Traduction de Claude-Étienne Savary.
LE CORAN,

traduit de l’arabe, accompagné de notes, précédé d’un abrégé de la vie de Mahomet, tiré des écrivains orientaux les plus estimés.

Seconde partie.
Réédition de 1821 (première édition en 1782).

Publié à Paris et Amsterdam par G. Dufour, Libraire.
◄  Chapitre XXIV Sourate 25 Chapitre XXVI  ►


CHAPITRE XXV.
Le Coran.

donné à La Mecque, composé de 77 versets.

Au nom de Dieu clément et miséricordieux.


Béni soit celui qui a envoyé du ciel le Coran, à son serviteur, pour prêcher la foi aux hommes.

2L’empire des cieux et de la terre est dans ses mains. Il n’a point de fils. Il ne partage avec aucun être le gouvernement de l’univers. Il a tiré du néant tout ce qui existe, et il en fait subsister l’harmonie.

3L’idolâtre adore des divinités impuissantes. Elles ne peuvent rien créer. Elles-mêmes ont été tirées du néant.

4Incapables du bien et du mal, elles n’ont aucun droit à la vie, à la mort et à la résurrection.

5Ce livre, disent les infidèles, n’est qu’une imposture. Mahomet en est l’auteur. D’autres hommes l’ont aidé. Ces discours ne sont appuyés que sur l’iniquité et le mensonge.

6Ce n’est, ajoutent-ils, qu’un amas des fables de l’antiquité qu’il a recueillies, et qu’on lui lit le matin et le soir.

7Réponds-leur : Celui qui sait les secrets du ciel et de la terre a envoyé le Coran. Il est indulgent et miséricordieux.

8Quel est cet apôtre, disent-ils ? Il boit et mange comme nous. Il se promène dans les places publiques. Un ange est-il descendu du ciel pour l’inspirer ?

9Nous a-t-il montré un trésor ? A-t-il produit un jardin orné de fruits ? Suivrons-nous un imposteur trompé par des prestiges ?

10Vois à quoi ils te comparent. Ils sont dans l’aveuglement. Ils ne retrouveront plus la lumière.

11Béni soit celui qui peut te donner des biens plus précieux, des jardins arrosés par des fleuves, et ornés de palais magnifiques.

12Ils ont nié la résurrection. Le feu sera le prix de leur incrédulité.

13A leur approche il redoublera d’ardeur, et ils entendront mugir les flammes dévorantes.

14On les en retirera, pour les jeter chargés de chaînes dans un cachot étroit, où ils invoqueront la mort.

15N’en appelez pas une seulement, leur dira-t-on : Appelez tous les genres de mort.

16Demande-leur lequel est préférable de l’enfer, ou du paradis promis aux justes avec la félicité ?

17Dans le séjour éternel, tous les vœux seront comblés. Les justes ont droit d’exiger de Dieu l’accomplissement de ses promesses.

18Un jour il rassemblera les idolâtres, et demandera à leurs dieux : Est-ce vous qui avez égaré mes serviteurs, ou se sont-ils livrés d’eux-mêmes à l’erreur ?

19Seigneur, répondront-ils, ton nom soit glorifié ! Nous ne pouvions rechercher d’autre protection que la tienne. Les richesses dont tu les as comblés eux et leurs pères, leur ont fait oublier ton souvenir, et ils ont couru à leur perte.

20Il dira aux idolâtres : Vos divinités vous accusent de mensonge. Elles ne sauraient ni protéger ni nuire.

21Quiconque de vous a vécu dans l’impiété, va subir un supplice douloureux.

22Les apôtres qui t’ont précédé se nourrissaient comme les autres hommes, et marchaient dans les places publiques. Nous vous éprouvons les uns par les autres. Serez-vous constans ? Dieu est témoin.

23Ceux qui nient la résurrection ont dit : Nous ne croirons point, à moins qu’un ange ne descende du ciel, ou que nous ne voyons Dieu. Ils se sont abandonnés à l’orgueil et à des excès inouïs.

24Le jour où les anges paraîtront devant eux, ils ne leur apporteront point d’agréables nouvelles. Les infidèles crieront : Où trouver un asile ?

25Nous produirons leurs œuvres, et nous les réduirons en poussière.

26Les hôtes du paradis jouiront des douceurs du repos, et auront un lieu délicieux pour dormir à midi[1].

27Le jour où les cieux et les nuages s’ouvriront quand l’ange descendra,

28L’empire appartiendra aux miséricordieux. Ce moment sera terrible pour les infidèles.

29L’impie se mordra les doigts, et dira : Plût à Dieu que j’eusse suivi la voie tracée par le prophète !

30Malheur à moi ? plût à Dieu que je n’eusse point eu des infidèles pour amis !

31Ils m’ont fait abandonner l’islamisme qu’on m’avait prêché. Satan trahit l’homme.

32Le prophète dira : Seigneur, mon peuple a abandonné la religion sainte.

33Les scélérats sont les ennemis des ministres du Très-Haut ; mais sa protection est un bouclier puissant.

34Les incrédules ont demandé si le Coran n’avait pas été envoyé dans un traité suivi. Nous l’avons fait descendre du ciel par versets et par chapitres, afin d’affermir ton cœur.

35Toutes les fois qu’ils t’attaqueront avec des paraboles, nous t’en donnerons l’explication ; nous t’enverrons la vérité pour les combattre.

36Ceux qui se seront le plus écartés du droit chemin, seront couchés sur le front dans l’enfer, et habiteront le séjour le plus déplorable.

37Nous donnâmes le Pentateuque à Moïse. Nous lui donnâmes son frère Aaron pour conseiller.

38Nous leur commandâmes d’aller trouver le peuple qui avait nié la vérité de notre religion, et nous l’exterminâmes.

39Nous ensevelîmes dans les eaux le peuple de Noé qui accusait nos ministres d’imposture. Il sera un exemple effrayant pour l’univers. Des tourmens rigoureux sont préparés aux méchans.

40Aod, Themod, les possesseurs de Rassi[2], et beaucoup d’autres nations 41Écoutèrent sans fruit nos instructions, et ils périrent.

42Les infidèles ont passé près de la ville sur laquelle nous fîmes tomber une pluie fatale. N’ont-ils pas vu ses ruines ? Mais ils ne croient point à la résurrection.

43Lorsqu’ils t’aperçoivent, ils s’arment d’ironies. Est-ce là, disent-ils, l’envoyé du Très-Haut ?

44Peu s’en est fallu qu’il ne nous ait fait abjurer le culte de nos dieux. Il fallait notre constance pour lui résister. Ils verront, à l’aspect des tourmens, qui de nous suivait le mauvais chemin.

45Que t’en semble ? Seras-tu l’avocat de ceux qui ne connaissent d’autre divinité que leurs passions ?

46Supposes-tu de l’intelligence à la plupart d’entre eux ? Ils ressemblent aux brutes, s’ils ne sont plus aveugles encore.

47Considère comme la main de Dieu prolonge l’ombre. Il pourrait la rendre permanente. Le soleil est son indice.

48Nous la resserrons avec facilité.

49Dieu vous couvre du manteau de la nuit. Il l’a établie pour le repos. Le jour est destiné au mouvement.

50Il envoie les vents, avant-coureurs de ses grâces, et fait descendre la pluie des cieux.

51Par elle nous vivifions la terre stérile. Elle sert à désaltérer nos créatures, les animaux et les hommes.

52Nous la versons sur leurs campagnes afin qu’ils se souviennent de nos bienfaits ; mais la plupart oublient tout, excepté d’être ingrats.

53Si nous avions voulu, nous aurions envoyé un apôtre dans chaque ville.

54Ne cède point aux incrédules. Attaque-les fortement avec ce livre.

55C’est le Tout-Puissant qui a rapproché deux mers, l’une d’eau douce, et l’autre d’eau salée. C’est lui qui a posé entre elles une barrière insurmontable.

56C’est lui qui a créé d’eau les hommes, et qui a établi entre eux les liens du sang et de l’amitié. Sa puissance est infinie.

57Ils servent des dieux incapables de bien et de mal. L’idolâtre se révolte contre son Seigneur.

58Ton ministère se borne à la prédication de nos promesses et de nos menaces.

59Je ne demande pour prix de mon zèle, que de vous voir marcher dans les voies du Seigneur.

60Mettez votre confiance dans celui qui vit et qui ne mourra point. Publiez ses louanges. Il connaît les péchés de ses serviteurs. Il créa le ciel et la terre dans six jours, ensuite il s’assit sur son trône. Il est le miséricordieux. Interrogez celui qui possède la science.

61Commandez-leur d’adorer le miséricordieux. Qui est le miséricordieux, répondent-ils ? L’adorerons-nous sur ta parole ? Leur impiété s’accroît.

62Béni soit celui qui a placé au firmament les signes du Zodiaque, le flambeau des jours, et l’astre des nuits, signes manifestes de sa puissance.

63Il a établi la succession de la nuit et du jour, pour celui qui réfléchit à ces merveilles, et qui en est reconnaissant.

64Les serviteurs du miséricordieux sont ceux qui, marchant avec modestie, répondent avec bonté à l’ignorant qui leur parle ;

65Qui passent la nuit à adorer le Seigneur, prosternés ou debout ;

66Qui disent : Seigneur, éloigne de nous les peines de l’enfer, qui tourmentent sans relâche, en quelque posture qu’on soit ;

67Qui, dans leurs largesses, ne sont ni prodigues ni avares, mais économes ;

68Et qui, adorateurs d’un Dieu unique, ne transgressent point le précepte divin, qui défend le meurtre et l’adultère. Celui qui s’en rendra coupable portera la peine de son iniquité ;

69On augmentera pour lui la rigueur des supplices au jour de la résurrection. Il sera couvert d’un éternel opprobre.

70Au lieu des maux qui l’attendaient, le pécheur converti qui croira, qui pratiquera la vertu, jouira de la félicité, parce que Dieu est clément et miséricordieux.

71Pénétré d’un vrai repentir, il fera le bien, et sa conversion sera sincère.

72Ceux qui ne portent point de faux témoignage, et qui conservent leur honnêteté au milieu des discours obscènes ;

73Qui, lorsqu’on leur parle de la doctrine divine, ne sont ni sourds ni aveugles ;

74Qui disent : Seigneur, donne-nous des femmes et des enfans dont l’aspect charme nos yeux et perpétue ta crainte en nos cœurs ;

75Ceux-là seront élevés à un degré sublime, juste prix de leur constance. Ils y trouveront la salutation et la paix.

76Ils habiteront éternellement le séjour de délices, également favorable pour reposer et pour marcher.

77Dis : Peu importe à Dieu que vous ne l’invoquiez pas. Vous avez abjuré sa doctrine. Une peine permanente vous attend.


  1. Les Orientaux sont dans l’usage de dormir à midi. Ils expédient leurs affaires le matin, font un léger repas vers onze heures, et laissent passer dans les bras du sommeil le temps de la plus grande chaleur. C’est un besoin produit par un climat brûlant. Les Européens s’y accoutument à la longue. Les Turcs qui peuvent reposer alors près d’un ruisseau, à l’ombre des orangers, se croient déjà en possession du jardin de délices que leur promet Mahomet.
  2. Rassi est le nom d’un puits situé dans le territoire de Madian. Un jour que les Madianites étaient assis à l’entour, la terre s’abîma, et ils furent tous engloutis. Gelaleddin.