Lausanne à travers les âges/Aperçu/15

Collectif
Librairie Rouge (p. 67-70).


XV

Organisation du Corps de police.

La police est l’un des services auxquels le public attache le plus d’importance, parce qu’il lui doit la sécurité dont il jouit. Quoique le règlement municipal n’en fasse pas une obligation, cette direction, en fait, a toujours été attribuée, ainsi que celle du greffe, au syndic.

D’après le règlement municipal du 15 mars 1784, il y avait à Lausanne 1o une garde de jour composée de 3 sergents et de 8 factionnaires, et 2o une garde de nuit composée de 24 « guets ». Ces deux corps étaient placés sous les ordres d’un commandant choisi parmi les membres du Soixante et du Deux-Cents.

De nombreuses transformations ont été apportées au corps de police durant le cours du siècle dernier.

À teneur du règlement du 16 mai 1836, son effectif était de : 1 commandant ; 4 sergents ; 15 gardes de jour ; 28 gardes de nuit ou aides.

Sous le règlement du 26 juillet 1839, il comportait : 1 commandant ; 1 sergent-major ; 12 sergents de ville ; 38 gardes de ville ; 2 gardes-champêtres.

Le commandant portait le même uniforme que les sergents, avec une marque distinctive consistant en une broderie en or au col et une broderie également en or sur les parements de son habit, et comme coiffure un chapeau à trois coins. Le sergent-major et les sergents portaient des uniformes bleu foncé, avec les galons de leur grade, et un shako ; ils étaient armés d’un sabre supporté par un ceinturon noir. Les gardes de ville faisaient le service en capote grise et en casquette couverte de toile cirée ; ils étaient armés d’un sabre supporté par un baudrier noir.

Le règlement du 10 mai 1852 supprima le commandant et les gardes de ville ; le nombre des sergents de ville resta fixé à douze. Il faut croire que ces réductions de personnel présentèrent des inconvénients, car en 1858 l’effectif du corps fut renforcé ; il se composait alors de : 1 inspecteur de police ; 5 commissaires de police urbains ; 17 agents ; 6 commissaires de police ruraux ; 22 gardes-champêtres.

Il y avait alors cinq postes de police : la Palud, Saint-Pierre, Saint-François, Saint-Laurent et la Cité.

L’uniforme militaire fut remplacé par un costume civil, consistant en une redingote en drap marengo, une casquette plate, des gants noirs. Une canne plombée remplaçait le sabre.

Avec leur tenue civile, les agents prirent un air débraillé ; la redingote aux pans flottants donnait prise à leurs adversaires, lorsqu’ils avaient des arrestations à faire. Après quelques années d’expérience, on en revint à la tunique et à la coiffure militaires ; et les cannes furent remplacées, en 1891, par des yatagans.

Le nombre des postes a été porté graduellement à dix, par la création de ceux d’Ouchy, de la Pontaise, de la rue du Pré, du Boulevard de Grancy et de la route d’Echallens. Des brigadiers ont été, en 1877, adjoints aux commissaires. L’effectif total du corps de police était alors de 38 hommes, plus les commissaires forains et les gardes-champêtres. En 1897, la fonction d’inspecteur de police, a été dédoublée. Un chef de service a été chargé du travail de bureau et un officier de police placé à la tête du corps de police, qui après une série d’augmentations successives, comprend aujourd’hui : 1 officier ; 1 sergent-major ; 1 sergent-fourrier ; 5 sergents ; 11 brigadiers ; 53 agents de police : soit un effectif de 72 hommes, auxquels viennent s’ajouter 5 commissaires de police ruraux et 2 gardes-champêtres permanents. Étant donné l’accroissement de la ville, on devra sous peu augmenter l’effectif du corps de police.

La section de police, appelée à statuer sur les contraventions relevées par les agents, était composée, jadis, du syndic et de deux municipaux à tour de rôle ; depuis 1897, elle est présidée, à tour de rôle, par le syndic ou par l’un des membres de la municipalité, assisté de l’officier de police et du fourrier, qui fait les fonctions de greffier.


XVI

Organisation du Corps des pompiers.

En 1790, les autorités municipales édictèrent des « règlements pour les cas d’incendie dans la ville de Lausanne et les environs », qui furent imprimés et « rendus publics par ordre du magistrat. » Cette ordonnance donnait à chacun sa consigne : Le sonneur de la « Grande église » — c’était ainsi que l’on appelait alors la Cathédrale — qui sera en fonctions devra, tous les quarts d’heure faire le tour du clocher ; s’il aperçoit du feu, il doit sonner, mais s’il n’y a que de la fumée, il prévient monsieur le président du Conseil ; au son de la cloche les membres du Conseil doivent se rendre à l’hôtel de ville à l’exception des magistrats de la bannière où le feu se sera manifesté et de monsieur le maisonneur ; les conseillers demeureront assemblés aussi longtemps que le danger subsistera.

Les articles suivants fixent les attributions de la chambre de fabrique, des magistrats du quartier, du maisonneur (architecte de la ville), de monsieur le major de ville et de la garde qui se composait de 270 hommes à savoir : 5 officiers, 25 sergents et 240 factionnaires, soit une escouade de 54 gardes par bannière. Le procureur fiscal[1] devait prendre ses dispositions pour l’arrestation des filous. Le maisonneur forain devait monter à cheval et parcourir dans toute leur longueur les canalisations des eaux de la Cité et de Penau pour s’assurer qu’il ne se perd pas d’eau ; les fonteniers de Bourg et de la Cité visitent les réservoirs. Les bourgeois et habitants qui ne sont pas chargés de quelque fonction spéciale dans la présente ordonnance, s’empressent d’être en secours, chacun selon ses forces, de se ranger promptement en file, de suivre les directions des personnes préposées pour les former et de suivre exactement tout ce qui leur sera prescrit.
La Grotte, ancienne maison Deyverdun, que l’historien Gibbon habita de 1783 à 1793 (démolie en 1896).
Les maçons, charpentiers et couvreurs, excepté ceux qui sont désignés pour le service des pompes, seront tenus de se rendre sur le lieu du sinistre, munis de leurs outils, échelles, cordes, etc. ; les boulangers, les fourniers, tonneliers et vignerons au premier son de cloche, apportent leurs « brentes. » Quinze directeurs de files, tous membres du Soixante ou du Deux-Cents, à raison de trois par bannière, doivent, sous la direction du maisonneur, organiser les chaînes destinées au transport de l’eau des fontaines aux pompes.

Les pompes au nombre de 12 (7 grandes et 5 portatives) étaient remisées dans les quartiers suivants : 1o sous les arcades de l’hôtel de ville ; 2o sous le couvert de l’église de Saint-François ; 3o à l’Hôpital ; 4o sous les halles au hameau d’Ouchy ; 5o sous la tour de la porte de Saint-Laurent ; 6o à l’Évêché. Les autres engins à savoir les brochets, les échelles, la hotte[2], etc., étaient répartis dans les différents quartiers. À chaque pompe étaient attachés un ou deux intendants, qui avaient un rôle des hommes appelés à la mettre en œuvre, (pour la pompe no 1, 2 serruriers, 1 fondeur, 1 charpentier, 1 maçon, 16 manœuvres). Il y avait également des intendants pour les engins de sauvetage. À la première alerte, les sonneurs des églises de Saint-François et de Saint-Laurent, et le châtelain de l’évêché devaient se mettre en mesure de recevoir les meubles et les effets qui leur seraient confiés par la garde du feu ; le concierge de l’hôtel de ville devait ouvrir la salle du conseil et l’éclairer, si le feu se manifestait pendant la nuit ; le hérault de la ville devait se rendre en manteau, au lieu de l’incendie pour se mettre aux ordres du maisonneur ; et les trois huissiers les plus anciens, à la salle du Conseil à l’hôtel de ville ; les trois autres huissiers devaient, également en manteau, se rendre au lieu du sinistre pour demeurer aux ordres du maisonneur. Le piqueur du maisonneur devait, après l’incendie, recueillir les engins de sauvetage, en avoir soin, et faire le compte de ceux qui auraient été perdus ou détériorés. En prévision du cas où le feu éclatait hors de ville, des voituriers étaient désignés à l’avance pour conduire au premier coup de cloche, les pompes nos 5 et 7 sur le lieu du sinistre.

Cette ordonnance, qui fait honneur aux magistrats lausannois, fut rendue au temps où M. Antoine de Polier-Saint-Germain était bourgmestre.

L’organisation du service du feu a été modifiée en 1824 et 1843. En 1865 fut créé le corps des pompiers et en 1868 celui du sauvetage ; leur organisation a été remaniée en 1881 ; c’est à ce moment-là que le bataillon des pompiers a été réparti en quatre compagnies ; en 1901 une section d’électriciens a été ajoutée à la première compagnie. L’effectif du corps est actuellement le suivant :

État-major : 1 commandant, 2 adjudants, 1 quartier-maître.

Première compagnie, préposée au sauvetage : 4 officiers, 14 sous-officiers, 36 sauveteurs et 10 électriciens.

Seconde compagnie, préposée au maniement des hydrants : 5 officiers, 21 sous-officiers, 108 hydrantiers.

Troisième compagnie, préposée au maniement des pompes : 3 officiers, 18 sous-officiers, 60 sapeurs.

Quatrième compagnie, préposée au service de garde : 3 officiers, 10 sous-officiers, 38 hommes.

Un adjudant sous-officier, 1 caporal clairon et 12 clairons sont également attachés au bataillon.

Il y a en outre 7 sections foraines, à savoir celles de Chailly, La Sallaz, Vers-chez-les-Blanc, Montblesson, Chalet-à-Gobet, Montherond et Vernand, avec un effectif de 6 officiers, 14 sous-officiers et 142 hommes.

Le corps tout entier se compose ainsi de 26 officiers, 77 sous-officiers, 406 hommes.

Total : 510 hommes.

Cette organisation ne correspond plus aux besoins de la ville, qui ne sont plus ce qu’ils étaient il y a vingt-cinq ans. Un nouveau règlement de service du feu va être prochainement présenté au Conseil communal. À teneur de ce projet, l’effectif du bataillon sera accru, mais sa répartition sera complètement modifiée. Chaque compagnie, composée d’hydrantiers, de pompiers, de sauveteurs et d’électriciens, sera préposée à la défense d’une zone déterminée, en sorte qu’à moins de sinistre prenant des proportions exceptionnelles, il ne sera nécessaire dans chaque cas d’incendie d’alarmer qu’une partie du corps.

De plus, un certain nombre d’agents de police recevront les instructions nécessaires pour pouvoir, sitôt que le feu éclate quelque part, porter les premiers secours et servir d’avant-garde au corps des pompiers. Il serait obvié ainsi à l’inconvénient résultant de l’absence d’un poste permanent de pompiers.

  1. Fonctions qui tenaient à la fois de celles du procureur général et du juge informateur.
  2. La hotte servait au transport des personnes qui, se trouvant dans une maison incendiée, ne pouvaient en sortir par les escaliers. C’est ce que l’on appelle aujourd’hui le va et vient.