LEÇON DIX-NEUVIÈME.
Des fonctions de deux ou plusieurs variables ; de leurs fonctions dérivées. Notation et formation de ces fonctions.
Nous n’avons encore traité que des fonctions d’une seule variable ; car, lorsque nous avons considéré des fonctions de deux ou de plusieurs variables, nous avons regardé ces variables elles-mêmes comme fonctions d’une seule et même variable,. Or, si l’on considère une fonction de deux ou de plusieurs variables indépendantes, il est clair que cette fonction pourra avoir différentes fonctions dérivées relatives aux différentes variables, et qui naîtront de la fonction primitive par le simple développement, en attribuant à chaque variable un accroissement particulier.
Ainsi le calcul des fonctions dérivées relatives à une seule variable conduit naturellement à celui des fonctions dérivées relatives à différentes variables, lequel n’est, comme l’on voit, qu’une généralisation du premier, et dépend des mêmes principes.
Si les inventeurs du Calcul différentiel l’avaient regardé d’abord comme le calcul des fonctions dérivées, ils auraient été conduits naturellement et immédiatement au calcul des fonctions dérivées relatives à plusieurs variables, et il ne se serait pas passé un demi-siècle entre la découverte du Calcul différentiel proprement dit et celle du calcul aux différences partielles, qui répond au calcul des fonctions dérivées relatives à différentes variables.
plus forte raison, au lieu d’envisager ce dernier comme un nouveau calcul, on l’aurait seulement regardé comme une nouvelle application ou plutôt comme une extension du Calcul différentiel, et l’on aurait, dès le commencement, embrassé sous un même point de vue et sous une même dénomination les différentes branches du même calcul, qui ont été longtemps séparées et comme isolées.
Soit d’abord
une fonction quelconque de deux variables
et
que nous regarderons comme indépendantes l’une de l’autre. Si dans cette fonction on substitue à la fois
à la place de
et
à la place de
les deux quantités
et
étant indéterminées, qu’ensuite on développe la fonction
suivant les puissances ascendantes de
et de
il est clair que le premier terme sans
ni
sera la fonction proposée,
et que les autres termes seront de nouvelles fonctions de
et de
multipliées successivement par
Ces fonctions seront aussi dérivées de la fonction primitive
et l’on trouvera la loi de leur dérivation en considérant successivement les dérivées relatives à chacune des quantités
et
Pour cela, on commencera par supposer qu’il n’y ait que la variable
qui devienne
la variable
demeurant la même, et l’on développera la fonction
comme une simple fonction de
On supposera ensuite que, dans les fonctions dérivées relatives à
la variable
devienne
et l’on développera chacune de ces fonctions comme des fonctions de
en regardant alors la variable
comme une constante.
Il naitra ainsi, du développement de
différentes fonctions dérivées de la fonction primitive
dont les unes seront relatives à la variable
les autres seront relatives à la variable
et d’autres enfin seront relatives en partie à la variable
et en partie à la variable
la loi du développement étant toujours la même, mais appliquée successivementaux différentes variables.
Mais, pour ne pas confondre dans la notation ces différentes fonctions dérivées, on pourra dénoter les fonctions dérivées, relatives à la seule variable
par des traits appliqués, comme à l’ordinaire, à la caractéristique de la fonction, et suivis d’une virgule ; les fonctions dérivées relatives à la variable
par des traits appliqués à la même caractéristique, mais précédés d’une virgule ; enfin les fonctions dérivées relatives en partie à la variable
et en partie à la variable
par des traits séparés par une virgule, de manière que ceux qui précèdent la virgule se rapportent à la variable
et ceux qui la suivent se rapportent à la variable
Cette notation conserve mieux l’analogie qui doit régner entre les fonctions dérivées et la fonction primitive
dans laquelle la virgule sépare les deux variables indépendantes
et
que celle que j’avais employée dans la théorie des fonctions, en appliquant au bas de la caractéristique
les traits relatifs aux fonctions dérivées par rapport à la seconde variable
D’ailleurs nous trouvons plus convenable d’employer, comme nous l’avons déjà fait dans la Leçon XVII, les traits inférieurs pour désigner les fonctions primitives d’une fonction donnée.
De cette manière on aura donc, en premier lieu,

Substituant maintenant partout
à la place de
on aura

Développons successivement les fonctions

comme des fonctions de
on aura pareillement

et ainsi de suite.
Faisant donc ces substitutions et ordonnant les termes par rapport aux puissances et aux produits de
et
on aura ce développement complet

dans lequel la forme générale du terme est

Dans l’opération que nous venons de faire pour avoir le développement de
nous avons commencé par substituer, dans
pour
et nous avons développé suivant
nous avons ensuite substitué, dans tous les termes de ce développement,
pour
et nous avons développé suivant
Or il est visible qu’on aurait identiquement le même résultat si l’on commençait l’opération par la substitution de
à la place de
et par le développement suivant
et qu’on fit ensuite la substitution de
pour
et le développement suivant
De cette manière on aurait d’abord les fonctions primes, secondes,… relatives à
c’est-à-dire, suivant la notation que nous venons d’employer, les fonctions

Ensuite on aurait les fonctions primes, secondes,… de celles-ci relatives à
et qui seraient désignées par

et l’on obtiendrait ainsi la même formule que ci-dessus, comme cela doit être.
Mais il faut remarquer que, dans le premier procédé, la fonction
relative à la fois à
et à
s’obtient en prenant d’abord la fonction prime de
relativement à
ce qui donne
et ensuite la fonction prime de celle-ci relativement à
d’où résulte la fonction seconde
et, dans le second procédé, la même fonction s’obtient en prenant d’abord la fonction prime de
relativement à
ce qui donne
et ensuite la fonction prime de celle-ci relativement à
ce qui donne également
D’où il suit qu’il est indifférent dans quel ordre se fasse la double opération nécessaire pour passer de la fonction primitive
à la double dérivée
Et, comme on doit dire la même chose des autres fonctions dérivées dénotées par des traits séparés par une virgule, on en peut conclure, en général, que les opérations indiquées par les traits placés avant et après la virgule sont absolument indépendantes entre elles, et qu’elles conduisent aux mêmes résultats, quelque ordre qu’on suive en prenant les fonctions dérivées relativement à
et
indiquées par les traits qui précèdent ou qui suivent la virgule.
Ainsi on aura également la valeur de la fonction dérivée triple
en prenant la fonction seconde de
relativement à
et ensuite la fonction prime de celle-ci relativement à
ou en prenant d’abord la fonction prime de
relativement à
et ensuite la fonction seconde de celle-ci relativement à
ou bien encore en prenant la fonction prime de
relativement à
ensuite la fonction prime de celle-ci relativement à
et enfin la fonction prime de cette dernière relativement à
et ainsi de suite.
Soit, par exemple,

on aura les fonctions primes, relatives à
et 

La première donnera, relativement à

la dérivée

et la seconde donnera également, relativement à 

ensuite on aura, relativement à
et à
seuls,

La dérivée, relativement à
de
sera

et la dérivée, relativement à
de
sera aussi

et ainsi des autres.
À l’imitation de ce que nous avons fait sur les fonctions d’une variable, si l’on suppose que la variable
soit une fonction de deux variables
et
soit explicite, soit donnée simplement par une équation quelconque entre
et
on pourra désigner par

ses différentes fonctions dérivées, en appliquant à la lettre
les traits avec la virgule qu’on applique à la caractéristique 
Ainsi,
devenant
et
devenant en même temps
la valeur de
deviendra

et le terme général de cette série sera

On voit que les fonctions de deux variables engendrent, par le développement, différentes sortes de fonctions dérivées dont la dérivation répond à chacune de ces variables, et que ces fonctions dérivées se forment de la même manière et par les mêmes règles que celles d’une seule variable, en considérant chaque variable séparément et successivement d’où il suit que tout ce que nous avons démontré sur les fonctions d’une seule variable pourra s’appliquer de même aux fonctions de deux variables, relativement à chacune d’elles.
On pourra donc aussi étendre la théorie des fonctions dérivées aux fonctions de trois variables ou d’un plus grand nombre ; car il ne s’agira que de répéter séparément, pour chaque variable, les mêmes opérations, et de les désigner par une notation semblable.
Dans les Leçons précédentes, où nous ne considérions que les fonctions dérivées relativement à une seule variable, lorsqu’il s’est présenté des fonctions de plusieurs variables, nous nous sommes contentés de renfermer, sous la caractéristique des fonctions dérivées, la variable par rapport à laquelle nous voulions avoir la fonction dérivée.
Ainsi, pour ne pas anticiper sur ce qui regarde les fonctions dérivées relatives à plusieurs variables, nous avons dénoté jusqu’ici par
les fonctions dérivées de
relatives à la seule variable
qui, suivant la notation précédente, seraient
Cette manière de noter les fonctions dérivées relativement à une seule variable nous suffisait alors, et nous pourrons l’employer encore quelquefois, pour plus de commodité, pourvu qu’on soit prévenu de son identité avec la notation que nous venons d’établir.
Quoique, dans les fonctions de deux variables que nous considérons ici, les deux variables soient censées indépendantes, et que ce soit même cette indépendance qui produise les différentes espèces de fonctions dérivées dont nous venons de parler, rien n’empêche cependant qu’on ne puisse regarder ces variables elles-mêmes comme des fonctions d’une autre variable quelconque, mais fonctions indéterminées et arbitraires.
Par cette considération, on peut ramener, en quelque manière, la théorie des fonctions de deux variables à celle des fonctions d’une seule, et appliquer, surtout au développement des fonctions de deux ou de plusieurs variables, ce que nous avons démontré dans la Leçon XVIII, sur le développement des fonctions d’une seule variable.
Soit
une fonction de deux variables
et
supposons que chacune de ces variables soit elle-même une fonction d’une autre variable
de manière que
devienne une simple fonction de
sous ce point de vue, lorsque
devient
deviendra, par la formule générale (Leçon II),

Et si, dans ce développement, on veut s’arrêter au terme
ième (Leçon IX), on aura les limites du reste par le terme qui suivra, savoir,

en mettant
à la place de
dans la fonction
et prenant la plus grande et la plus petite valeur de cette fonction depuis
jusqu’à la valeur donnée de
ou des valeurs quelconques plus grandes et plus petites que celle-ci.
Or,
et
étant supposées fonctions de
lorsque
devient
et
deviennent, par la même formule générale,

et l’on trouvera les valeurs des fonctions dérivées
en
par les procédés exposés dans la Leçon VI.
Si l’on ne veut avoir le développement de
que par rapport aux accroissements
et
de
et
il n’y aura qu’à supposer
et
constants ; par conséquent

et
et
pourront être des coefficients quelconques.
Si, dans les accroissements de
et
on voulait considérer les deux termes

on ne ferait alors que

et
pourraient être prises pour des constantes quelconques, et ainsi de suite.
Soit, par exemple :

on aura, en prenant les dérivées d’après la Leçon VI, et supposant
constantes,

et ainsi de suite.
Donc, lorsque
et
deviennent
on aura
![{\displaystyle \left[(x+ix')^{2}+(y+iy')^{2}\right]^{m}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/05711f45cb86ba3d7c6e0d54a2c846017a2c4428)
![{\displaystyle {\begin{aligned}=&\left(x^{2}+y^{2}\right)^{m}+2m(xx'+yy')\left(x^{2}+y^{2}\right)^{m-1}\\&+\left[2m\left(x'^{2}+y'^{2}\right)\left(x^{2}+y^{2}\right)^{m-1}+4m(m-1)(xx'+yy')^{2}\left(x^{2}+y^{2}\right)^{m-2}\right]{\frac {i^{2}}{2}}+\ldots .\end{aligned}}}](https://wikimedia.org/api/rest_v1/media/math/render/svg/c9eb6c7960e9bfad0d711520f737928e88d4d9bf)
Si l’on veut s’arrêter à ces trois premiers termes, alors, le terme suivant étant
on aura les limites du reste en substituant
au lieu de
et de
dans l’expression de
et prenant la plus grande et la plus petite valeur de cette expression depuis
Si
est un nombre positif, et que
et
soient aussi des quantités positives, il est facile de voir que la plus petite valeur de
sera

qui répond à
et que la plus grande sera cette même quantité, en y mettant
et
à la place de
et 
Si l’on voulait avoir le développement de
répondant à
et
comme dans le commencement de cette Leçon, il est clair qu’il n’y aurait qu’à faire

on trouverait des résultats semblables.
Car, en désignant par des traits sans virgule les fonctions dérivées par rapport à la variable principale
et par des traits séparés par une virgule les fonctions dérivées relativement à chacune des variables
et
comme nous l’avons fait ci-dessus, on aura, suivant ce qu’on a vu dans la Leçon VI sur les dérivées des fonctions composées d’autres fonctions,

de là, en prenant les fonctions dérivées par rapport à la variable principale 

Mais,
et
étant aussi regardées comme des fonctions de
et
leurs dérivées relatives à
seront

Donc, substituant,

et ainsi de suite.
Si les fonctions dérivées
et
relativement à
sont constantes, en sorte que
on aura simplement

Ces valeurs, substituées dans la formule générale

donnent

Et, si l’on fait

on aura la même formule trouvée plus haut pour le développement de
suivant les puissances de
et 
Les expressions des fonctions
que nous venons de trouver donnent la composition des fonctions dérivées de fonctions quelconques des deux variables
et
Ainsi, en faisant

ce qui revient à prendre
pour variable principale, c’est-à-dire à regarder
comme fonction de
si l’on veut que

soit une fonction dérivée d’une fonction de
et
en la comparant à
l’expression de

il faudra que l’on ait

Pour éliminer
de ces deux équations, il n’y a qu’à prendre leurs dérivées par rapport à
pour la première, et par rapport à
pour la seconde ; on aura ainsi

d’où l’on tire

C’est l’équation de condition connue pour que la formule

puisse être une dérivée exacte d’une fonction de
et
indépendamment d’aucune relation entre
et 
Ainsi, sans cette condition, il serait illusoire de supposer l’équation

à moins d’admettre en même temps une relation quelconque entre
et
ou entre 
En général, si l’on avait l’équation

on trouverait, par les mêmes principes, la condition nécessaire pour qu’elle pût avoir une équation primitive indépendamment d’aucune relation particulière entre 
Car, en comparant cette expression de
avec l’expression générale de
donnée ci-dessus, on a pareillement

Pour que ces deux équations s’accordent, il faudra que la dérivée de
par rapport à
soit égale à la dérivée de
par rapport à
puisque l’une et l’autre deviennent
Or,
étant censée fonction de
(puisque, si l’équation proposée a une primitive, la valeur de
sera déterminée par cette primitive eu fonction de
et
), il faudra la regarder comme telle dans les fonctions
et
et, d’après notre notation, il est clair que la dérivée de
par rapport à
sera exprimée par

et que la dérivée de
par rapport à
sera

On aura donc l’équation de condition

savoir, en substituant pour
et
leurs valeurs,

et cette équation devra avoir lieu d’elle-même, c’est-à-dire être identique pour que la variable
puisse être une fonction de
et
et que, par conséquent, la proposée ait une primitive en
et
Dans ce cas, on trouvera facilement cette primitive au moyen de l’une ou de l’autre des deux équations

Car, prenant, par exemple, l’équation

dans laquelle
est la dérivée de
en y regardant
comme constant, on pourra la traiter comme une équation du premier ordre entre
et
l’autre variable
étant supposée constante ; et, ayant trouvé sa primitive dans cette supposition, il faudra regarder la constante arbitraire comme une fonction inconnue de
qu’on déterminera ensuite par le moyen de l’autre équation

Mais, lorsque l’équation de condition que nous venons de trouver n’aura pas lieu d’elle-même, l’équation proposée ne pourra pas subsister, à moins qu’on ne suppose une relation quelconque entre
de manière que deux de ces variables deviennent fonctions de la troisième.
Ainsi, dans ce cas, en supposant

on aura

et, substituant ces valeurs dans l’équation ci-dessus, on aura alors une équation en
et
par laquelle on pourra trouver la valeur de
en
et l’on aura
et
en fonctions données de
la fonction
demeurant indéterminée.
Mais, comme on pourrait avoir ainsi une équation du premier ordre en
et
dont il serait difficile et peut-être impossible de trouver l’équation primitive, on a cherché les moyens de donner à la fonction arbitraire une forme telle que l’on ait immédiatement, pour la détermination de
et
en
deux équations entre ces variables.
Pour en donner un exemple très simple, supposons l’équation

on aura ici

donc

Ainsi il est impossible que
soit une fonction de
et
regardées comme indépendantes entre elles.
On fera donc

et l’on aura

donc

par conséquent
sera égal à la fonction primitive de

Mais on peut éviter la recherche de cette fonction primitive, en mettant le terme
de l’expression de
sous la forme
ce qui réduit l’équation à cette forme

et supposant ensuite

moyennant quoi elle devient

dont la primitive est

Ainsi ces deux équations remplacent conjointement l’équation proposée, la fonction
demeurant arbitraire.
On doit dire, à plus forte raison, la même chose des équations que l’on pourrait supposer entre
et
dans lesquelles les fonctions dérivées
monteraient à des puissances quelconques.
Qu’on suppose, par exemple, l’équation

en faisant

on aurait

Et il faudrait, pour avoir
en
trouver la fonction primitive de
ce qui est impossible tant que la fonction
demeurera indéterminée, à moins d’employer les séries.
Mais, en introduisant une troisième variable, on peut avoir des expressions finies de
en fonction de cette même variable.
Pour cela il faut rétablir la fonction prime
qui est
lorsque
est la variable principale, et substituer, par conséquent,
et
à la place de
et
conformément aux principes établis dans la Leçon septième. Ainsi l’équation sera

Pour résoudre cette équation de la manière la plus générale, nous emploierons un principe dont nous ferons, dans la suite, un plus grand usage, et qui consiste à trouver d’abord des expressions de
qui y satisfassent avec des constantes arbitraires, et à rendre ensuite ces constantes variables, de manière que les expressions des dérivées
restent les mêmes.
Prenons un angle arbitraire
puisque

en multipliant le second membre de l’équation proposée par

le premier ne changera pas.
Or le produit de
par
peut se mettre sous la forme

de sorte que l’équation proposée deviendra

Supposons

ce qui est permis à cause de l’indéterminée
on aura, en extrayant la racine carrée des deux membres,

Regardons d’abord l’angle
comme constant ; les deux équations que nous venons de trouver auront pour primitives ces deux-ci :


et
étant deux constantes arbitraires.
Ainsi ces deux équations donnent des valeurs de
et
en
qui satisfont à l’équation proposée, quelles que soient les valeurs des trois constantes
et
comme on peut s’en assurer par la substitution.
Or il est facile de concevoir que ces mêmes valeurs satisferont encore à la proposée, en supposant que les quantités
et
soient variables, pourvu que les dérivées
restent les mêmes, ce qui aura lieu si, en prenant les dérivées des deux équations précédentes, les termes dus aux dérivées de
et
se détruisent.
Il n’y aura donc qu’à prendre les dérivées des mêmes équations par rapport à
et
et déterminer, par leur moyen, les variables
et
Regardons dans ces dérivées la variable comme la principale ; nous ferons

et l’on aura


Mais nous avons déjà

donc on aura

ce qui donne

et, par conséquent,

Ainsi on aura ces trois équations

Mais,
étant une fonction quelconque de
si on la dénote par
on aura

et les trois équations précédentes fourniront ces expressions de

en

la fonction
demeurant arbitraire.
Ces formules pourraient servir à trouver des courbes rectifiables ; car, si
et
sont les coordonnées rectangles d’une courbe plane, et z l’arc correspondant, on sait, par le Calcul différentiel, et je l’ai démontré rigoureusement dans la Théorie des fonctions[1], que l’on a

en regardant
et
comme fonctions d’une même variable quelconque.
Si l’on fait
on a

les formules précédentes donneront

ce qui est le cas du cercle.
En prenant pour
des fonctions quelconques de
et
on aura autant de courbes algébriques qu’on voudra, dont la rectification sera algébrique aussi, problème sur lequel les géomètres se sont autrefois beaucoup exercés, et dont on peut voir différentes solutions dans le tome V des Nouveaux Commentaires de Pétersbourg.
Les équations dont nous venons de nous occuper sont connues sous le nom d’équations qui ne satisfôntpas aux conditions d’intégrabilité. On trouve des solutions élégantes de plusieurs de ces équations dans un Mémoire de Monge imprimé dans le Recueil de l’Académie des Sciences pour l’année 1784.
La notation que nous avons employée pour désigner les fonctions dérivées de
par rapport à
et
par des traits séparés par une virgule, est, comme l’on voit, très simple et conforme à la nature de la chose ; mais elle ne met pas en évidence les variables auxquelles chaque groupe de traits doit se rapporter ; et, si l’on avait des fonctions de plus de deux variables, la multitude des virgules pourraitrendre la notation incommode et causer de la confusion par rapport aux variables auxquelles les différentes fonctions dérivées répondraient.
On pourrait, dans ces cas, employer avec avantage la notation que j’ai déjà proposée dans l’Ouvrage sur la Résolution des équations numériques[2], et qui dérive aussi de la nature de ce calcul.
En effet, la formule donnée plus haut

fait voir que, si l’on veut considérer à part les dérivées relatives à
et
on a, par rapport à

donc

ici
ne doit être pris que par rapport à la variable
en tant qu’elle est renfermée dans la fonction
et, pour indiquer ce point de vue, il n’y a qu’à enfermer l’expression
entre deux parenthèses, ce qui donnera

On aura pareillement, par rapport à 

donc

en renfermant l’expression
entre deux parenthèses, pour indiquer
qu’ici la dérivée

n’est relative à la variable

qu’autant qu’elle est renfermée dans

on aura

De cette manière, l’expression de la dérivée
prendra cette forme

où l’on voit que
ne sont proprement que les coefficients de
et de
dans l’expression de la dérivée 
Comme la variable
dont on suppose que
et
sont fonctions, demeure indéterminée, en prenant
pour
on aurait

l’expression
deviendrait alors simplement
et indiquerait, comme elle le doit, la fonction dérivée de
par rapport à la variable principale
de même, en prenant
pour
on aurait

et l’expression
deviendrait aussi
et indiquerait la fonction dérivée de
par rapport à la variable principale 
Mais, pour distinguer ces fonctions l’une de l’autre, nous retiendrons toujours les lettres
et
sous
et nous entendrons simplement par
les fonctions dérivées de
par rapport à
et
D’ailleurs cette manière d’exprimer les fonctions dérivées a l’avantage de faciliter la transformation de ces fonctions lorsqu’on veut les rapporter à d’autres variables.
Ainsi, comme l’expression
indique que
est regardé comme fonction de
l’expression réciproque
indiquerait que
serait regardé comme fonction de
et il est facile de se convaincre, par la nature de ces expressions, que l’on a, en effet,

comme si les parenthèses n’existaient pas, de sorte que l’on aura

Si donc, au lieu de regarder
comme fonction de
et
on voulait regarder
comme fonction de
et
on substituerait d’abord
à la place de
Ensuite, pour avoir la valeur de l’autre fonction dérivée
on remarquerait qu’ici la variable
est censée constante, puisque
n’est regardée que comme fonction de
Or,
étant supposée fonction de
et
on aura, en général,

donc, pour que
soit constante,
devra être zéro, ce qui donnera l’équation

d’où l’on tire

et cette valeur de
tirée de la supposition de
constante, sera, par conséquent, la même que celle de 
D’où il suit que l’on aura ces transformées

De sorte que, si l’on a une équation qui contienne
avec les fonctions dérivées
elle ne changera pas essentiellement par les substitutions précédentes ; seulement, au lieu de supposer
fonction de
et
ce sera
qui sera fonction de
et
et ainsi pour les cas semblables.
Maintenant, puisque
est une fonction de
et
on aura de même, en prenant sa dérivée relativement à

mais, comme
et
entre les parenthèses, n’ont qu’une signification de convention, on peut, sans inconvénient, écrire

et, par conséquent,

On aura de même

où l’on voit que les symboles

expriment ici ce que nous avions dénoté plus haut par les signes

Donc la dérivée seconde de
c’est-à-dire la valeur de
que nous avons donnée plus haut, sera représentée ainsi

On voit ici que

et

sont aussi les coefficients de

et

dans l’expression complète de

mais que

n’est plus le simple coefficient de

dans la même expression, comme on serait porté à le supposer d’après sa notation.
En général, l’expression
dénotera ce que nous avions dénoté par
c’est-à-dire la fonction dérivée de
de l’ordre
ième, prise
fois relativement à
et
fois relativement à
Cette dernière notation se rapproche, comme l’on voit, de celle qui est depuis longtemps en usage chez les analystes pour désigner les différences qu’on appelle partielles.
En effet, il est visible que les fonctions dérivées que nous désignons ici par

ne sont autre chose que les quantités

que plusieurs géomètres, à l’exemple d’Euler, renferment aussi entre deux parenthèses.
Ainsi on aura, en général, ces notations correspondantes

Après avoir donné la manière de former et de noter les fonctions dérivées relativement à différentes variables, nous allons considérer les équations qui contiennent des fonctions de ce genre, et qu’on peut appeler équations dérivées à plusieurs variables.