Le Conseiller des femmes/02/03

PREMIER AGE.

CONSIDÉRATIONS
SUR
LES CAUSES DE MALADIE ET DE MORT DES ENFANS NOURRIS DANS LES VILLES ;

Nécessité d’un air pur et vif pour le temps de l’allaitement

Il est un fait que nul ne conteste, parce qu’il repose sur une vérité irrécusable : c’est que des enfans nés dans les grandes villes, plus d’un tiers meurent avant d’avoir atteint l’âge de deux ans, et la moitié celui de huit. À quoi cela tient-il ?

On a essayé, avec beaucoup d’habileté, d’expliquer la cause d’un si déplorable résultat en l’attribuant au changement qu’éprouve la constitution après la naissance ; mais ce changement est dans la nature, les animaux l’éprouvent comme nous, et dans aucune espèce il n’a rien d’alarmant pour eux. Beaucoup de raisons ont été avancées sur l’extrême délicatesse du corps durant les premières années de l’enfance. Une seule observation suffirait pour renverser ce raisonnement ; c’est que chez les sauvages où l’instinct naturel sert de règle, la variété des maux et le nombre des morts ne peut entrer en comparaison avec ceux des peuples civilisés. En Angleterre, telle est l’inattention des basses classes, que, quelque soit le nombre des victimes, l’on regarde encore comme un miracle que tant d’enfans du premier âge, survivent à ce premier période de la vie. Est-ce donc que les mères anglaises manquent de tendresse pour leurs enfans ? À Dieu ne plaise que nous en ayons la pensée, les préjugés, l’ignorance, voilà les causes de tant d’erreurs. Beaucoup de parens qui n’ont pas la moindre idée de ce qui peut être salutaire ou nuisible à la santé, laissent par imprévoyance périr les plus chers objets de leur affection. Ce fait nous semble déplorable, et quoique ce soit se risquer beaucoup que d’attaquer ainsi des usages établis par le temps et l’habitude, il y a trop de plaisir à plaider la cause de l’humanité, pour que nous craignions de nous en imposer la tâche.

Déjà les hommes de l’art, en quelque sorte responsables des maux qui nous affligent, ont senti la nécessité de corriger les erreurs, de surmonter les préjugés des mères et des nourrices ; espérons que leur influence préviendra les suites funestes de tant d’actes imprévoyans !

Quoique les enfans soient sujets à un grand nombre de maladies particulières à leur jeune âge, d’habiles observateurs pensent qu’ils ont la force de surmonter le mal à un bien plus haut degré que les adultes : aussi disent-ils qu’on ne doit désespérer d’eux que lorsqu’ils ont cessé de respirer.

La plupart des maux qui troublent notre existence, en avançant en âge, peuvent, en général, être attribués aux coutumes pernicieuses employées pendant l’allaitement. Peu de personnes atteignent l’âge mûr sans avoir quelque raison de déplorer l’influence des habitudes qui, dès leur naissance, ont servi de préparation aux vicissitudes d’une vie languissante et d’une vieillesse prématurée.

C’est à l’inexpérience des éducatrices de l’enfance que sont dus tant d’êtres inutiles à la société et à charge à eux-mêmes. Notre constitution et notre bonheur de toujours sont liés à nos premières années ; c’est donc aux mères que doivent s’adresser nos conseils : nous ne les leur épargnerons pas !

Ce que nous avons traité aujourd’hui d’une manière rapide, sera successivement examiné dans les moindres détails, et dans un ordre tel que chacun puisse le comprendre, en choisir l’enchaînement et le faire tourner au profit de son bonheur. Si l’on considère combien de familles respectables sont condamnées à d’éternels regrets par la perte d’un enfant chéri, on trouvera que l’attention la plus rigoureuse mérite d’être donnée au développement des facultés de la première enfance. Les mères surtout nous sauront gré des soins constans que nous mettrons à leur rendre facile la tâche qu’elles ont à remplir. Leur intérêt est notre plus cher bien ; puissent-elles toutes le comprendre !

Louise Amon