Le Cahier rouge de Lucile Desmoulins/Texte entier

Le Cahier rouge de Lucile Desmoulins
publié par Georges Lecocq
Librairie Raphaël Simon.

TABLE DES MATIÈRES

(ne fait pas partie de l’ouvrage original)

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LE CAHIER ROUGE DE LUCILE DESMOULINS.

Au nombre des plus belles et des plus touchantes figures de la Révolution Française, parmi celles qui éclairent même les jours sombres du rayonnement de leur grâce et de leur patriotisme, au milieu de tant d’autres et au-dessus de beaucoup d’autres, nous apercevons Lucile Duplessis, la femme adorée et adorable de Camille Desmoulins.

On a souvent parlé d’elle, ou pour être plus exact, parlé d’eux, car les deux époux sont inséparables dans l’histoire ; M. Claretie leur a consacré un volume remarquable après lequel il semble que rien ne puisse être dit. Ils sont, cependant, si intéressants ; les documents qui les concernent sont en quantité relativement si considérable que les travaux devront se succéder longtemps encore avant d’avoir épuisé la légitime curiosité du public et la mine si riche des matériaux que le temps et les fureurs politiques ont épargnés.

Qu’il nous soit permis de lire avec une respectueuse piété les notes écrites au courant de la plume, de parcourir les feuilles sur lesquelles la pensée intime était, aussitôt traduite qu’éclose, en un mot ces Reliquiæ qui nous font entrer un instant dans la vie même de ceux dont nous nous occupons.

Les manuscrits que nous avons pu recueillir nous fourniront l’occasion de plus d’une publication du genre de celle-ci. Nous commençons aujourd’hui par le Cahier rouge de Lucile Desmoulins. Ce cahier n’est pas absolument inédit, M. Claretie en a donné plusieurs pièces ; le voici dans son entier, mais avant il est bon de le décrire et de rectifier à ce sujet l’historien de Camille.

En effet, voici comment M. Claretie nous le présente : « Ce petit cahier — haut de douze centimètres et large de huit centimètres ; cartonné de carton rouge et contenant vingt-deux feuillets d’un papier solide, rugueux et jauni, dont treize seulement sont couverts de l’écriture de Lucile, — ce cahier de jeune fille contient des vers composés en l’honneur de Mademoiselle Duplessis ou copiés par elle sur des recueils qui paraissaient alors. À la première page, le baron de Girardot, à qui ce document unique appartenait, a tracé cette indication :

« Cahier écrit de la main de Lucile Duplessis,
« femme de Camille Desmoulins
« m’a été donné par la sœur de Lucile, en 1834, à Paris.
« B. de Girardot. »

« Il est aujourd’hui la propriété de M. de Lescure qui a bien voulu nous le communiquer[1]. »

Ce cahier contient non pas 22 mais 40 feuillets, dont plusieurs ne sont pas coupés. Vingt sont couverts de l’écriture de Lucile, quinze seulement sont numérotés.

Outre la mention de la première page, M. de Girardot avait ajouté ou plutôt répété à la seconde page :

« ce cahier contient diverses
« poésies écrites par
« Lucile Duplessis femme
« de Camille Desmoulins
« m’a été donné par
« mademoiselle Duplessis
« sœur de Lucile, en 1834. »

Nous ne pensons pas que le baron de Girardot se soit dessaisi de ce document, en tout cas il le possédait encore il y a quelques mois car, au catalogue de la vente d’autographes composant sa collection (13 et 14 juin 1879), nous le retrouvons sous le no 268. Il nous a été cédé par M. Étienne Charavay qui s’en était rendu acquéreur à cette vente.

Ceci dit en ce qui touche la matérialité du recueil, arrivons aux poésies qu’il contient. Elles nous font connaître « les pensées de Lucile, à la veille et au lendemain de son mariage. Lorsqu’elle commença à y noter les vers qui la frappaient ou lui plaisaient, elle était évidemment déjà éprise de Camille. Amour contrarié, car M. Duplessis le père n’avait pas vu d’un œil très-favorable naître et grandir l’amour de Desmoulins pour sa fille....... Lorsque tout d’abord Camille s’ouvrit à lui sur ses projets, parla doucement, timidement d’union, il se heurta à un refus très-net de M. Duplessis, il put croire à une résolution inflexible. L’amoureux s’éloigna et madame Duplessis fut attristée, Lucile gémit. Et l’expression de cette tristesse, de cette intime douleur, on la retrouve dans les pièces de vers recueillies dans le petit cahier rouge de mademoiselle Duplessis.

« Ce sont là des vers amoureux, attendris, qui tous chantent les malheurs de deux amants séparés par la volonté paternelle. Lucile prend plaisir à les recopier, à les apprendre. Elle leur trouve sans nul doute la saveur âcre de ces mets qui rendent parfois la souffrance plus lancinante et plus cruelle. Celui qui s’appelait le berger Sylvain, Sylvain Maréchal, a rimé pour les amoureux persécutés des romances qui peignaient les tourments de Lucile. Elle les transcrivait donc avec une volupté douloureuse sur son cahier de jeune fille en leur donnant, comme Maréchal, ce titre : Romance historique[2]. »

Mais pourquoi nous attarder, analyser ces pièces de vers tendres et charmantes ; pourquoi reculer le moment où le lecteur va pouvoir les lire ? Laissons donc notre plume au repos, effaçons-nous devant cette aimable et touchante apparition du xviiie siècle et de la Révolution, devant Lucile Desmoulins.


LE TRÉSOR.

ROMANCE HISTORIQUE.
air : Au fond d’une sombre vallée.

Jeunes filles à l’ame tendre,
Vous tous, amis du sentiment,
Venez près de moi pour entendre
Un récit triste mais touchant.
Si mon style n’a point de charme
Et s’il n’est pas semé de fleurs,
Du moins accordés[3] une larme
À ce qui m’a coûte des pleurs.

Sylvandre né dans l’indigence
Gardoit avec soins le troupeau
D’un laboureur que l’oppulence
Rendoit l’honneur de son hameau.
Nice étoit l’unique héritière
De ce laboureur orgueilleux
Et ne s’en montroit pas plus fière.
Sylvandre en devint amoureux.

Il n’osa jamais le lui dire :
On est si timide en aimant !
Mais dans ses yeux il laissa lire
Et sa tendresse et son tourment.

Et voilà que dans le silence
Épris l’un pour l’autre, tous deux
Avec une égale constance
Ont en secret les mêmes feux.

Au moment même où peut-être
Il pleure d’être né sans or,
Dans le domaine de son maître
Sylvandre apperçoit un trésor.
Ivre de joie, à cette vue
Il vole à Nice et lui fait part
De sa richesse innatendue.
Tous deux bénissent le hasart.

Mais après cet instant d’ivresse
Sylvandre, devenu rêveur,
Dit, en tremblant, à sa maîtresse :
« Je suis loin encore du bonheur !
« Quand je devrais être victime
« De mes sentimens délicats,
« Peut-on être heureux par un crime ?
« Ce trésor ne m’appartient pas.

« Nice, dans le champ de ton père
« J’ai trouvé ce riche dépôt :
« Il est à lui. Viens ma bergère.
« Il faut le lui rendre aussitot.
« — Ah, mon ami, de ce service
« Ah, puisse mon père enchanté
« Te destiner la main de Nice
« Pour prix de ta fidélité. »

Voici la réponce du père :
« Fidèle et loyal serviteur,
« Je veux bien doubler ton salaire,
« Mais chasse l’amour de ton cœur.
« Il me faut désormais pour gendre
« Un laboureur riche en moisson :
« Tu n’es que berger. Vas, Sylvandre.
« Retourne vite à tes moutons. »

Sylvandre à sa chaumière obscure
S’en va silencieusement.
À s’abstenire de nouriture
Il s’obstine de ce moment.
Trois jours après, son chien fidèle
Accourt, et par son aboiment
Apprend à Nice la nouvelle
Du trépas de son tendre amant.

De désespoir Nice frappée
Cachant à son père interdit
L’objet dont elle est occupée
D’un ton doux et triste lui dit :
« Laissez-moi de ce berger sage
« Recevoir le dernier soupir. »
Puis, rassemblant tout son courage
Près de Sylvandre alla mourir.

Par le Berger Sylvain.

LE CONTRAT DE MARIAGE PAR DEVANT NATURE.

ROMANCE HISTORIQUE.
(Même air.)

Le jeune Hylas, la jeune Hélène
S’aimaient tous deux également
Et tout en eux servit leur charme ;
Mêmes désirs, même penchant,

Toujours d’accord, jamais se plaindre,
Sans cesse ensemble sans dégout
C’étoient (pour d’un seul trait les peindre)
Les deux motiés du même tout.

La couronne de l’hyménée
Manquait seule à leurs tendres cœurs
Et la guirlande fortunée
N’eût offert jamais plus de fleurs.
Mais leurs familles divisées
Par le culte de leurs ayeux,
Tenant chacune à ses idées,
Mirent un obstacle à leurs vœux.

Au couple fidèle on vint dire :
« Quittez-vous pour ne plus vous voir ;
« D’un Dieu vengeur redoutez l’ire !
« Vous haïr est votre devoir.
« — Quoi nous haïr ! Mais la nature
« Pour nous aimer nous créa tous :
« Peut-elle d’une flamme pure
« Voir les progrès avec courroux. »

En vain nos amans supplièrent :
L’un à l’autre on les arracha.
En vain des larmes ils versèrent :
Du couvent on les menaça.
Après plusieurs mois de misère,
Comme par miracle échappés,
Enfin ils purent se soustraire
À leurs tyrans préoccupés.

« Viens, dit Hylas à son Hélène,
« Suis-moi dans le fond des forêts.
« Abandonnons l’espèce humaine
« Si peu digne de nos respects.
« Leurs lois, faites pour l’imposture,
« Ne nous permet pas d’être époux ;
« Appelons-en à la nature
« Par devant elle unissons-nous. »

Nos deux amans firent voyage
Incognito, d’un pied léger,
Vers une région sauvage
Où les cœurs peuvent s’engager.
Là, sans prêtres et sans notaires,
Sur un autel de gazon frais,
Au milieu d’un bois solitaire
Ils s’unirent à peu de frais.

Leurs travaux et leur industrie
Embelirent ces lieux déserts.
Ils oublièrent leur patrie
Et furent pour eux l’univers.

Vous qu’on persécute à la ville,
Jeunes cœurs, accourez près d’eux ;
Leur toit de chaume sert d’asile
À tous les amans malheureux.

Par le Berger Sylvain.
3e Jour Septembre 1787.

L’ENFANT TROUVÉ.

ROMANCE.
Air : Je l’ai planté.

Dans le sentier qui nous a guidé
Est un enfant abandonné
Errant sans dessin et sans guide ;
Ce jeune enfant parraît bien né.

Il parle une langue étrangère
Mais ces gestes sont éloquens ;
Peut-être a-t-il perdu sa mère ?
Hélas, il est sans vêtement.

« Soulageons les maux qu’il endure ;
Adoptons ce pauvre orphelain
Que nous adresse la nature.
Réchauffons-le dans notre sein. »

Ainsi parla le bon Silvandre
À l’ingénue et tendre Aimé.
Aussitôt tous deux de se rendre
Près de l’enfant non réclamé.

« Ah, qu’il est beau, » dit la bergère ;
Puis, en le prenant par la main :
« Nous n’habitons qu’une chaumière
Mais nous avons un cœur humain. »

À peine au seuil de leur demeure
Un pasteur déjà des plus vieux
Vint leur dire : « Chassez sur l’heure,
Chassez cet hôte dangereux.

Sylvandre, Aimé, qu’allés-vous faire ?
Cet enfant, beau comme le jour,
A fait le malheur de la terre.
Vous allez éberger l’amour.

— Vieillard, ton humeur est chagrine,
Reprit Sylvandre avec ardeur ;
On peut loger dans sa chaumière
Celui qu’on porte dans son cœur. »


LA CHANSSON DU SAULE.

Air : Au pied d’un saule assise.

Frais ornement des prés et des vallons,
Le voyageur t’aime sur son passage.
Bel arbrisseau, sous ton léger feuillage
Le gay pasteur prélude à ses chanssons
Et moi je viens gémir à ton ombrage.

Ô saule, ami fidéle à ton ruisseau,
Complaisamment penché sur son rivage
Chaque printemps, sous un nouveau feuillage,
Du chaud du jour tu préserves son eau,
Et moi je viens languir à ton ombrage.

S’il se trouvait un cœur né pour l’amour
Un berger tendre au maintien doux et sage,
Ô saule ami, prête lui ton feuillage ;
Qu’il vienne ici pendant le chaud du jour
Je viendrai l’aimer à ton ombrage.


Vers

trouvés au pied d’un arbre
sur l’avenue de Bourg la Reine.

Toi qui n’aimas jamais et crains d’aimer un jour,
Jeune ou vieux, fusses-tu l’un des stoïques,
Garde-toi de toucher à ces touches magiques
Ou bien crains pour ton cœur
La touche de l’amour.


LA ROSE ET LE FLAMBEAU.

CHANSON ANACRÉONTIQUE.

L’idée de cette chanson est due à une esquisse de M. Fragonard.

Air à faire.

Lise avoit une rose
De la surveille éclose.

C’était là tout son bien.
De sa fleur printanière,
Lise, contente et fière
Ne désiroit plus rien.

Pour faire voir sa rose
Tout fraîchement éclose
Lise voulut un jour,
Non loin de son village,
Faire un pélérinage
Au Temple de l’Amour.

Sans nulle expérience
Lise arrive et s’avance
Jusqu’au pied de l’autel.
Lise tremblante, émue,
N’ose porter sa vue
Sur le jeune immortel.

Mais l’amour voit la rose
Tout fraîchement éclose
À travers son bandeau.
Sur cette fleur nouvelle
Il jette une étincelle
De son divin flambeau.

La rose est consumée.
Une vaine fumée
Remplace ce trésor…
Depuis cette journée,
Rêveuse et consternée,
Lise gémit encor.

Craignez jeunes bergères
Les ardeurs passagères
De ce dieu porte-bandeau ;
N’approchez pas vos roses
De la surveille écloses
Tout près de son flambeau.


CHANSON[4].

Air : Nymphe de ce bocage.

Humble autel de verdure
Que la sensible Emma
À la bonne nature
De ses mains éleva,
De la mélancolie
Monument précieux
Permets à mon âme attendrie
De t’adresser des vœux.

Dans ce frais sanctuaire,
Sur ce gazon épais,
Quand Emma solitaire
Viendra chercher la paix

De son âme oppressée
Par le poids du malheur,
Chasse toute noire pensée,
Rends le calme à son cœur.

Et toi, fille sensible,
D’Emma, l’unique appui,
À toi seul est possible
De charmer ses ennuis,
Viens souvent la surprendre
Au pied de cet autel,
Souvent verse ton âme tendre
Dans le sein maternel.


COMPLAINTE DE MARIE ANTOINETTE,
REINE DE FRANCE.

Sur l’air de la complainte de Marie Stuart, reine d’Angleterre.

De votre reine infortunée,
François, écoutez les remords ;
À la coupable destinée
Demandez raison de mes torts.

Près de mon palais solitaire,
Autrefois plein de faux amis,
Du peuple j’entends la colère
Il m’accuse et moi je gémis.

À tous les coups mon âme est prête,
Mais où m’entraînent ces bourreaux ?
Où suis-je ? J’entends sur ma tête
Se croiser de fatals ciseaux.

On m’arrache le diadême,
Un voile est posé sur mon front ;
Je vais donc survivre à moi-même !
Non, je mourrai de cet affront.

Ô vous, pastourelles naïves,
Qui portiez envie à mon sort,
Dans quelques romances plaintives
Placez mon nom après ma mort ;

Dites de Marie Antoinette
L’ambition et les malheurs.
J’expire un peu plus satisfaite
Si votre Reine obtient des pleurs.


ROMANCE[5].

Air : La Fête des bonnes gens.

Au sein de nos campagnes
Célébrons la liberté ;
Des vallons aux montagnes
Que ce cri soit répété.

Un petit moment de guerre
Ramène le bon vieux tems ;
Chez nous c’est encore la terre,
La terre des anciens Francs.

Buvons à tasse pleine
À notre divinité,
Chantons à perdre haleine,
Célébrons la liberté !

La dédaigneuse Angleterre
Ne nous croyait que galant.
Chez nous c’est toujours la terre,
La terre des anciens Francs.


AUTRE.

Qui que tu sois, quand tu serais l’Amour
Garde toi de troubler la paix de cet asile,
Respecte ce riant séjour
De l’innocence et de Lucile.


AVEC LES JEUX.

Ô vous Père de la patrie,
Prenez ses couronnes de fleurs
Emblème de vôtre génie.
Nais, hommage de nos cœurs,

Cent fois heureuse d’être née
Pour vivre à l’abri de vos lois.
Dans nos campagnes fortunées
L’âge d’or luit à votre voix.


ROMANCE.

Sur la pente de la colline
Qui borne d’ici l’horizon,
Distinguez-vous cette chaumine
Qu’accompagne un petit donjon ?
Là, dans la paix et le silence,
Là, deux amans, enfin époux,
De leur tendre persévérance
Savourent les fruits les plus doux.

L’histoire en est des plus touchantes.
Vous qui gémissez sous la loi
De durs parents, jeunes amantes,
Approchez-vous, écoutez-moi.
Courageuse autant que fidèle
Cécile ainsi que son amant
Peuvent vous servir de modèle
Pour un semblable errement.

De la nature et de sa mère,
Cécile, élève seulement,
Possédoit une âme trop fière
Pour prendre d’autre enseignement.
Alain, jeune homme bon et sage,
Sut lui plaire sans beaucoup d’art,
Heureux Alain ! Ce fut l’ouvrage
D’un seul moment, d’un seul regard.

Un autre que lui de Cécile
Poursuivait ardemment le cœur.
Dans l’art d’écrire maître habile,
Profond politique, orateur,
Il savait tout hors l’art de plaire.
Novice encore en fait d’amour
Colmat n’avoit pu que du père
Obtenir un tendre retour.

Mais Colmat l’âme satisfaite
Du consentement paternel
Croit sa félicité parfaite
Et déjà pense être à l’autel.
Déjà, dans sa vaste demeure,
Le lit nuptial à grand frais
S’élève ; il n’attend plus que l’heure
De se voir heureux pour jamais.

Le père enfin dit à Cécile :
« Je ne vous donne qu’un moment.
Tout subterfuge est inutile ;
Optez : Colmat ou le couvent.
— Une union mal assortie
Plus qu’un cloître me feroit mal ;
Mieux vaut sortir de la vie
Que d’y traîner un joug fatal. »

Cécile au couvent est menée ;
On l’y reçoit à bras ouvert,
Un peu d’or hâte la journée
Qui doit en priver l’Univers.
Alain sait tout. Cécile en larmes
S’est concertée avec Alain
Et l’amour prépare les armes
Pour combattre un père inhumain.

Le temple s’ouvre et la victime
S’avance, mais d’un pas tardif ;
Alain la suit des yeux, l’anime,
Et n’attend qu’un regard furtif.
« Ma fille, dit alors le prêtre,
Que venez-vous chercher ici ?
Venez-vous à Dieu vous soumettre,
Que demandez-vous ? — Un mari. »

Au mot, malgré la présence
Et de Colmat et des parens,
Ardent et fier, Alain s’élance,
Cécile est dans ses bras tremblans.
Puis, sans sortir de cet asile,
L’un l’autre se donnant la main,
« Dieu, reçois les vœux de Cécile.
« Dieu, reçois le serment d’Alain. »

Toutes les nonnes douairières
Prirent la fuite de dépit.
Le prêtre changea de prières,
Le père enfin y consentit.

Les deux époux dès le soir même
De ce beau jour........
Goutèrent le bonheur suprême
Dans leur foyer, simple comme eux.


  1. Claretie, Camille Desmoulins, p. 141.
  2. Claretie, C. Desmoulins, p. 143.
  3. Nous reproduisons scrupuleusement le manuscrit sans y rien changer, pas même les fantaisies, alors admises, de son orthographe.
  4. Dans le manuscrit il n’y a aucun titre.
  5. Pas de titre dans le manuscrit.