Leçons sur le calcul des fonctions/Leçon 19


LEÇON DIX-NEUVIÈME.

Des fonctions de deux ou plusieurs variables ; de leurs fonctions dérivées. Notation et formation de ces fonctions.

Nous n’avons encore traité que des fonctions d’une seule variable ; car, lorsque nous avons considéré des fonctions de deux ou de plusieurs variables, nous avons regardé ces variables elles-mêmes comme fonctions d’une seule et même variable,. Or, si l’on considère une fonction de deux ou de plusieurs variables indépendantes, il est clair que cette fonction pourra avoir différentes fonctions dérivées relatives aux différentes variables, et qui naîtront de la fonction primitive par le simple développement, en attribuant à chaque variable un accroissement particulier.

Ainsi le calcul des fonctions dérivées relatives à une seule variable conduit naturellement à celui des fonctions dérivées relatives à différentes variables, lequel n’est, comme l’on voit, qu’une généralisation du premier, et dépend des mêmes principes.

Si les inventeurs du Calcul différentiel l’avaient regardé d’abord comme le calcul des fonctions dérivées, ils auraient été conduits naturellement et immédiatement au calcul des fonctions dérivées relatives à plusieurs variables, et il ne se serait pas passé un demi-siècle entre la découverte du Calcul différentiel proprement dit et celle du calcul aux différences partielles, qui répond au calcul des fonctions dérivées relatives à différentes variables. plus forte raison, au lieu d’envisager ce dernier comme un nouveau calcul, on l’aurait seulement regardé comme une nouvelle application ou plutôt comme une extension du Calcul différentiel, et l’on aurait, dès le commencement, embrassé sous un même point de vue et sous une même dénomination les différentes branches du même calcul, qui ont été longtemps séparées et comme isolées.

Soit d’abord une fonction quelconque de deux variables et que nous regarderons comme indépendantes l’une de l’autre. Si dans cette fonction on substitue à la fois à la place de et à la place de les deux quantités et étant indéterminées, qu’ensuite on développe la fonction suivant les puissances ascendantes de et de il est clair que le premier terme sans ni sera la fonction proposée, et que les autres termes seront de nouvelles fonctions de et de multipliées successivement par

Ces fonctions seront aussi dérivées de la fonction primitive et l’on trouvera la loi de leur dérivation en considérant successivement les dérivées relatives à chacune des quantités et

Pour cela, on commencera par supposer qu’il n’y ait que la variable qui devienne la variable demeurant la même, et l’on développera la fonction comme une simple fonction de On supposera ensuite que, dans les fonctions dérivées relatives à la variable devienne et l’on développera chacune de ces fonctions comme des fonctions de en regardant alors la variable comme une constante.

Il naitra ainsi, du développement de différentes fonctions dérivées de la fonction primitive dont les unes seront relatives à la variable les autres seront relatives à la variable et d’autres enfin seront relatives en partie à la variable et en partie à la variable la loi du développement étant toujours la même, mais appliquée successivementaux différentes variables.

Mais, pour ne pas confondre dans la notation ces différentes fonctions dérivées, on pourra dénoter les fonctions dérivées, relatives à la seule variable par des traits appliqués, comme à l’ordinaire, à la caractéristique de la fonction, et suivis d’une virgule ; les fonctions dérivées relatives à la variable par des traits appliqués à la même caractéristique, mais précédés d’une virgule ; enfin les fonctions dérivées relatives en partie à la variable et en partie à la variable par des traits séparés par une virgule, de manière que ceux qui précèdent la virgule se rapportent à la variable et ceux qui la suivent se rapportent à la variable

Cette notation conserve mieux l’analogie qui doit régner entre les fonctions dérivées et la fonction primitive dans laquelle la virgule sépare les deux variables indépendantes et que celle que j’avais employée dans la théorie des fonctions, en appliquant au bas de la caractéristique les traits relatifs aux fonctions dérivées par rapport à la seconde variable

D’ailleurs nous trouvons plus convenable d’employer, comme nous l’avons déjà fait dans la Leçon XVII, les traits inférieurs pour désigner les fonctions primitives d’une fonction donnée.

De cette manière on aura donc, en premier lieu,

Substituant maintenant partout à la place de on aura

Développons successivement les fonctions

comme des fonctions de on aura pareillement

et ainsi de suite.

Faisant donc ces substitutions et ordonnant les termes par rapport aux puissances et aux produits de et on aura ce développement complet

dans lequel la forme générale du terme est

Dans l’opération que nous venons de faire pour avoir le développement de nous avons commencé par substituer, dans pour et nous avons développé suivant nous avons ensuite substitué, dans tous les termes de ce développement, pour et nous avons développé suivant

Or il est visible qu’on aurait identiquement le même résultat si l’on commençait l’opération par la substitution de à la place de et par le développement suivant et qu’on fit ensuite la substitution de pour et le développement suivant

De cette manière on aurait d’abord les fonctions primes, secondes,… relatives à c’est-à-dire, suivant la notation que nous venons d’employer, les fonctions

Ensuite on aurait les fonctions primes, secondes,… de celles-ci relatives à et qui seraient désignées par

et l’on obtiendrait ainsi la même formule que ci-dessus, comme cela doit être.

Mais il faut remarquer que, dans le premier procédé, la fonction relative à la fois à et à s’obtient en prenant d’abord la fonction prime de relativement à ce qui donne et ensuite la fonction prime de celle-ci relativement à d’où résulte la fonction seconde et, dans le second procédé, la même fonction s’obtient en prenant d’abord la fonction prime de relativement à ce qui donne et ensuite la fonction prime de celle-ci relativement à ce qui donne également

D’où il suit qu’il est indifférent dans quel ordre se fasse la double opération nécessaire pour passer de la fonction primitive à la double dérivée

Et, comme on doit dire la même chose des autres fonctions dérivées dénotées par des traits séparés par une virgule, on en peut conclure, en général, que les opérations indiquées par les traits placés avant et après la virgule sont absolument indépendantes entre elles, et qu’elles conduisent aux mêmes résultats, quelque ordre qu’on suive en prenant les fonctions dérivées relativement à et indiquées par les traits qui précèdent ou qui suivent la virgule.

Ainsi on aura également la valeur de la fonction dérivée triple en prenant la fonction seconde de relativement à et ensuite la fonction prime de celle-ci relativement à ou en prenant d’abord la fonction prime de relativement à et ensuite la fonction seconde de celle-ci relativement à ou bien encore en prenant la fonction prime de relativement à ensuite la fonction prime de celle-ci relativement à et enfin la fonction prime de cette dernière relativement à et ainsi de suite.

Soit, par exemple,


on aura les fonctions primes, relatives à et

La première donnera, relativement à la dérivée

et la seconde donnera également, relativement à

ensuite on aura, relativement à et à seuls,

La dérivée, relativement à de sera

et la dérivée, relativement à de sera aussi

et ainsi des autres.

À l’imitation de ce que nous avons fait sur les fonctions d’une variable, si l’on suppose que la variable soit une fonction de deux variables et soit explicite, soit donnée simplement par une équation quelconque entre et on pourra désigner par

ses différentes fonctions dérivées, en appliquant à la lettre les traits avec la virgule qu’on applique à la caractéristique

Ainsi, devenant et devenant en même temps la valeur de deviendra

et le terme général de cette série sera

On voit que les fonctions de deux variables engendrent, par le développement, différentes sortes de fonctions dérivées dont la dérivation répond à chacune de ces variables, et que ces fonctions dérivées se forment de la même manière et par les mêmes règles que celles d’une seule variable, en considérant chaque variable séparément et successivement d’où il suit que tout ce que nous avons démontré sur les fonctions d’une seule variable pourra s’appliquer de même aux fonctions de deux variables, relativement à chacune d’elles.

On pourra donc aussi étendre la théorie des fonctions dérivées aux fonctions de trois variables ou d’un plus grand nombre ; car il ne s’agira que de répéter séparément, pour chaque variable, les mêmes opérations, et de les désigner par une notation semblable.

Dans les Leçons précédentes, où nous ne considérions que les fonctions dérivées relativement à une seule variable, lorsqu’il s’est présenté des fonctions de plusieurs variables, nous nous sommes contentés de renfermer, sous la caractéristique des fonctions dérivées, la variable par rapport à laquelle nous voulions avoir la fonction dérivée.

Ainsi, pour ne pas anticiper sur ce qui regarde les fonctions dérivées relatives à plusieurs variables, nous avons dénoté jusqu’ici par les fonctions dérivées de relatives à la seule variable qui, suivant la notation précédente, seraient

Cette manière de noter les fonctions dérivées relativement à une seule variable nous suffisait alors, et nous pourrons l’employer encore quelquefois, pour plus de commodité, pourvu qu’on soit prévenu de son identité avec la notation que nous venons d’établir.

Quoique, dans les fonctions de deux variables que nous considérons ici, les deux variables soient censées indépendantes, et que ce soit même cette indépendance qui produise les différentes espèces de fonctions dérivées dont nous venons de parler, rien n’empêche cependant qu’on ne puisse regarder ces variables elles-mêmes comme des fonctions d’une autre variable quelconque, mais fonctions indéterminées et arbitraires.

Par cette considération, on peut ramener, en quelque manière, la théorie des fonctions de deux variables à celle des fonctions d’une seule, et appliquer, surtout au développement des fonctions de deux ou de plusieurs variables, ce que nous avons démontré dans la Leçon XVIII, sur le développement des fonctions d’une seule variable.

Soit une fonction de deux variables et supposons que chacune de ces variables soit elle-même une fonction d’une autre variable de manière que devienne une simple fonction de sous ce point de vue, lorsque devient deviendra, par la formule générale (Leçon II),

Et si, dans ce développement, on veut s’arrêter au terme ième (Leçon IX), on aura les limites du reste par le terme qui suivra, savoir,

en mettant à la place de dans la fonction et prenant la plus grande et la plus petite valeur de cette fonction depuis jusqu’à la valeur donnée de ou des valeurs quelconques plus grandes et plus petites que celle-ci.

Or, et étant supposées fonctions de lorsque devient et deviennent, par la même formule générale,

et l’on trouvera les valeurs des fonctions dérivées en par les procédés exposés dans la Leçon VI.

Si l’on ne veut avoir le développement de que par rapport aux accroissements et de et il n’y aura qu’à supposer et constants ; par conséquent

et et pourront être des coefficients quelconques.

Si, dans les accroissements de et on voulait considérer les deux termes

on ne ferait alors que

et pourraient être prises pour des constantes quelconques, et ainsi de suite.

Soit, par exemple :

on aura, en prenant les dérivées d’après la Leçon VI, et supposant constantes,

et ainsi de suite.

Donc, lorsque et deviennent on aura

Si l’on veut s’arrêter à ces trois premiers termes, alors, le terme suivant étant on aura les limites du reste en substituant au lieu de et de dans l’expression de et prenant la plus grande et la plus petite valeur de cette expression depuis

Si est un nombre positif, et que et soient aussi des quantités positives, il est facile de voir que la plus petite valeur de sera

qui répond à et que la plus grande sera cette même quantité, en y mettant et à la place de et

Si l’on voulait avoir le développement de répondant à et comme dans le commencement de cette Leçon, il est clair qu’il n’y aurait qu’à faire

on trouverait des résultats semblables.

Car, en désignant par des traits sans virgule les fonctions dérivées par rapport à la variable principale et par des traits séparés par une virgule les fonctions dérivées relativement à chacune des variables et comme nous l’avons fait ci-dessus, on aura, suivant ce qu’on a vu dans la Leçon VI sur les dérivées des fonctions composées d’autres fonctions,

de là, en prenant les fonctions dérivées par rapport à la variable principale

Mais, et étant aussi regardées comme des fonctions de et leurs dérivées relatives à seront

Donc, substituant,

et ainsi de suite.

Si les fonctions dérivées et relativement à sont constantes, en sorte que on aura simplement

Ces valeurs, substituées dans la formule générale

donnent

Et, si l’on fait

on aura la même formule trouvée plus haut pour le développement de suivant les puissances de et

Les expressions des fonctions que nous venons de trouver donnent la composition des fonctions dérivées de fonctions quelconques des deux variables et

Ainsi, en faisant

ce qui revient à prendre pour variable principale, c’est-à-dire à regarder comme fonction de si l’on veut que

soit une fonction dérivée d’une fonction de et en la comparant à

l’expression de il faudra que l’on ait

Pour éliminer de ces deux équations, il n’y a qu’à prendre leurs dérivées par rapport à pour la première, et par rapport à pour la seconde ; on aura ainsi

d’où l’on tire

C’est l’équation de condition connue pour que la formule

puisse être une dérivée exacte d’une fonction de et indépendamment d’aucune relation entre et

Ainsi, sans cette condition, il serait illusoire de supposer l’équation

à moins d’admettre en même temps une relation quelconque entre et ou entre

En général, si l’on avait l’équation

on trouverait, par les mêmes principes, la condition nécessaire pour qu’elle pût avoir une équation primitive indépendamment d’aucune relation particulière entre

Car, en comparant cette expression de avec l’expression générale de donnée ci-dessus, on a pareillement

Pour que ces deux équations s’accordent, il faudra que la dérivée de par rapport à soit égale à la dérivée de par rapport à puisque l’une et l’autre deviennent

Or, étant censée fonction de (puisque, si l’équation proposée a une primitive, la valeur de sera déterminée par cette primitive eu fonction de et ), il faudra la regarder comme telle dans les fonctions et et, d’après notre notation, il est clair que la dérivée de par rapport à sera exprimée par

et que la dérivée de par rapport à sera

On aura donc l’équation de condition

savoir, en substituant pour et leurs valeurs,

et cette équation devra avoir lieu d’elle-même, c’est-à-dire être identique pour que la variable puisse être une fonction de et et que, par conséquent, la proposée ait une primitive en et Dans ce cas, on trouvera facilement cette primitive au moyen de l’une ou de l’autre des deux équations

Car, prenant, par exemple, l’équation

dans laquelle est la dérivée de en y regardant comme constant, on pourra la traiter comme une équation du premier ordre entre et l’autre variable étant supposée constante ; et, ayant trouvé sa primitive dans cette supposition, il faudra regarder la constante arbitraire comme une fonction inconnue de qu’on déterminera ensuite par le moyen de l’autre équation

Mais, lorsque l’équation de condition que nous venons de trouver n’aura pas lieu d’elle-même, l’équation proposée ne pourra pas subsister, à moins qu’on ne suppose une relation quelconque entre de manière que deux de ces variables deviennent fonctions de la troisième.

Ainsi, dans ce cas, en supposant

on aura

et, substituant ces valeurs dans l’équation ci-dessus, on aura alors une équation en et par laquelle on pourra trouver la valeur de en et l’on aura et en fonctions données de la fonction demeurant indéterminée.

Mais, comme on pourrait avoir ainsi une équation du premier ordre en et dont il serait difficile et peut-être impossible de trouver l’équation primitive, on a cherché les moyens de donner à la fonction arbitraire une forme telle que l’on ait immédiatement, pour la détermination de et en deux équations entre ces variables.

Pour en donner un exemple très simple, supposons l’équation

on aura ici

donc

Ainsi il est impossible que soit une fonction de et regardées comme indépendantes entre elles.

On fera donc

et l’on aura

donc

par conséquent sera égal à la fonction primitive de

Mais on peut éviter la recherche de cette fonction primitive, en mettant le terme de l’expression de sous la forme ce qui réduit l’équation à cette forme

et supposant ensuite

moyennant quoi elle devient

dont la primitive est

Ainsi ces deux équations remplacent conjointement l’équation proposée, la fonction demeurant arbitraire.

On doit dire, à plus forte raison, la même chose des équations que l’on pourrait supposer entre et dans lesquelles les fonctions dérivées monteraient à des puissances quelconques.

Qu’on suppose, par exemple, l’équation

en faisant

on aurait

Et il faudrait, pour avoir en trouver la fonction primitive de ce qui est impossible tant que la fonction demeurera indéterminée, à moins d’employer les séries.

Mais, en introduisant une troisième variable, on peut avoir des expressions finies de en fonction de cette même variable.

Pour cela il faut rétablir la fonction prime qui est lorsque est la variable principale, et substituer, par conséquent, et à la place de et conformément aux principes établis dans la Leçon septième. Ainsi l’équation sera

Pour résoudre cette équation de la manière la plus générale, nous emploierons un principe dont nous ferons, dans la suite, un plus grand usage, et qui consiste à trouver d’abord des expressions de qui y satisfassent avec des constantes arbitraires, et à rendre ensuite ces constantes variables, de manière que les expressions des dérivées restent les mêmes.

Prenons un angle arbitraire puisque

en multipliant le second membre de l’équation proposée par

le premier ne changera pas.

Or le produit de par peut se mettre sous la forme

de sorte que l’équation proposée deviendra

Supposons

ce qui est permis à cause de l’indéterminée on aura, en extrayant la racine carrée des deux membres,

Regardons d’abord l’angle comme constant ; les deux équations que nous venons de trouver auront pour primitives ces deux-ci :

et étant deux constantes arbitraires.

Ainsi ces deux équations donnent des valeurs de et en qui satisfont à l’équation proposée, quelles que soient les valeurs des trois constantes et comme on peut s’en assurer par la substitution.

Or il est facile de concevoir que ces mêmes valeurs satisferont encore à la proposée, en supposant que les quantités et soient variables, pourvu que les dérivées restent les mêmes, ce qui aura lieu si, en prenant les dérivées des deux équations précédentes, les termes dus aux dérivées de et se détruisent.

Il n’y aura donc qu’à prendre les dérivées des mêmes équations par rapport à et et déterminer, par leur moyen, les variables et

Regardons dans ces dérivées la variable comme la principale ; nous ferons

et l’on aura

Mais nous avons déjà

donc on aura

ce qui donne

et, par conséquent,

Ainsi on aura ces trois équations

Mais, étant une fonction quelconque de si on la dénote par on aura

et les trois équations précédentes fourniront ces expressions de en

la fonction demeurant arbitraire.

Ces formules pourraient servir à trouver des courbes rectifiables ; car, si et sont les coordonnées rectangles d’une courbe plane, et z l’arc correspondant, on sait, par le Calcul différentiel, et je l’ai démontré rigoureusement dans la Théorie des fonctions[1], que l’on a

en regardant et comme fonctions d’une même variable quelconque.

Si l’on fait on a

les formules précédentes donneront

ce qui est le cas du cercle.

En prenant pour des fonctions quelconques de et on aura autant de courbes algébriques qu’on voudra, dont la rectification sera algébrique aussi, problème sur lequel les géomètres se sont autrefois beaucoup exercés, et dont on peut voir différentes solutions dans le tome V des Nouveaux Commentaires de Pétersbourg.

Les équations dont nous venons de nous occuper sont connues sous le nom d’équations qui ne satisfôntpas aux conditions d’intégrabilité. On trouve des solutions élégantes de plusieurs de ces équations dans un Mémoire de Monge imprimé dans le Recueil de l’Académie des Sciences pour l’année 1784.

La notation que nous avons employée pour désigner les fonctions dérivées de par rapport à et par des traits séparés par une virgule, est, comme l’on voit, très simple et conforme à la nature de la chose ; mais elle ne met pas en évidence les variables auxquelles chaque groupe de traits doit se rapporter ; et, si l’on avait des fonctions de plus de deux variables, la multitude des virgules pourraitrendre la notation incommode et causer de la confusion par rapport aux variables auxquelles les différentes fonctions dérivées répondraient.

On pourrait, dans ces cas, employer avec avantage la notation que j’ai déjà proposée dans l’Ouvrage sur la Résolution des équations numériques[2], et qui dérive aussi de la nature de ce calcul.

En effet, la formule donnée plus haut

fait voir que, si l’on veut considérer à part les dérivées relatives à et on a, par rapport à

donc

ici ne doit être pris que par rapport à la variable en tant qu’elle est renfermée dans la fonction et, pour indiquer ce point de vue, il n’y a qu’à enfermer l’expression entre deux parenthèses, ce qui donnera

On aura pareillement, par rapport à

donc

en renfermant l’expression entre deux parenthèses, pour indiquer

qu’ici la dérivée n’est relative à la variable qu’autant qu’elle est renfermée dans on aura

De cette manière, l’expression de la dérivée prendra cette forme

où l’on voit que ne sont proprement que les coefficients de et de dans l’expression de la dérivée

Comme la variable dont on suppose que et sont fonctions, demeure indéterminée, en prenant pour on aurait


l’expression deviendrait alors simplement et indiquerait, comme elle le doit, la fonction dérivée de par rapport à la variable principale de même, en prenant pour on aurait

et l’expression deviendrait aussi et indiquerait la fonction dérivée de par rapport à la variable principale

Mais, pour distinguer ces fonctions l’une de l’autre, nous retiendrons toujours les lettres et sous et nous entendrons simplement par les fonctions dérivées de par rapport à et

D’ailleurs cette manière d’exprimer les fonctions dérivées a l’avantage de faciliter la transformation de ces fonctions lorsqu’on veut les rapporter à d’autres variables.

Ainsi, comme l’expression indique que est regardé comme fonction de l’expression réciproque indiquerait que serait regardé comme fonction de et il est facile de se convaincre, par la nature de ces expressions, que l’on a, en effet,

comme si les parenthèses n’existaient pas, de sorte que l’on aura

Si donc, au lieu de regarder comme fonction de et on voulait regarder comme fonction de et on substituerait d’abord à la place de

Ensuite, pour avoir la valeur de l’autre fonction dérivée on remarquerait qu’ici la variable est censée constante, puisque n’est regardée que comme fonction de

Or, étant supposée fonction de et on aura, en général,

donc, pour que soit constante, devra être zéro, ce qui donnera l’équation

d’où l’on tire

et cette valeur de tirée de la supposition de constante, sera, par conséquent, la même que celle de

D’où il suit que l’on aura ces transformées

De sorte que, si l’on a une équation qui contienne avec les fonctions dérivées elle ne changera pas essentiellement par les substitutions précédentes ; seulement, au lieu de supposer fonction de et ce sera qui sera fonction de et et ainsi pour les cas semblables.

Maintenant, puisque est une fonction de et on aura de même, en prenant sa dérivée relativement à

mais, comme et entre les parenthèses, n’ont qu’une signification de convention, on peut, sans inconvénient, écrire

et, par conséquent,

On aura de même

où l’on voit que les symboles

expriment ici ce que nous avions dénoté plus haut par les signes

Donc la dérivée seconde de c’est-à-dire la valeur de que nous avons donnée plus haut, sera représentée ainsi

On voit ici que et sont aussi les coefficients de et dans l’expression complète de mais que n’est plus le simple coefficient de dans la même expression, comme on serait porté à le supposer d’après sa notation.

En général, l’expression dénotera ce que nous avions dénoté par c’est-à-dire la fonction dérivée de de l’ordre ième, prise fois relativement à et fois relativement à

Cette dernière notation se rapproche, comme l’on voit, de celle qui est depuis longtemps en usage chez les analystes pour désigner les différences qu’on appelle partielles.

En effet, il est visible que les fonctions dérivées que nous désignons ici par

ne sont autre chose que les quantités

que plusieurs géomètres, à l’exemple d’Euler, renferment aussi entre deux parenthèses.

Ainsi on aura, en général, ces notations correspondantes

Après avoir donné la manière de former et de noter les fonctions dérivées relativement à différentes variables, nous allons considérer les équations qui contiennent des fonctions de ce genre, et qu’on peut appeler équations dérivées à plusieurs variables.


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  1. Œuvres de Lagrange, t. IX, p. 369.
  2. Œuvres de Lagrange, t. VIII.