Le Beau Voyage (1916)/Le Mois mouillé

Bibliothèque-Charpentier (p. 37-38).

LE MOIS MOUILLÉ

Par les vitres grises de la lavanderie
J’ai vu tomber la nuit d’automne que voilà…
Quelqu’un marche le long des fossés pleins de pluie…
Voyageur, voyageur de jadis qui t’en vas,
À l’heure où les bergers descendent des montagnes,
Hâte-toi ! Les foyers sont éteints où tu vas,
Gloses les portes aux pays que tu regagnes.
La grande route est vide et le bruit des luzernes
Vient de si loin qu’il ferait peur… Dépêche-loi :
Les vieilles carrioles ont soufflé leurs lanternes…
C’est l’automne : elle s’est assise et dort de froid
Sur la chaise de paille au fond de la cuisine…
L’automne chante dans les sarments morts des vignes…

C’est le moment où les cadavres introuvés,
Les blancs noyés, flottant, songeurs, entre deux ondes
Saisis eux-mêmes aux premiers froids soulevés,
Descendent s’abriter dans les vases profondes.