Lausanne à travers les âges/Statistique/03

Collectif
Librairie Rouge (p. 97-99).


III

Trafic et mouvement sur les grandes routes et les voies ferrées (1835-1904).

D’après une statistique dressée par l’ingénieur W. Fraisse, alors voyer du district de Lausanne, le mouvement des chars et voitures aux abords de la ville en 1835 était le suivant :

ROUTE CHARS DE ROULAGE[1] CHARS D’APPROVISIONNEMENT VOITURES
Samedi
5 décembre
Mardi
8 décembre
Samedi
5 décembre
Mardi
8 décembre
Samedi
5 décembre
Mardi
8 décembre
De Lausanne à
Faoug 
24 23 331 70 65 38
»
Coppet 
8 13 155 60 43 42
»
St-Maurice 
6 5 185 108 110 94
»
Jougne 
2 13 330 59 17 17
»
Ouchy 
1 51 79 4 7
»
Yverdon 
4 1 602 51 28 24
55 55 1654 427 267 222


Pour se faire une idée de la physionomie de Lausanne à cette époque-là, il faut se représenter que le Grand Pont n’existait pas, que la route de Derrière-Bourg et celle de la Caroline n’avaient pas encore été construites. La poste, alors cantonale, se trouvait dans un bâtiment que le gouvernement a fait construire en 1806 sur la partie de la place Saint-François, où stationnent aujourd’hui les fiacres, en face de l’entrée occidentale du temple ; cet immeuble a été démoli en février 1903. C’était là que les voyageurs montaient en voiture. Les diligences à destination de Paris et d’Yverdon commençaient par descendre la rue de Pépinet, en faisant grincer leurs sabots, puis elles montaient péniblement la rue du Grand-Saint-Jean, prenaient la rue de Saint-Laurent et sortaient de la ville par le faubourg de l’Ale ; à l’extrémité de celui-ci, la diligence d’Yverdon prenait, à droite, la route du Maupas, qui aboutissait aux plaines du Loup ; la diligence de Paris prenait, à gauche, le chemin de Chauderon, longeait au nord le cimetière de Saint-Laurent[2], et s’engageait sur la route d’Orbe, qui passait alors sous Valency. La diligence à destination de Genève passait par Montbenon. Celle du Simplon montait la rue de Bourg, descendait le faubourg d’Etraz, prenait le chemin des Mousquines et aboutissait par une pente rapide au pont de la Perraudettaz. La diligence de Berne montait la rue de Bourg, contournait l’hôtel du Faucon et montait lentement le faubourg de Martheray, pour aboutir à l’auberge de l’Ours.

En dépit de tous les cahots qu’il fallait subir pour entrer à Lausanne, pour y demeurer ou en sortir, c’était une brillante époque ; c’était le temps où Vinet, Monnard, Juste Olivier, Sainte-Beuve, Mickiéwicz enseignaient à notre Académie. Depuis lors, des vallons ont été comblés, des tunnels et des tranchées ont raccourci les distances ; les communications ont été facilitées ; des fiacres ont remplacé les antiques chaises à porteur, dans lesquelles les élégantes se rendaient au bal. Les gens huppés se faisaient volontiers accompagner, le soir, d’un valet ou d’une servante portant un falot ; car les rues étaient peu éclairées et le service de la voirie laissait à désirer. Tout cela est changé aujourd’hui, mais notre ville y a un peu perdu de son aspect pittoresque.

Actuellement, huit voies ferrées se rencontrent à Lausanne (Genève, Paris, Yverdon, Échallens, le Jorat, Payerne, Berne et Milan). La gare des chemins, de fer fédéraux, en 1904, a délivré 188 445 billets simple course ; elle occupe, à cet égard, le troisième rang en Suisse ; elle vient immédiatement après Zurich et Bâle ; 794 586 billets double course, 300 575 départs s’effectuent au moyen d’abonnements. Le mouvement des voyageurs a donc été, en 1904, de 1 283 606, ce qui représente une moyenne journalière de 3500 voyageurs, chiffre rond.

Le nombre des trains de voyageurs qui arrivent à la gare fédérale ou en partent est de 147.

Le mouvement des bagages est de 
4 567
tonnes.
Celui des animaux vivants de 
8 780
têtes.
Les marchandises expédiées représentent 
40 357
tonnes.
Les marchandises arrivées représentent 
287 742 tonnes.

Au point de vue du tonnage des marchandises, Lausanne occupe en Suisse le cinquième rang (le premier rang étant tenu par Bâle, le second par Genève le troisième par Zurich, le quatrième par Berne et le sixième par Saint-Gall).

Dans ces calculs n’est pas compris le trafic des chemins de fer d’Echallens et du Jorat.

Nous avons été curieux de rechercher ce que pouvait être encore la circulation sur les grandes routes après l’établissement des chemins de fer. Ce pointage, fait en septembre 1905 par des agents de police, a donné les résultats suivants :

ROUTES GROS CHARS CHARS D’APPRO-
VISIONNEMENT
VOITURES AUTO
MOBILES
TRAM-
WAYS
Mardi
19 sept.
Samedi
23 sept.
Mardi
19 sept.
Samedi
23 sept.
Mardi
19 sept.
Samedi
23 sept.
Mardi
19 sept.
Samedi
23 sept.
Berne et Chailly 317 412 159 419 175 184 7 13 198
Genève 372 220 96 397 54 27 13 18 164
Saint-Maurice 140 118 56 127 96 53 5 28 120
Payerne, Orbe 26 46 52 126 62 37 4 10 116
Moudon 36 88 46 249 52 54 4 5 10
Avenue Bergières 5 9 40 68 20 7
Le Mont (Bellevaux) 18 45 40 299 65
Pontaise 17 7 49 66 20 6
Ouchy (Chamblandes) 26 20 23 50 36 5 12 62
La Maladière 196 186 65 81 17 9 5 182
Ouchy 153 207 72 5 134
Gare des marchand. 146 172 182
  1452 1530 626 1982 669 557 53 96 1091


On voit par ce tableau que le gros roulage a beaucoup augmenté : mais au lieu de chars d’Anjou transportant des denrées, ce sont des véhicules plus petits, chargés de matériaux de construction que l’on rencontre sur nos routes. Le nombre des chars dits d’approvisionnement, fruits, pommes de terre, etc., s’est aussi accru, ce qui s’explique par l’extension de la ville. La circulation des voitures, équipages privés et fiacres a augmenté avec l’accroissement de la population ; les petites calèches à un cheval ont remplacé les berlines de voyage d’autrefois. Pour les automobiles, la différence entre les deux jours s’explique par le fait que le mardi 19 septembre il pleuvait, tandis que le samedi 23 il faisait beau.

Les étrangers descendus, dans les hôtels de Lausanne en 1905 représentent une moyenne de 920 voyageurs par jour. Les lits occupés ont été en effet au nombre de 335 905 en 1905 (chiffre de 41 448 supérieur à celui de l’année 1904). Ce chiffre se décompose comme suit : janvier 20 551, février 19 452, mars 24 433, avril 26 238, mai 29 024, juin 29 252, juillet 27 853, août 41 180, septembre 37 479, octobre 32 242, novembre 25 717, décembre 22 484.

  1. Ces chars de roulage, dits chars d’Anjou, étaient attelés de six à huit chevaux ; pour les montées, — dès la Maladière au Chalet-à-Gobet, par exemple, — on doublait les attelages. La charge de ces camions peut être estimée à cinq tonnes, soit la moitié de la charge d’un wagon de marchandises.
  2. Ce cimetière était sur l’emplacement actuel de la gare du Lausanne-Échallens.