Lausanne à travers les âges/Statistique/04

Collectif
Librairie Rouge (p. 100-101).


IV


Enquête sur les logements et construction de maisons ouvrières.

En juin 1893, ensuite d’une motion, le Conseil communal de Lausanne décida une enquête sur les conditions du logement.

Cette enquête se fit en 1894 sous la direction de M. l’architecte Melley. Elle porta sur le nombre des ménages de chaque maison, sur le nombre des locaux habités et des personnes qui les habitent, sur les conditions de salubrité et d’hygiène et le prix des loyers. Elle visait tout spécialement les habitations ouvrières.

Les conclusions en furent consignées par M. l’avocat Schnetzler dans un rapport publié en 1896[1], dont voici les constatations essentielles :

La population lausannoise admit facilement l’enquête et les dépenses en résultant (environ 25 000 francs).

L’enquête a démontré 1o la pénurie des habitations en dessous de 400 francs, la construction ne se portant pas sur des logements de ce genre ; 2o l’insalubrité d’un certain nombre de logements (moyenne cependant inférieure à celle de beaucoup de villes suisses), par le fait de l’humidité, d’un système défectueux des eaux de latrine et de ménage, mauvaises odeurs, etc.

Elle fit constater, dans les quartiers populaires, où les loyers au-dessous de 400 francs sont les plus nombreux, que le cube d’air pour les chambres à coucher était inférieur à 28 mètres par personne, sans descendre toutefois au-dessous de 15 mètres cubes d’air en moyenne. Le groupe de quartiers qui a le cube d’air le plus faible présente un excédent de 8,2 des décès sur les naissances. Les groupes de quartiers où les cubes d’air sont les plus forts présentent une mortalité infantile très faible.

L’enquête de 1894 a servi de base à des mesures législatives prises par les autorités cantonales et communales, au point de vue de la salubrité des habitations (loi cantonale, du 12 mai 1898 sur la police des constructions et des habitations ; règlement sur la police des constructions dans la commune de Lausanne, du 29 août 1902).

Au moyen de ces dispositions légales, qui ont armé l’autorité communale, il a été possible d’obtenir des propriétaires cupides ou négligents qu’ils respectent la santé de leurs locataires.

La troisième étape dans l’œuvre de l’amélioration du logement devait être la construction d’habitations salubres et à bon marché à l’usage de la population ouvrière. En 1898, les autorités communales ont acquis, dans ce but, 1192 ares de terrain à Bellevaux, pour le prix de 255 000 francs, et, en 1899, elles ont décidé, à titre d’essai, la construction, par la ville de Lausanne, d’habitations à bon marché. Quatre maisons avec un total de 24 appartements de 3 et 4 pièces ont été construites à Bellevaux. Elles ont coûté 160 000 francs environ comme construction, ce qui, en y comprenant le prix du terrain, fait ressortir le prix, en capital de chaque appartement, approximativement à 8000 francs l’un dans l’autre. Les appartements sont loués aux prix de 300 et 400 francs.

En 1860, une Société de construction a été créée en vue de fournir des logements à la classe ouvrière par un comité composé de MM. X. Gottofrey, ancien juge cantonal, Ernest Dapples, ingénieur, Ch. Carrard, banquier, H. Bippert, juge cantonal, et Sigismond Charrière de Sévery, député. Cette Société, qui existe toujours, travaille avec un capital-actions de 318 000 francs et possède 8 maisons situées aux rues du Vallon et du Nord, représentant une valeur cadastrale de 420 000 francs, et contenant 74 appartements (dans les prix de 180 à 260 francs) et 24 ateliers, d’une valeur locative de 19 600 francs.

En 1875 une Association, qui a pris le nom de Société de la rue du Jura, et ayant à sa tête un comité composé de MM. Jules Tarin, menuisier, J. Piot, notaire, L. Gruffel, L. Peitrequin, cafetier, et D. Jordan, négociant, a construit avec un capital de 92 000 francs quatre bâtiments comprenant ensemble 53 appartements, 6 ateliers, 1 magasin et 1 café. Le prix des appartements varie entre 226 et 500 francs. La Maison ouvrière, société coopérative immobilière, fondée en 1905, a réuni un capital de 50 000 francs, et obtenu de la Commune la cession de terrains payables en parts de sociétaires. Elle combine ainsi dans un but social les efforts de l’initiative privée et ceux des autorités communales, organe de la collectivité.

  1. Rapport général de l’enquête sur les logements (1896) et Supplément (1899), par André Schnetzler avocat à Lausanne (avec plans, tableaux graphiques coloriés, tabelles numériques). Diplôme d’honneur aux Expositions internationales de Bruxelles 1897, Lille 1902. Paris, Exposition internationale de l’habitation 1903, etc. Lausanne, Imprimerie L. Vincent, 1896.