Lausanne à travers les âges/Aperçu/14

Collectif
Librairie Rouge (p. 63-66).


XIV

Organisation municipale au dix-neuvième siècle.

La victoire des Français eut pour conséquences la suppression de la Diète des treize cantons et l’établissement du régime unitaire. Un directoire avec un Sénat et un Grand Conseil
Cour de l’ancienne maison de Polier (rue du Bourg, no 26).
constituaient le Gouvernement helvétique. La République Lémanique n’eut qu’une durée éphémère. Le Pays de Vaud devint une simple préfecture de la République Helvétique une et indivisible. M. de Polier-Vernand[1] fut nommé préfet national. Il était assisté d’une Chambre administrative composée de cinq membres, qui entra en fonctions le 30 mars 1798 ; elle fut solennellement installée, le lendemain, à la cathédrale, où un sermon de circonstance fut prononcé par le pasteur Frédéric Bugnion. Les citoyens Maurice Glayre, Henri Monod, J. D. A. Perdonnet, Louis Auberjonois et Élie Bergier furent les premiers membres de cette Chambre. Ces magistrats organisèrent avec sagesse toutes les institutions que comportait le nouveau régime, en évitant de blesser, par des mesures vexatoires, les amis de l’ancien ordre de choses.

L’administration communale, qui avait à sa tête le bourgmestre Victor-Benjamin de Saussure, resta en fonctions jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi helvétique[2] du 15 février 1799 sur l’organisation des municipalités. Cette loi prescrivait, d’une part, l’établissement de municipalités ayant à leur tête des présidents, pour l’administration de la police, de la voirie, des écoles, et de l’autre, des chambres de régie, chargées du soin des biens communaux et de l’assistance des bourgeois. La municipalité de Lausanne fut composée de onze membres. Son président fut Jean-Antoine Oboussier, qui eut pour successeurs, en mai 1800 Duval de la Poterie et en juin 1801 Marc-Antoine Cazenove d’Arlens, ancien colonel au service de France, fils de Mme Blaquières, dont il a été fait mention plus haut (page 49), et petit-fils de l’historien Rapin-Thoyras. La régie eut pour président Victor Secretan.

Ce système, qui a subsisté dans d’autres cantons, ne dura que quatre ans à Lausanne. La loi cantonale du 18 juin 1803, rendue en vertu de l’Acte de médiation, supprima les chambres de régie. Le président de la municipalité reçut le titre de syndic ; le nombre des municipaux fut porté à dix-neuf ; ils étaient choisis par l’assemblée générale de commune entre les citoyens âgés de trente ans et propriétaires ou usufruitiers d’un immeuble de la valeur de 500 francs ou d’une créance hypothécaire de même valeur. Les élections se faisaient, par série, de deux en deux ans. Le premier syndic de Lausanne fut Samuel-Jacques Hollard ; il conserva ses fonctions jusqu’en 1815. Il fut remplacé par Charles Secretan-Bournet auquel succéda, en 1842, Édouard Dapples.

En 1803, l’organisation de la municipalité comportait quatre dicastères, à savoir : la section de police, la section économique, celle des pauvres et celle des forêts. Les écoles, qui jouaient un moins grand rôle qu’aujourd’hui, allaient avec la police. Les principaux fonctionnaires communaux étaient : le Boursier, le Receveur, le Haut Forestier, le Maisonneur de ville, le Secrétaire de la municipalité, le Secrétaire de la section économique, l’Inspecteur des chemins, l’Inspecteur de police, le Commandant de la garde de jour et de nuit et de la garde bourgeoise. Quelques-uns de ces emplois pouvaient être remplis par des municipaux (boursier, haut forestier, secrétaire de la section économique, inspecteur des chemins, receveur des pauvres, maisonneur). Le service de la municipalité était fait par trois « sergents » (huissiers).

En 1813, le nombre des quartiers, qui était de huit, fut porté à seize. La municipalité créa une place de secrétaire du bureau de police. En 1816 fut créé le poste d’inspecteur des boucheries.

La constitution cantonale du 4 août 1814 ayant prévu l’établissement de conseils communaux, la loi du 2 juin 1815 les créa ; elle mit dans leur compétence la nomination des municipalités. Le nombre des membres de la municipalité de Lausanne resta fixé à dix-sept, nommés pour douze ans ; tous les quatre ans, un tiers de ses membres était soumis à réélection. Le premier conseil communal fut installé le 20 décembre 1815 ; il eut sa première séance le 9 mars 1816. Le conseil fut présidé jusqu’en 1832
Maison de Constant (rue de Bourg, no 25).
par le syndic ; il se composait de cent membres dont les trois quarts devaient être bourgeois de Lausanne.

La loi de 1832 réduisit à six ans la durée du mandat des municipaux ; tous les deux ans, un tiers du corps était soumis à réélection. La loi du 18 décembre 1845 limita à quatre ans la durée du mandat des conseillers, nommés par série de deux en deux ans ; les deux tiers devaient être des bourgeois. Le nombre des municipaux fut réduit à neuf, élus pour six ans ; le renouvellement se faisait partiellement de deux en deux ans. Les deux tiers devaient être bourgeois. Le travail fut réparti en trois sections : 1o section de police, qui avait les écoles dans ses attributions ; 2o section des travaux ; 3o section des finances, qui comprenait aussi les domaines. Chacune de ces sections était composée de trois membres, qui délibéraient en commun sur les affaires de leur ressort et faisaient ensuite rapport à la municipalité.

En vertu de la loi du 26 mai 1862, la moitié des membres du conseil communal devaient être bourgeois. Le 13 juin 1873, le nombre des membres de la municipalité fut réduit à sept. Le système des sections avait le désavantage de faire traîner les affaires, qui étaient soumises à deux délibérations successives. De plus, il donnait une importance prépondérante aux principaux employés de l’administration : le président de la commission des écoles, l’inspecteur de police et ceux des forêts, des boucheries, des travaux, des bâtiments, des vignes, des pauvres, par le fait qu’ils correspondaient directement avec le public et avec les maîtres d’état, étaient plus au courant des affaires que les municipaux. Pour parer à ces inconvénients, le Conseil communal décida, le 26 décembre 1881, de ne maintenir que la section de police, de supprimer les autres et de les remplacer par cinq directions, à savoir : la police, les finances, les domaines, les travaux et les écoles. Le nombre des municipaux fut réduit à cinq et chacun d’eux placé à la tête d’une direction, dont il dirige le travail et au nom de laquelle il signe pour toutes les affaires qui ne sont pas réservées à l’administration générale.

La création des services industriels, dont il sera question plus loin, est venue augmenter considérablement la tâche de la municipalité. Les services du gaz, des eaux et de l’électricité sont actuellement placés sous le contrôle de la direction des travaux. Il est probable que, sous peu, ils en seront détachés. Les différents dicastères de l’administration communale occupent un personnel de plus en plus nombreux et qui comprend, actuellement, 748 employés de l’un ou l’autre sexe, savoir :

Administration générale : 10 employés (dont un secrétaire, un sous-secrétaire, un archiviste, deux huissiers).

Direction de police : 30 employés (dont un chef du service administratif, un chef du bureau des étrangers), plus le corps de police, placé sous les ordres d’un officier, et composé de 18 sous-officiers, 53 agents et 2 gardes-champêtres.

Finances : 29 employés (dont le boursier, le chef de comptabilité et l’inspecteur des pauvres).

Domaines : 37 employés (dont l’inspecteur des forêts, l’inspecteur des boucheries, l’architecte, et non compris les vignerons).

Travaux : 21 employés (dont deux ingénieurs chefs de service et deux ingénieurs adjoints), et 169 ouvriers.

Écoles : 15 employés (dont deux contrôleurs, un secrétaire, un médecin, neuf concierges), 59 instituteurs et 136 institutrices.

Services industriels, administration générale : 19 employés (dont deux ingénieurs, un caissier, un chef de comptabilité) et 1 ouvrier. — Service du gaz : 24 employés, 63 ouvriers. — Service des eaux : 5 employés, 15 ouvriers. — Service électrique : 14 employés, 29 ouvriers.

Ce qui fait pour l’ensemble des services 
204 employés.
277 ouvriers.
plus le corps de police, officier, sous-officiers, agents, gardes-champêtres et commissaires de police ruraux 
79 hommes.
Corps enseignant 
59 instituteurs.
136 institutrices.
Soit un total de 
755 personnes
émargeant au budget communal pour une somme de 1 500 000 francs, chiffre rond.

Dans cette énumération ne sont pas compris les pompiers dont le service est intermittent.

Le personnel enseignant est au bénéfice d’une caisse de retraite cantonale fondée en 1816. Une caisse de retraite a été créée, en 1897, en faveur de la police, et, en 1905, une caisse en faveur du personnel administratif et des ouvriers.

  1. La famille Polier, dont il a été plus d’une fois question dans cette notice, a joué un grand rôle à Lausanne. Elle est aujourd’hui éteinte dans le pays ; une de ses branches subsiste encore en Allemagne. Elle était originaire de Villefranche en Rouergue ; un de ses représentants, Jean Polier, vint en Suisse, en 1550, comme envoyé du Roi de France auprès des Ligues ; il se fixa à Lausanne, y acheta la bourgeoisie en 1575, et mourut en 1602. Plusieurs de ses descendants se sont distingués comme professeurs, pasteurs, magistrats ou officiers dans les armées étrangères. Henri-Étienne-Georges-Fitz-Roger de Polier a rendu des services au pays en acceptant les fonctions délicates de préfet national à une époque très agitée. Il eut à essuyer les insolences de Bonaparte, lors de son passage à Lausanne en 1800 ; il se rendit impopulaire par les mesures qu’il prit pour réprimer l’anarchie. De Polier-Vernand était un fervent adepte des doctrines mystiques ; c’était le frère de Mme de Montolieu, l’auteur des Châteaux suisses.
  2. Adoptée par le Grand Conseil helvétique le 5 novembre 1798 et par le Sénat le 15 février 1799.