Le Chemin des ombres heureuses/Mégistoclès
MÉGISTOCLÈS
Sous les bosquets de laurier rose
les poètes de mon époque
promenaient une Muse
que son visage enduit de fard et de céruse
rendait la sœur des vieilles courtisanes.
Elle avait de précieuses robes,
des brodequins brodés, des pierres et des bagues ;
des colliers tombaient sur sa gorge,
des serpents d’or s’enroulaient à ses bras,
et ses cheveux au faux éclat
étaient fermés dans un réseau de pourpre.
Telle, elle était louée de tous.
Je suis venu
avec ma Muse toute nue ;
elle ne portait pas d’inutile ornement,
son sein se refusait aux bandelettes,
elle avait la peau fraîche et les cheveux au vent.
La foule s’est moquée de ce nouveau poète,
mais j’ai refusé de lui plaire.
Je n’ai pas teint les joues de ma Muse
à la couleur d’un artifice,
et j’ai offert sa beauté sans parure,
sans lourd joyau, sans tissu rare.
Passant, si j’eus raison, pends à ce cippe
une guirlande de feuillage.