Le Chemin des ombres heureuses/Mélissias et Mésomède

Édition du Mercure de France (p. 61-62).

MÉLISSIAS ET MÉSOMÈDE


MÉSOMÈDE

Tandis que nous vivons notre belle jeunesse,
crois-tu que chaque instant nous éloigne un peu d’elle ?

MÉLISSIAS

Crois-tu qu’un jour viendra où nos yeux attristés
ne nous verront plus tels que nous avons été ?

MÉSOMÈDE

Y aura-t-il une heure où la voix de la foule
nous nommera vieillards ? et que répondrons-nous ?

MÉLISSIAS

Vieillards ? ce mot, pourrons-nous le comprendre,
nous qui aurons vieilli ensemble ?

Ainsi parlions-nous quand notre amour timide
tremblait au seuil de l’avenir,
comme au bord du nid s’effarouche
l’oiselet penché sur le gouffre.
Depuis, nous avons longtemps marché côte à côte ;
nos cheveux ont quitté l’éclat des blonds maïs
pour la blancheur nacrée du plumage des cygnes,
mais nous n’avons pas vu cette métamorphose
et nous étions très jeunes quand nous avons péri.