Le Chemin des ombres heureuses/Phryx

Édition du Mercure de France (p. 74).

PHRYX


Des flatteurs ou des fous ont crié aux esclaves
que l’homme à l’homme était égal.
Il s’est trouvé des dupes et des fous pour les croire.
À quoi m’aurait servi de secouer ma chaîne ?
elle flotte invisible partout autour de moi.
Né sous le ciel d’Afrique j’ai la laideur des nègres,
et mon maître est si beau qu’à le voir
les vierges pâlissent et défaillent d’émoi.
J’ai la pensée pesante et lente ; mon maître
a l’esprit prompt et souple comme une aile.
Mais allez demander aux esclaves mes frères
lequel est mon rival lorsque dans une lutte
je serre sur l’un d’eux l’étau de mes bras nus.