Le Conseiller des femmes/05/02

SALON LYONNAIS.
(2e article)

M. GROS-CLAUDE.

M. Gros-Claude qui excellait autrefois à peindre les misères et les infirmités de notre pauvre humanité, qui se plaisait à rendre la nature sous ses aspects les plus hideux, en abordant aujourd’hui un genre plus gracieux, est devenu un manièriste agréable ; il use de toutes les ressources de la pose ; il tourne, contourne des modèles quelquefois jusqu’à l’affectation, et est assez malheureux pour rappeler les souvenirs, les regrets, etc. de M. Dubuffe. Des tons frais, de la grâce dans la touche, donnent à ses tableaux cette vogue qu’obtient, ce qu’entre artistes on nomme de la peinture pour le bourgeois : la foule est toujours devant ses sœurs de lait.

M. Guindrand.

Nous connaissions déjà la plupart des tableaux que M. Guindrand a exposés, et nous n’avions pas attendu d’en voir de nouveaux pour rendre justice à son beau talent ; des contrastes pleins d’effet, des traits hardis et vigoureux, sont pour M. Guindrand choses d’habitude, mais c’est surtout dans ses dernières productions, qu’il faut admirer cet art de créer pour les arrières plans, une véritable atmosphère tantôt sombre, vaporeuse, tantôt animée par un rayon du soleil lui-même. On dirait qu’il a inventé un coloris particulier à son style, tant les nuances de son ciel, de ses eaux, de ses terrains, se marient harmonieusement avec tous les accessoires de ses tableaux, mais malheureusement, ces coloris qui donnent la pensée et le sentiment au dessin, deviennent entre les mains de M. Guindrand, des armes qu’il tourne contre lui-même ; semblable à Walter-Scott qui faisait des romans plus vrais que l’histoire, il veut faire plus vrai que nature ; le ciel de son Champ de blé, par exemple, est d’un bleu qui n’appartient à aucun climat, et l’ocre pur, qu’il emploie trop fréquemment, donne à quelques-uns de ses terrains une teinte glaise par trop uniforme.

Son Coup de vent dans la campagne de Rome, est d’un bon effet, et se ressent de ses souvenirs d’Italie ; son ciel est bien méridional, quoique son nuage nous semble un peu plaqué. Sa vue du Mont-Blanc, est pleine de jour et d’air ; le vent passe sous ces arbres, on sent la fraîcheur de l’air qui purifie l’atmosphère ; mais on craint qu’il n’y ait plus de manière que d’inspiration dans les premiers plans. Nous demanderons aussi à M. Guindrand comment après avoir fait l’eau du premier plan de sa Forge d’Allevard, il a pû faire celle qui coule sous le pont, si lourde et si épaisse ? Du reste son dessin fini et correct lui assigne une trop haute place, pour qu’il se formalise de nos remarques, qui sont moins des critiques de journaliste que des observations tout artistiques.

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