Le Chemin des ombres heureuses/Charito et Périmède

Édition du Mercure de France (p. 72-73).

CHARITO ET PÉRIMÈDE


Passant, toi qui seras ce que nous sommes,
garde-toi de hausser les épaules
en nous voyant ensemble ensevelis.
Charito descendit sous terre la première,
et plus tard Périmède a pris place auprès d’elle
comme il le lui avait promis.

Nous ne pouvons te dire si nos ombres amies
se sont restées fidèles,
si tendrement elles sont réunies
dans un songe sans fin comme nous le rêvions,
mais pense à toi, nous t’en prions.

Si un lieu te fut cher, choisis-le pour ton ombre,
si jamais tu aimas, demande que la tombe
te rapproche de ton amour.
Nous t’entendons répondre sur un mode moqueur
que peu t’importe ta dépouille
et qu’on peut l’enfouir ici ou bien ailleurs,
garder dans une urne ta cendre
ou bien la disperser au vent.
Es-tu donc si imprévoyant ?
Après tant d’égoïsme, pourquoi, sous le prétexte
que le sang cessera de gonfler tes artères,
te désintéresser tout soudain de ton sort ?
et crois-tu donc savoir ce que c’est que la mort ?

Écoute encore avant de nous quitter.
Peut-être nous sommes-nous trompés,
mais notre joie, dont tu doutes, est possible
Pense quel deuil serait le nôtre
si nous devions par notre faute
subir l’éternité d’un mutuel exil.