Traduction par Traduction d’Albin de Kazimirski Biberstein.
Librairie Charpentier (p. 286-291).

CHAPITRE XXV.

ALFORKAN[1] OU DISTINCTION.


Donné à la Mecque. — 77 versets.


Au nom du Dieu clément et miséricordieux


  1. Béni soit celui qui a envoyé du ciel la DISTINCTION (Alforkan) à son serviteur, afin qu’il avertisse les hommes.
  2. Le royaume des cieux et de la terre lui appartient ; il n’a point de fils, il n’a point d’associé à l’empire ; il a créé toutes choses, et par un arrêt éternel a fixé leurs destinées.
  3. Les idolâtres ont pris d’autres dieux que lui, dieux qui n’ont rien créé et ont été créés eux-mêmes,
  4. Qui ne peuvent faire ni aucun bien ni aucun mal, qui ne disposent ni de la vie, ni de la mort, ni de la résurrection.
  5. Les incrédules disent : Ce livre n’est qu’un mensonge qu’il a forgé ; d’autres aussi l’ont aidé à le faire. Voici quelles sont leur méchanceté et leur perfidie.
  6. Ce ne sont que des contes des anciens, disent-ils encore, qu’il a mis par écrit ; ils lui sont dictés le matin et le soir.
  7. Dis : Celui qui connaît les secrets des cieux et de la terre a envoyé ce livre. Il est indulgent et miséricordieux.
  8. Ils disent : Qu’est-ce donc que cet apôtre ? Il fait ses repas, il se promène dans les marchés comme nous tous. A moins qu’un ange ne descende et ne prêche avec lui ;
  9. A moins qu’un trésor ne lui soit envoyé, ou qu’il n’ait un jardin qui lui fournisse la nourriture, nous ne croirons pas. Las méchants disent : Vous ne suivez qu’un homme ensorcelé.
  10. Vois quels propos ils débitent sur ton compte. Ils se sont égarés et ne peuvent trouver aucune issue.
  11. Béni soit celui qui, s’il lui plaît, peut te donner quelque chose de plus précieux que leurs biens, des jardins où coulent des eaux, et des palais.
  12. Mais ils traitent de mensonge l’arrivée de l’heure. Nous avons préparé un feu ardent pour ceux qui la traitent de mensonge.
  13. Lorsqu’il les verra de loin, ils l’entendront mugir de rage et ronfler.
  14. Et lorsqu’ils seront précipités daris un espace resserré, entassés les uns sur les autres, ils appelleront la mort.
  15. N’en appelez pas une seulement, appelez plusieurs genres de mort, leur dira-t-on.
  16. Dis-leur : Qu’est-ce qui vaut mieux, de ceci ou du jardin de l’éternité, qui a été promis aux hommes pieux, et qui doit leur servir de récompense et de terme de voyage ?
  17. Ils y trouveront tout ce qu’ils peuvent désirer dans leur séjour éternel. C’est une promesse qu’ils seront en droit de réclamer de Dieu.
  18. Le jour où il les réunira tous, ainsi que les dieux qu’ils adoraient à côté de Dieu, il demandera à ceux-ci : Est-ce vous qui avez égaré mes serviteurs que voici, ou bien eux-mêmes ont-ils perdu la route ?
  19. Ils répondront : Que ton nom soit glorifié ! nous ne pouvions rechercher d’autre allié que toi ; mais tu les as laissés jouir des biens de ce monde, ainsi que leurs pères, et ils ont perdu ton souvenir ; c’est un peuple perdu.
  20. Il dira aux idolâtres : Voici vos dieux qui démentent vos paroles. Vous ne saurez ni détourner le supplice, ni obtenir du secours.
  21. Quiconque de vous a agi avec iniquité éprouvera un châtiment terrible.
  22. Les apôtres que nous avons envoyés avant toi se nourrissaient et se promenaient dans les marchés comme les autres hommes. Nous vous éprouvons les uns par les autres, pour voir si vous serez constants. Or Dieu voit tout.
  23. Ceux qui n’espèrent point nous revoir dans l’autre monde, disent : Nous ne croirons point, à moins que les anges ne descendent du ciel, ou que nous ne voyions Dieu de nos yeux. Ils sont enflés d’orgueil, et commettent un crime énorme.
  24. Il n’y aura point d’heureuses nouvelles pour les coupables, te jour où ils verront venir les anges ; ils crieront : Arrière, arrière avec eux !
  25. Alors nous produirons les œuvres de chacun, et nous les réduirons en poussière dispersée de tous côtés.
  26. Ce jour-là les hôtes du paradis auront un beau lieu de repos et un endroit délicieux pour faire leur sieste.
  27. Le jour où le ciel se fendra par nuages, et où les anges descendront par troupes,
  28. Ce jour-là le véritable empire sera au Miséricordieux. Ce sera un jour difficile pour les infidèles.
  29. Alors le méchant mordra le revers de sa main[2], et dira : Plût à Dieu que j’eusse suivi le sentier avec l’apôtre !
  30. Malheur à moi ! Plût à Dieu que je n’eusse pas pris un tel pour ami !
  31. Il m’a fait perdre de vue le Livre après qu’il me fut montré. Satan est un traître pour l’homme.
  32. Le prophète dira : Seigneur, mon peuple a pris ce Koran en dédain.
  33. C’est ainsi que nous avons donné à tous les apôtres des criminels pour ennemis ; mais Dieu te servira de guide et d’assistance.
  34. Les infidèles disent : Pourquoi le Koran ne lui a-t-il pas été envoyé en un seul corps ? — Nous faisons ainsi pour fortifier ton cœur ; nous le récitons par refrains.
  35. Toutes les fois qu’ils te proposeront des ressemblances (des paraboles), nous te donnerons la vérité et la plus parfaite explication.
  36. Ceux qui seront rassemblés et précipités dans l’enfer, ceux là auront la plus mauvaise place, ceux-là seront le plus loin du vrai chemin.
  37. Nous avons donné le Livre à Moïse, et nous lui avons donné pour lieutenant son frère Aaron.
  38. Nous leur dîmes : Allez vers le peuple qui traite nos signes de mensonges : Nous détruisîmes entièrement ce peuple.
  39. Nous ensevelîmes dans les eaux le peuple de Noé, qui accusa ses apôtres d’imposture, et nous en fîmes un signe d’avertissement pour tous les peuples. Nous avons préparé aux méchants un supplice douloureux.
  40. Nous anéantîmes Ad et Thémoud et les hommes de Rass[3] et entre ceux-ci tant d’autres générations.
  41. À chacun de ces peuples nous proposions des paraboles d’avertissement, et nous les exterminâmes entièrement.
  42. Les infidèles ont souvent passé près de la ville sur laquelle nous avons fait pleuvoir une pluie fatale[4]. Ne l’ont-ils pas vue ? Oui ; mais ils n’espèrent point être ressuscités un jour.
  43. Lorsqu’ils te voient, ils te prennent pour l’objet de leurs railleries. Est-ce cet homme, disent-ils, que Dieu a suscité pour être un apôtre ?
  44. Peu s’en est fallu qu’il ne nous ait fait délaisser nos dieux, si nous n’avions pas montré de la constance. — Lorsqu’ils verront approcher le châtiment, ils apprendront qui d’entre nous s’est le plus éloigné du chemin droit.
  45. Que t’en semble ? Seras-tu l’avocat de ceux qui ont pris leurs passions pour leur dieu ?
  46. Crois-tu que la plupart d’entre eux entendent ou comprennent ? ils sont comme des brutes, et même plus que les brutes, éloignés du chemin droit.
  47. As-tu remarqué comme ton Seigneur étend l’ombre ? S’il voulait, il la rendrait permanente. Nous avons fait du soleil son guide ;
  48. Et puis nous l’amoindrissons avec facilité.
  49. C’est lui qui vous donne la nuit pour manteau et le sommeil pour le repos. Il a donné le jour pour le mouvement.
  50. Il envoie les vents comme précurseurs de ses grâces. Nous faisons descendre du ciel l’eau pure,
  51. Pour faire revivre par elle une contrée mourante ; nous en désaltérons nos créatures, un nombre infini d’animaux et d’hommes.
  52. Nous la promenons de tous côtés au milieu d’eux, afin qu’ils se souviennent de nous ; mais la plupart des hommes se refusent à tout, excepté à être ingrats.
  53. Si nous avions voulu, nous aurions envoyé un avertisseur dans chaque cité.
  54. Ne cède point aux infidèles, mais combats-les vigoureusement avec ce livre.
  55. C’est Dieu qui a rapproché les deux mers, l’une d’eau douce et rafraîchissante, l’autre salée et amère, et il a placé entre, elles un intervalle et une barrière insurmontables[5].
  56. C’est lui qui a créé d’eau les hommes, qui établit entre eux les liens, de parenté et d’affinité. Ton Seigneur est puissant.
  57. Plutôt que Dieu, ils adorent ce qui ne peut ni leur être utile ni leur nuire. L’infidèle est l’aide du diable contre son propre Seigneur.
  58. Nous ne t’avons envoyé que pour annoncer et pour menacer.
  59. Dis-leur : Je ne vous demande pas d’autre salaire que de vous voir prendre le sentier qui conduit à Dieu.
  60. Mets ta confiante dans le Vivant qui ne meurt pas ; célèbre ses louanges. Il connaît suffisamment les péchés de ses serviteurs, il a créé les cieux et la terre, et tout ce qui se trouve entre eux, dans l’espace de six jours ; puis il est allé s’asseoir sur le trône, il est le Miséricordieux ; interroge sur lui les hommes instruits.
  61. Quand on leur dit (aux infidèles) : Prosternez-vous devant le Miséricordieux, ils demandent : Qui est le Miséricordieux[6] ? Nous prosternerons-nous devant ce que tu nous dis ? Et leur éloignement s’en accroît.
  62. Béni soit celui qui a placé au ciel les signes du zodiaque, qui y a suspendu le flambeau[7] et la lune qui éclairent.
  63. Il a établi la nuit et le jour se succédant tour à tour pour ceux qui veulent penser à Dieu ou lui rendre des actions de grâces.
  64. Les serviteurs du Miséricordieux sont ceux qui marchent avec modestie sur cette terre, et qui disent : PAIX A VOUS, aux ignorants qui leur adressent la parole[8] ;
  65. Qui passent leurs nuits à prier Dieu, prosternés ou debout ;
  66. Qui disent : Seigneur, éloigne de nous le supplice de la géhenne, car ses tourments sont perpétuels, car c’est un mauvais lieu pour s’y reposer et pour s’y arrêter ;
  67. Qui, dans leurs largesses, ne sont ni prodigues ni avares, mais qui se tiennent entre les deux ;
  68. Qui n’invoquent point avec Dieu d’autres divinités ; qui ne tuent point une âme vivante, ainsi que Dieu l’a défendu, excepté pour une juste raison[9], qui ne commettent point d’adultère. Celui qui le fait recevra le prix de l’iniquité.
  69. Au jour de la résurrection, le supplice lui sera doublé ; il le subira éternellement, couvert d’ignominie.
  70. Mais ceux qui se repentiront, qui auront cru et pratiqué les bonnes œuvres, Dieu changera les mauvaises actions de ceux-là en bonnes ; car Dieu est indulgent et miséricordieux.
  71. Celui qui se repent et qui croit, revient à. Dieu et en est accueilli.
  72. Ceux qui ne portent point de faux témoignages, et qui, engagés dans une conversation frivole, la traversent (s’en tirent) avec décence ;
  73. Qui, lorsqu’on leur récite les enseignements du Seigneur, ne restent point couchés immobiles comme s’ils étaient sourds et aveugles ;
  74. Qui disent : Seigneur, accorde-nous, dans nos épouses et dans nos enfants, un sujet de joie, et fais que nous marchions à la tête de ceux qui craignent ;
  75. Ceux-là auront pour récompensé les lieux élevés du paradis, parce qu’ils ont persévéré, et ils y trouveront le salut et la paix.
  76. Ils y séjourneront éternellement. Quelle belle retraite ! quel beau séjour !
  77. Dis : Dieu se soucie bien peu de vos prières, vous qui avez déjà traité son apôtre d’imposteur. Mais le supplice permanent vous atteindra.
  1. Alforkan, ou la distinction, est un des noms du Koran. Voy. note 1, page 13.
  2. Mordre le revers, le dos de sa main, est chez les Orientaux un signe de dépit et de désespoir. Ce passage peut tout simplement s’appliquer au dénouaient réservé aux infidèles le jour du jugement dernier ; les mots des versets précédents le font entendre assez clairement. Les commentateurs rattachent cependant les paroles des versets 29, 30, 31, à un fait particulier. Un Mecquois idolâtre, nommé Okba, invita un jour Mahomet à un repas ; le prophète ne voulut accepter l’invitation qu’à condition qu’Okba embrasserait l’islam. Celui-ci le fit, et Mahomet mangea avec le nouveau converti. Peu de temps après, Okba eut à essuyer des reproches amers sur son apostasie de la part d’un de ses amis. Okba allégua pour excuse que c’était seulement pour décider Mahomet à manger avec lui qu’il avait embrassé l’islam. Là-dessus l’autre engagea Okba à insulter le prophète en public, et à lui cracher au visage. Okba suivit ce conseil ; celle insulte lui attira la menace de Mahomet. Quelque temps après, Okba, tombé au pouvoir de Mahomet, fut tué par Ali. Le verset 30 semble faire allusion aux instigateurs de l’ami. Comme nous l’avons dit tout à l’heure, les versets 27, 38, 29, n’ont qu’un sens général applicable au jour du jugement ; mais, pendant les prédications de Mahomet, ses auditeurs croyaient trouver dans ses paroles des allusions à tel ou tel fait particulier dont on s’entretenait alors.
  3. On n’est pas d’accord sur la position de l’endroit désigné par Rass : les uns le placent dans le Yémama, d’autres dans le Hadramaut, d’autres enfin près d’Antioche. Rass veut dire aussi puits, citerne. Comme la signification de ce mot n’est pas bien établie, il vaut mieux traduire le mot arabe ashab par hommes de… que par habitants de..
  4. C’est Sodome, qui se trouvait sur la route de Syrie.
  5. Selon les uns, Mahomet aurait voulu parler ici des eaux du Tigre, qui, même après s’être jetées dans la mer, conservent leur goût jusqu’à la distance de plusieurs lieues, sans se mêler aux eaux salées de la mer.
  6. Voy. chap. XIII, 29, note.
  7. Le flambeau veut dire ici le soleil
  8. Par les ignorants, on entend ici les idolâtres.
  9. Cette réserve, qui se rencontre plusieurs fois dans le Koran, est une sorte d’autorisation à appliquer la peine de mort aux criminels.