunités accordés au clergé et aux membres de l’Université. Il mourut dans les premiers mois de 1540.

Turnèbe naquit, en 1512, aux Andelys en Normandie, de parents nobles, mais peu fortunés. Son père, gentilhomme écossais, portait, dit-on, le nom de Turnbull, remplacé par le nom français Tournebœuf ou Tournebou, en latin Turnebus. Amené à Paris, vers l’âge de onze ans, le jeune Turnèbe montra pour l’étude de telles dispositions qu’il devait égaler, et même surpasser, ses maîtres : il étudia tout spécialement les écrits des Anciens qui ne lui présentèrent bientôt plus aucune difficulté qu’il ne pût résoudre. Grâce à la protection du cardinal de Châtillon, Turnèbe était nommé professeur d’humanités à Toulouse ; mais, en 1547, il était appelé à Paris, pour remplacer le célèbre Toussain, au Collège Royal où il occupa d’abord la chaire de littérature grecque, puis celle de philosophie grecque et latine ; parmi les élèves dont il dirigea particulièrement les études on peut citer Henri Estienne, Génebrard et Scaliger. En 1552, Turnèbe, guidé par son enthousiasme pour les lettres, acceptait la charge d’imprimeur royal pour les livres grecs, qu’il devait garder jusqu’en 1555. Turnèbe est un des humanistes auxquels la France doit le plus pour la renaissance des lettres ; ses ouvrages personnels, ses traductions d’Aristote, de Théophraste, de Plutarque, ses commentaires sur Cicéron, Varron, Horace le placent incontestablement au premier rang des lettrés du xvie siècle. Il mourut le 12 juin 1565.

Guillaume Morel, né en 1505, au Tilleul (Normandie), d’une famille pauvre, réussit à acquérir une instruction remarquable. Professeur de langue grecque à Paris, il abandonna sa chaire pour devenir correcteur chez l’imprimeur Jean Loys surnommé Titelan. Plus tard, il devait lui-même exercer la maîtrise d’imprimeur de 1550 à 1564, associé au célèbre Turnèbe qui, en 1555, se démettait en sa faveur de sa charge d’imprimeur royal pour le grec. Les éditions de Guillaume Morel rivalisent avec celles de Robert Estienne non seulement par la beauté de l’exécution typographique, mais aussi par la pureté et la correction du texte. En 1544, il avait publié, seul, un Commentaire sur le traité « De Finibus » de Cicéron, puis, en 1558, avec Jacques Bogard, une édition des Institutions oratoires de Quintilien.

Scaliger, né à Agen le 4 août 1540, fut pour la langue grecque l’un des meilleurs élèves de Turnèbe ; il étudia l’arabe, l’hébreu, le syriaque, le persan et la plupart des langues de l’Europe. Il devint l’un des philologues les plus réputés de notre pays qui cependant en compta beaucoup au xvie siècle ; il fut, en outre, fort versé dans l’histoire, la chronologie et les antiquités. Après avoir visité les principales universités d’Allemagne et s’être lié d’amitié avec Cujas et de Thou, il se fixa à Lausanne où il habitait lors du massacre de la Saint-Barthélémy, puis à Genève où on lui offrit une chaire à l’Université de cette ville. Il mourut, le 21 janvier 1609, à Leyde où il avait été appelé pour succéder à Juste Lipse. Ses traductions latines et grecques sont considérables et justement réputées.

Isaac de Casaubon est né à Genève le 18 février 1559. Son père se chargea du soin de son instruction et avec tant de souci que, dès l’âge de neuf ans, il parlait latin avec correction et facilité. Casaubon étudia à Genève la jurisprudence, la théologie et les langues orientales ; ses progrès furent si rapides qu’en 1582, à l’âge de vingt-trois ans, il pouvait remplacer son professeur dans la chaire de littérature grecque. Ayant épousé la fille de Henri Estienne, Florence, il publia dès lors, presque chaque année, des éditions, des traductions d’auteurs grecs et latins, avec des notes et des commentaires remplis d’érudition. En 1596, Casaubon est désigné pour occuper à Montpellier une chaire de grec et de belles-lettres. Mais Henri IV l’appelle bientôt à Paris, où il lui confie une situation analogue et lui accorde la charge, très enviée alors, de bibliothécaire du roi, aux gages annuels de 400 livres, somme fort élevée. À la mort de Henri IV, Casaubon quittait la France, à la suite de l’ambassadeur de Jacques Ier, roi d’Angleterre ; il mourut à Londres le 1er  juillet 1614. Casaubon fut un savant de premier ordre, un bon traducteur et un excellent critique ; sans doute ses ouvrages ne sont pas exempts de fautes, mais on y rencontre une sagacité merveilleuse et un jugement exquis ; il interprète ou rétablit les passages des Anciens avec un rare bonheur. Son Commentaire sur Strabon est le meilleur qui existe ; et ses travaux sur Théocrite et Athénée sont encore fort estimés des lettrés.

Pour terminer, citons rapidement les noms de Muret, né à Muret près Limoges en 1526, mort à Rome en 1585, philologue et poète, qui professa à Auch, à Bordeaux, au collège du Cardinal-Lemoine à Paris et à Toulouse ; appelé à Rome par le cardinal d’Este, il y donna des leçons fort suivies sur l’Éthique d’Aristote et sur le droit civil ; — Postel, dont les malheurs égalèrent la science, né en 1510 à La Dolerie près Barenton, mort à Paris en 1581 ; en 1538, il était professeur au Collège Royal de Paris ; de sa disgrâce date le début de sa vie errante en Allemagne, en Suisse, en Italie et en Turquie ; son application à l’étude des sciences grecques, latines et orientales devait lui troubler quelque peu la raison ; — Lambin, né à Montreuil-sur-Mer en 1516, mort à Paris en 1572 : en 1560, il était professeur de rhétorique, et, en 1561, de langue grecque au Collège Royal de Paris ; il travaillait, dit-on, avec un soin méticuleux, lentement, à des œuvres qui furent nombreuses et fort estimées : une édition d’Horace en 1561, de Lucrèce en 1561 également, de Cicéron en 1565-1566, de Plaule parue seulement en 1577, etc.

Ainsi, au xve et au xvie siècle, le correcteur possède dans la hiérarchie littéraire une situation élevée : tantôt il est recteur de l’Université, prieur de la Sorbonne ; tantôt il occupe une chaire dans un collège en renom ; d’autres fois, abandonnant les lettres pour les arts, il s’est acquis par ses travaux une réputation enviable ; ou encore, ses mérites lui ont valu la faveur et les grâces des rois, des princes et des grands de ce monde.

Aussi l’usage s’est établi de donner à ce travailleur intellectuel une place d’honneur parmi les collaborateurs qui contribuent à la production de ces œuvres que tous les temps ont jugées remarquables. Non seulement ils ont l’honneur insigne — comme Augustin-Vincent Caminade et Cyprien Benet — de voir leur nom et leurs fonctions figurer à côté de ceux de l’auteur et du maître imprimeur, mais encore d’être l’objet de flatteuses mentions qui exaltent leur savoir et leurs capacités.


  1. Bien que Gering ait tenu, par la suite, une place prépondérante dans les divers ateliers dont il assuma la direction technique (alors que ses deux compagnons avaient repris le chemin de l’Allemagne), nous ne ferons dans ce court historique aucune différence entre les trois prototypographes parisiens.
  2. Gasparini Bergamensis Epistolarum opus, per Joannem Lapidarium, Sorbonensis scholæ priorem, multis vigiliis ex corrupto integrum effectum.
  3. D’après une lettre de G. Fichet (voir A. Claudin, Histoire de l’Imprimerie en France au xve et au xvie siècle, t. I, p. 26).
  4. Pour bien connaître toute cette période des débuts de l’imprimerie en France, il faut lire Claudin, Histoire de l’Imprimerie en France. Ce travail, sorti des presses de l’Imprimerie Nationale, à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1900, est, peut-on dire, un chef-d’œuvre d’art typographique. Outre un texte fortement documenté, il comprend un nombre considérable de reproductions merveilleuses des livres imprimés à la fin du xve et au début du xvie siècle, reproductions en noir et en couleurs avec enluminures. Des trois volumes que nous avons consultés et auxquels nous avons emprunté maints détails reproduits ici, deux sont relatifs aux imprimeurs parisiens ; le troisième concerne l’imprimerie lyonnaise.
  5. Guillaume Fichet attendait en cette ville la fin d’une mission dont il avait été chargé auprès du roi Louis XI, alors au château de Plessis-lès-Tours.
  6. Erhard était originaire du diocèse de Bâle ; reçu bachelier en 1463, licencié en 1466, il devint procureur pour la « nation germanique » en 1468.
  7. Dans l’ancien temps chaque demeure avait sa dénomination, son enseigne particulière qui servait à la distinguer des maisons voisines (les numéros n’étaient point alors en usage). Nombre d’imprimeurs acceptèrent comme marque personnelle de leurs productions l’enseigne de leurs maisons, en y ajoutant une devise ; mais un non moins grand nombre se créèrent pour leur atelier un écu différent de l’enseigne de leur habitation. — La marque personnelle à chaque imprimerie fut rendue obligatoire par l’article 15 de l’édit de Villers-Cotterets du 31 août 1539 : « Item ne pourront prendre les maîtres imprimeurs et libraires les marques les uns des aultres, ains chacun en aura une à part soy différente les unes des aultres, en manière que les acheteurs des livres puissent facilement connoître en quelle officine les livres auront été imprimés et lesquels livres se vendront auxdictes officines et non ailleurs. » — D’après Claudin, Pierre Vagener ou Wagner, dit César (Cesaris) (de Schwiebus en Silésie), et Jean Stoll auraient été associés, sous l’enseigne du Chevalier au Cygne, de 1474 à 1478.
  8. M. Claudin indique pour l’imprimerie de la Sorbonne les dates extrêmes 1470-1472 ; pour l’atelier du Soleil d’Or de la rue Saint-Jacques, 1473-1483.
  9. Sur Higman, voir page 42.
  10. D’après A. Claudin : « Gaspar et Russangis, Louis Simonel ou Simonet de Bourges, Richard Blandin d’Évreux, Jean Simon et autres. »
  11. Venduntur parvo, nec punctum nec littera deficit.
    Vera recognovit Tardivus. Ecce, lege !

    Voir Claudin, ibid., t. I, p. 153.
  12. Celui-là même auquel, le 1er  janvier 1471, G. Fichet écrivait la lettre fameuse dans laquelle on rencontre ce passage : « Les ouvriers typographes racontent ici à qui veut les entendre que c’est un nommé Jean dit Gutenberg qui le premier a inventé aux environs de Mayence l’art de l’imprimerie… »
  13. Notice historique sur Antoine et Pierre Baquelier, citoyens de Grenoble, et les ouvrages qu’ils ont publiés au xve et au xvie siècle, par un Vieux Bibliophile Dauphinois ; Grenoble, Imp. F. Allier Père et Fils, 1885, in-8o  (d’après A. Claudin).
  14. Claudin ne sait exactement quel personnage désigne ce nom ou ce surnom.
  15. Le privilège du Roi est daté de 1526, mais l’achevé d’imprimer est du 28 avril 1529 : imprimé par « nostre cher et bien amé maistre Geofroy Tory de Bourges, libraire demourant à Paris », le livre était « à vendre à Paris sus Petit Pont à Lenseigne du Pot Cassé ».
  16. Voir, sur Josse Bade, page 56.
  17. En 1516-1517.
  18. Voir note I, p. 435-436.
  19. Nous disons à Paris, car, ainsi qu’on le verra plus loin (p. 60 et suiv.), dès les derniers mois de 1502, Balthazard de Gabiano avait imprimé à Lyon, en caractères « aldins » (italiques), une contrefaçon des éditions des auteurs classiques d’Alde Manuce.
  20. Gabriel Naudé, Addition à « l’Histoire de Louis XI », chap. vii, 1630, Paris (chez François Targa).
  21. G. Naudé écrit « Gormont », alors que le texte latin rapporté plus loin donne Gourmontius.
  22. En Italie, la typographie, sous la direction des Hellènes réfugiés de Constantinople, avait déjà mis au jour de nombreuses éditions grecques.
  23. Lottin, Catalogue chronologique des Libraires.
  24. Bib. Nat., F. Réserve, n° 2085.
  25. Dans son volume la Science pratique de l’Imprimerie, paru à Saint-Omer, en 1723, Dominique Fortel assure, d’après un auteur ancien, que Plantin (d’Anvers) agissait, à cet égard, comme Robert Estienne.
  26. « Ce fut une heureuse pensée que celle du premier roi de France qui choisit, entre les imprimeurs parisiens, le plus capable d’exécuter sous son patronage des éditions assez parfaites pour servir de modèles. Il n’y avait pas encore d’Imprimerie Royale proprement dite ; mais il y eut toujours, depuis Robert Estienne jusqu’à Sébastien Cramoisy (1640), des imprimeurs royaux. » (Egger, Histoire du Livre, p. 237.)
  27. Firmin-Didot combat ici une opinion de M. Renouard : « À tous égards, Alde Manuce occupe et occupera longtemps et sans aucune exception le premier rang parmi les imprimeurs anciens et modernes. »
  28. Histoire de l’origine et des premiers progrès de l’imprimerie, p. 103 et suiv. (La Haye, 1740).
  29. Biblioth. critique, t. I, p. 256.
  30. Conspectus Reipublicæ litterariæ, p. 291.
  31. Selecta litteraria, p. 585.
  32. Amœnitates litterariæ, t. I, p. 12.
  33. Voir pages 61 et 456.
  34. Croire qu’on verra une œuvre exempte de fautes, c’est croire ce qui n’a jamais été, ce qui n’existe pas, ce qui ne sera jamais.