Texte établi par Bibliothèque d'éducation et de récréation, J. Hetzel et Cie (p. 62-78).

VI

Un soir, nous étions rentrés de la promenade plus tôt que de coutume. Le jardin était vide, l’observatoire de Zaféri désert. L’idée nous vint de chercher Marguerite et de passer avec elle les quelques moments de liberté qui nous séparaient du repas du soir. Nous montons dans la chambre, personne. Nous l’appelons, pas de réponse.

Nous allions nous résigner à notre isolement, quand, au sortir de la maison, il me sembla apercevoir sous un massif de lilas un bout de robe blanche, à peine visible dans la mêlée des feuilles. VI

L’ARMOIRE ÉTAIT AU PILLAGE.

Le massif en question s’élevait vis-à-vis des croisées de la salle à manger du rez-de-chaussée. La fenêtre, de plain-pied avec le sol, était grande ouverte, si bien qu’un observateur, caché derrière les branches, était à même de voir ce qui s’y passait, sans courir le risque d’être aperçu lui-même.

Marguerite avait évidemment entendu nos appels ; pourquoi ce parti pris de ne pas répondre et cette immobilité mystérieuse ?

Je mis un doigt sur ma bouche ; Maurice avait compris. Nous marchons sur la pointe du pied, et, à force de précautions, nous arrivons à nous glisser sous les branches, sans avoir froissé une herbe ou fait crier un caillou.

C’était bien Marguerite que nous avions devant nous, Marguerite blottie dans les feuilles, la tête penchée en avant, une main en abat-jour devant ses yeux, tandis que de l’autre elle se retenait au tronc de l’arbuste.

Je suivis la direction de son regard, et un cri de surprise faillit m’échapper.

Je venais, en effet, d’apercevoir au fond de la chambre, debout devant l’armoire aux provisions, la silhouette caractéristique du bohémien. L’armoire était au pillage ; les doigts de Zaféri, agiles comme des doigts de singe, allaient et venaient des rayons aux poches de sa blouse. L’opération s’accomplissait avec une dextérité qui dénotait une main exercée. Il n’y avait plus à en douter, le protégé de Marguerite était un voleur et un gourmand.

À en juger par les précautions prises, le coupable ne devait pas en être à ses débuts. Il avait entre-bâillé la porte qui donnait sur le corridor, de façon à se ménager, en cas d’alarme, une retraite immédiate. Aucun objet n’avait été dérangé de sa place ; il poussait la prévoyance jusqu’à rétablir la symétrie des pyramides de biscuits, qui diminuaient de hauteur, mais dont l’architecture restait ainsi la même. Après avoir fait une trouée dans les assiettes de bonbons, il leur rendait leur forme première. Toutefois, les grands criminels eux-mêmes ayant leurs distractions, il n’est pas étonnant que les petits ne songent pas à tout. Zaféri avait craint de donner l’éveil en fermant la fenêtre : il avait dû se dire que le massif de lilas formait un rideau suffisamment épais, et la justice du ciel avait voulu que ce massif-là, précisément, devînt l’instrument de sa confusion.

En attendant, comme il connaissait la valeur du temps, il se hâtait d’en finir. Déjà sa main poussait le battant de l’armoire : il n’y avait plus à remettre en place que le grand sucrier de porcelaine, où ce larron sans scrupules avait dérobé deux ou trois morceaux choisis parmi les plus gros. Comme il allongeait le bras, la voix de Marguerite rompit tout à coup le silence.

« Oh ! Zaféri ! est-ce donc là ce que tu m’avais promis ?… »

Elle n’en dit pas davantage ; mais la trompette du jugement dernier n’eût pas produit plus d’effet que ces simples paroles. Zaféri pirouetta sur lui-même dans la direction d’où venait la voix. Un tressaillement agita tout son corps, et le sucrier, s’échappant de ses mains, vint se briser avec fracas sur le plancher.

« C’est la troisième fois, reprit Marguerite, qui s’était rapprochée de la fenêtre et qui se montrait ainsi à découvert ; je t’avais dit pourtant que je ne pardonnerais plus !… »

Qu’allait-il répondre ? Au risque de me trahir, j’avançai la tête à mon tour.

Ce que je vis alors ne saurait être décrit. En un clin d’œil, avec une rapidité qui tenait du prodige, le bohémien eut vidé sur la table le contenu de ses poches. Les biscuits, les amandes, les noix sèches, les morceaux de sucre, les pralines, pleuvaient pêle-mêle avec un bruit sec. Tout cela ne lui demanda qu’un instant. Le dernier fruit de son butin n’avait pas achevé de tomber que, sans prononcer un mot, sans lever les yeux, Zaféri ouvrit la porte et disparut. J’entendis le bruit pressé de ses pas sur les dalles du corridor, je vis son ombre filer comme une flèche vers la porte du jardin qui confinait à la ferme, et se perdre derrière les étables.

Avant que Marguerite fût revenue de sa stupéfaction, nos yeux s’étaient rencontrés.

« Vous avez tout entendu ? dit-elle.

— Tout ! m’écriai-je avec indignation. Je comprends maintenant ton silence de l’autre jour ; mais ce n’est pas moi qui me tairai ! Père saura tout, et dès ce soir !… »

Mon père nous avait élevés dans l’horreur de ce qui est mensonge et dissimulation. De penser que cet enfant, si cordialement accueilli, poussait l’ingratitude jusqu’à voler ses bienfaiteurs, cela me paraissait un crime véritablement indigne d’excuse et de pardon. Marguerite cependant continuait de garder le silence.

« Est-ce qu’on ne lui aurait pas donné des biscuits et des amandes, et du sucre, s’il avait pris seulement la peine d’ouvrir la bouche pour en demander ? Non, non, mon père ne nous pardonnerait jamais de lui avoir caché ce que nous avons vu. »

À mesure que je parlais, une vive rougeur envahissait les joues de Marguerite. Elle me prit les mains, et les serrant dans les siennes :

« Je t’en prie, Édouard, ne fais pas cela ! Et toi, mon cher petit Maurice, ne l’écoute pas ! Vous savez bien comme père est entier dans ses colères : laissez-moi le préparer, au moins. »

Mais, tout entier à mon idée fixe, je n’entendais rien.

« Et la clef ! m’écriai-je, comme frappé d’une pensée subite, la clef de l’armoire, que tu ne laisses jamais dans la serrure ! »

Comme Marguerite ne répondait pas, je plongeai rapidement la main dans une des poches de son tablier, et j’en retirai le trousseau de clefs.

« Tiens, tu vois bien ? Vas-tu prendre encore sa défense maintenant ? »

Marguerite baissa la tête. L’argument était sans réplique. Pour que Zaféri eût trouvé moyen d’ouvrir l’armoire quand la clef n’avait pas quitté la poche de Marguerite, il fallait qu’il fût un scélérat de profession. Tous les crimes à la fois ; l’effraction annonçant et préparant le vol !

Je croyais la cause entendue ; mais Marguerite avait repris contenance, et, d’une voix qui me frappa par son accent de fermeté :

« Laisse-moi parler, dit-elle, et si après cela tu ne veux rien entendre, c’est que tu te feras plus méchant que tu n’es… »

Je voulus l’interrompre.

« Oui, méchant ! reprit-elle avec une vivacité croissante. A-t-il été élevé comme nous ?… On lui a appris à voler, à marauder, à faire du bien des autres le sien ; il suit les exemples qu’il a eus sous les yeux !… Est-ce que ce n’est pas mon droit maintenant de chercher à le rendre meilleur à ma manière ? Que dirais-tu s’il se sauvait de nouveau dans les bois ? Eh bien, je t’avertis que, quand on le traite durement, il est capable de tout. Laisse-moi le temps de lui faire entendre raison, avant que la sévérité de notre père s’en mêle. Je te réponds bien que tu ne seras pas grondé : je me chargerai toute seule de dire que c’est ma faute et que tu n’y es pour rien. »

Le discours de Marguerite m’avait remué. Habitué à lui céder en tous points, je cherchais ma colère et je ne la trouvais plus. Ce bambin de Maurice lui-même avait compris qu’il ne s’agissait pas de rire, et ses yeux brillants ne quittaient plus le visage de sa sœur.

« C’est dit, n’est-ce pas ? » ajouta-t-elle après un silence.

Et, me sautant au cou pour m’éviter l’embarras d’une réponse, elle m’embrassa.

« Là, plains-toi maintenant ! Et là-dessus plus un mot. Voici père qui vient. »

C’est ainsi qu’un contrat de mutuel silence fut conclu de part et d’autre. Mes engagements étaient sincères, ceux de Maurice ne l’étaient pas moins ; mais, hélas ! promettre et tenir sont deux.

Mon père avait coutume, chaque soir, avant l’heure du coucher, de nous lire à haute voix ou de nous raconter une histoire instructive, et nous étions autorisés à l’interrompre quand un passage obscur nécessitait une explication. Peu de jours après la scène de la salle à manger, nous étions réunis autour de la lampe. Le sujet du récit était l’aventure de la Pie voleuse, et Maurice avait demandé des éclaircissements que la science de Marguerite s’était empressée de lui donner.

Les histoires qui ont cours sur ce chapitre, elle les avait contées gaiement, expliquant avec force détails la singulière manie de cet oiseau d’emporter dans son nid des objets de toute nature, de telle façon que les gens frustrés de leur bien ne savent qui accuser.

« Juge donc, Maurice, un voleur qui a des ailes ne se laisse pas prendre facilement. Bien des innocents pâtissent avant qu’on songe au vrai coupable. As-tu compris ? »

Le malheur voulut qu’au lieu de répondre oui, purement et simplement, Maurice, par un retour involontaire sur l’aventure de Zaféri, s’écria étourdiment :

« Tout de même, on aurait bien su que ce n’est pas une pie qui aurait cassé le sucrier ! »

Le mot n’était pas lâché que Maurice s’en était repenti. Il était devenu rouge comme une cerise. Le moyen de se tirer de là ! Cette malheureuse phrase était pour mon père aussi inintelligible que du chinois ; à moins de s’embarquer dans des inventions impossibles, une franche confession était nécessaire pour répondre à la question qu’il ne manqua pas d’adresser à Maurice.

Marguerite se résigna donc à un aveu sans détour, usant d’ingénieuses précautions pour présenter l’affaire sous le meilleur jour possible.

Nous nous attendions à une tempête ; ce ne fut qu’une bourrasque. La franchise de Marguerite avait à demi désarmé la colère paternelle, et ce petit avocat tint ferme jusqu’au bout.

« Ce qui est passé est passé, dit-elle. Tu me l’as dit toi-même dernièrement, on ne change pas du tout au tout en un jour. Je suis sûre que Zaféri, dans quelques mois, rougira de ses mauvaises habitudes, et que l’année ne se passera pas…

— L’année ! Comme tu y vas ! s’écria mon père. Je te réponds bien, par exemple, que si le chenapan s’avise de recommencer, je lui ferai perdre le goût de ces expéditions-là. »

Grâce à l’équipée de Maurice, il s’agissait de faire bonne garde maintenant. J’avais fini par me mettre de moitié dans le sentiment de compassion que le sort de ce paria inspirait à Marguerite. Avec la pente naturelle des enfants à grossir toute chose, je tremblais à l’idée que nous pouvions d’un jour à l’autre découvrir une faute nouvelle qui, dans ma pensée, pouvait être frappée d’un châtiment exemplaire, et qui sait ? suivie d’une expulsion sans pitié.

La semonce de Marguerite avait-elle porté ses fruits ? Je ne sais ; mais il se passa bien quinze ou vingt jours sans que la conduite du bohémien éveillât le plus léger soupçon. Nous n’en étions pas plus rassurés pour cela, et le réveil n’arriva que trop tôt.

Ce jour-là, nous venions précisément de parler de lui ; nous allions nous mettre à sa recherche, quand l’éclat soudain d’une voix irritée parvint à nos oreilles. Ces rumeurs venaient du côté de la Montagne-Rouge ; c’étaient des exclamations vibrantes, qui se succédaient à de courts intervalles, entrecoupées par un silence inquiétant. Il n’y avait que mon père pour remplir ainsi le jardin du bruit de sa voix ; sa colère devait être terrible.

Nous nous mettons à courir comme des fous ; mais nous eûmes beau courir, Maurice et moi, Marguerite courait plus vite encore.

Nous arrivons hors d’haleine, et voici ce que nous voyons :

Debout, appuyé contre le tronc d’un énorme noyer, la tête haute, les bras croisés sur sa maigre poitrine, le bohémien regardait mon père en face, sans trembler, sans un mouvement qui annonçât l’intention de fuir. Jusqu’à ce moment, mon père n’avait pas ajouté l’action aux paroles ; mais il était facile de voir qu’il ne se contenait plus. L’attitude de provocation hautaine de Zaféri, ces yeux qui ne s’abaissaient pas, avaient fini par le mettre hors de lui.

Que s’était-il donc passé ? Hélas ! le crime de Zaféri était de tous ceux qu’il pouvait commettre celui qui devait nous affliger le plus. Ce noyer abritait depuis le printemps un nid de chardonnerets, que tout notre monde connaissait et respectait. Le bohémien en avait eu envie ; il avait grimpé comme un singe jusqu’au haut de la dernière branche, et, non content de s’emparer du nid et des petits qu’il contenait, il avait poussé la cruauté jusqu’à tendre un piége au père et à la mère, dans lequel l’un et l’autre avaient donné.

Le nid était là, à ses pieds, dans l’herbe, les petits éparpillés tout autour ; un peu plus loin, nous apercevions les pauvres corps inanimés des vieux chardonnerets, que, dans un mouvement de dépit de s’être laissé surprendre, Zaféri avait étouffés.

Pour un autre méfait, mon père eût peut-être été capable d’indulgence. Mais ce qui de tout temps l’avait indigné, c’était la méchanceté sans excuse, le plaisir de faire le mal pour le mal. Attacher une casserole à la queue d’un chien ou d’un chat, ce sont des méchancetés auxquelles beaucoup d’enfants n’attachent pas d’importance, mais dont sa sévérité prévoyante nous avait guéris de bonne heure. Ce que Zaféri venait de faire était bien pire encore.

Notre père n’avait-il point d’ailleurs, un mois auparavant, prévenu Zaféri de ce qui l’attendait s’il s’avisait encore de tendre des piéges aux oiseaux ? Ainsi le mépris des ordres reçus aggravait la cruelle action du bohémien.

Telles étaient les réflexions qui s’agitaient dans ma tête. J’avais à peine eu le temps de me les formuler, que mon père, exaspéré par la contenance du bohémien, levait sa canne sur lui.

Un cri l’arrêta, un cri soudain et perçant ; Marguerite, les bras étendus, se jetait entre le coupable et son juge.

« Non ! non ! criait-elle, ne le bats pas, père, je t’en prie ! je t’en supplie… Il l’a mérité, oui, et pourtant, non, ne le bats pas ! »

À tout autre moment, la voix de Marguerite eût été écoutée ; mais il était clair que mon père ne voulait rien entendre.

« Laisse-moi, dit-il avec fermeté, je n’écoute rien aujourd’hui. »

Il l’avait prise par le bras avec l’intention de l’écarter doucement. Mais Marguerite, cramponnée à ses habits et en proie à une émotion extraordinaire, redoublait ses supplications.

Cependant mon père avait réussi à écarter Marguerite de son chemin. Voyant sa cause perdue, notre petite sœur lâcha prise ; ses bras retombèrent le long de son corps, et, sans dire un mot de plus, elle s’affaissa dans l’herbe et un déluge de pleurs sortit de ses yeux.

Cette fois, mon père s’arrêta tout de bon. Il voulut l’interroger. Marguerite était hors d’état de lui répondre, de grosses larmes coulaient le long de ses joues.

Mon père se retourna :

« Va-t’en ! cria-t-il tout à coup au bohémien, dont les yeux fixes suivaient cette scène, et qui n’avait pas bougé. Va-t’en vite ! » répéta-t-il d’une voix plus forte, accompagnée d’un geste de menace.

Zaféri quitta le tronc de l’arbre et s’éloigna lentement, de son pas habituel, comme s’il eût voulu montrer que, même en un pareil moment, les menaces n’avaient aucune prise sur lui.

« Le voilà parti, Marguerite. Et maintenant, ajouta-t-il en lui prenant la main, vas-tu me dire le secret de tout ceci ? Peut-on se mettre ainsi le sang à l’envers pour un drôle de cette espèce !… Crois-tu donc que je l’aurais tué ? »

Marguerite essaya de sourire ; elle se releva et fit en chancelant le bout du chemin qui nous séparait de la véranda. Voyant sa faiblesse, mon père la soutenait de la main.

« Là, dit-il en s’asseyant sur un banc et en la prenant sur ses genoux, j’espère que nous allons avoir une confession complète ? C’est bien fini ? On ne pleure plus ? Faut-il souffler sur ces yeux, dis, pour achever de les sécher tout à fait ? »

Il parlait avec tant de bonté que Marguerite, n’y tenant plus, prit enfin sur elle de lever les yeux.

« C’est vrai, dit-elle, je ne suis pas raisonnable ; mais sais-tu pourquoi j’ai eu une telle peur de le voir battre par toi ? C’est que je ne voulais pas qu’il pût se dire : Les miens m’ont battu pour une grange brûlée ; ici, on me bat pour un oiseau… Les enfants qui n’ont plus de mère, on les bat partout. Il pense à sa mère bien souvent, lui aussi. Quand je veux obtenir de lui quelque chose, c’est son souvenir que j’invoque… »

Mon père, pour toute réponse, l’embrassa tendrement.

« Elle devait être bonne, sa mère, continua Marguerite. Ce n’était pas une bohémienne ; il me l’a dit plus d’une fois et avec une sorte de fierté : « Ma mère ne se plaignait jamais. » Si tu l’avais battu, il se serait laissé frapper jusqu’au sang plutôt que de demander pardon. Et après il se serait enfui, comme il l’a fait le jour où les bohémiens l’ont si fort maltraité. Ce qu’il a fait est affreux ; je n’ai pas envie de le défendre sur ce point, tu le sais bien, et cependant je ne crois pas que le fond soit mauvais. Mais, tu l’as dit, c’est un sauvage. Une fois parti, il serait capable de se laisser mourir de faim dans un coin de la forêt !…

— Ah çà, lui dit mon père, de ce qu’on est sauvage, on aurait donc droit à plus de privilége que les civilisés ? Ainsi, selon toi, les taloches sont bonnes pour tes galopins de frères ; mais au bohémien, une chiquenaude, et ce serait trop !…

— Oh ! père, répondit Marguerite, une chiquenaude, ça ne se donne pas avec les cannes, avec une grosse et lourde canne comme la tienne… Tu ris, donc je n’ai pas tout à fait tort.

— Raison ou tort, je sais que c’est ton trop bon cœur qui parle, ma pauvre Marguerite, et cela suffit. Je voudrais que ta mère fût là, pour reconnaître jusqu’à ses défauts dans la petite fille qu’elle m’a laissée.

— Elle y est, père. Ceux qui ne sont plus là sont partout. »

La voix de mon père s’était troublée, et une muette étreinte termina l’entretien.

Voilà comment Marguerite gagna la première manche de son procès. Avait-elle été bien inspirée en plaidant quand même, au profit de ce petit malheureux, la cause de l’indulgence et du pardon ? C’est ce que la suite de cette histoire se chargera de vous apprendre.