Police Journal Enr (Aventures de cow-boys No. 4p. 9-13).

CHAPITRE IV

À ORCITÉ


Presque toutes les bourgades de l’ouest se ressemblaient dans ce temps-là.

Une seule et large rue poussiéreuse.

Un magasin général.

Un palefrenier. Un restaurant aussi sale qu’une salle à manger du redlight de Montréal.

Des salounes…

Des salounes…

En voulez-vous, en v’la !

Et le poste de police.

Prison en même temps.

Pas le moins du monde à l’épreuve des évasions.

C’est au poste de police que Verchères arrêta.

Il dit à Onésiphore Rioux et à ses 2 garçons :

— Je désire parler confidentiellement avec le chef de police local…

— Vous le connaissez ?

— Oui.

Verchères reprit :

— Vous allez m’attendre où… ?

— Oh, disons à la SALOUNE IDÉALE…

— Entendu. Restez là jusqu’à ce que je vienne vous trouver…

L’AIGLON dit :

— Et moi ?

— Comment toi ?

— Oui, que vais-je faire ?

— Ah, oui, j’oubliais qu’il est interdit aux indiens d’entrer dans les salounes… Ouais, toi…

Il rumina quelques instants :

— Va-t-en directement sur ta réserve. Et ne la quitte pas jusqu’à nouvel ordre ; ni toi ni les membres de ta tribu.

— Oké.

— Tu me promets de respecter cet ordre à la lettre ?

— Oui.

— Alors va…

— Bien.

Le protecteur de la loi et de l’ordre à Orcité était petit et malingre.

Mais sous une apparence bégnigne se cachait une force physique plus qu’ordinaire et une bravoure qui défonçait les frontières de la témérité.

En voyant J. B. il s’écria :

— Comment que ça va, vieux tchomme ?

— Et toi-même, Charlie Lagueux, comment l’Ouest te traite-t-il ?

— Oh, couci-couça…

Le chef Lagueux reprit :

— C’est pour mes beaux yeux que tu es venu me voir ?

— Non, non.

J. B. regarda le chef d’Orcité et sourit :

— Ta petite taille fluette me fait penser à un proverbe…

— Quel proverbe ?

— Celui des petits pots et des meilleurs onguents…

Baptiste poursuivit :

— Mais passons aux choses sérieuses ? Tu n’aurais pas de problèmes épineux sur les bras actuellement, Charlie ?

— Hélas oui, et tu arrives comme un sauveur…

— Tant que ça, hein ?

— Oui

— L’affaire de la vallée de la mort…

— Tiens, tiens, tu sais déjà… Qui donc t’a mis au courant ?

— L’AIGLON, le fils d’AIGLE ROUGE…

— Le jeune chef des pieds-noirs ?

— Oui.

— Le crois-tu coupable ?

Lagueux ne répondit point.

Il dit cependant :

— L’heure est grave ; je le sens, un coup formidable se prépare…

— Quoi ?

— Je n’en sais rien…

— Et les volutes de fumée qui planent au dessus de la vallée… ?

— Je les ai examinées à maintes et maintes reprises.

— Tu connais le code indien des signaux de boucane ?

— Oui.

— Et… ?

— Ce ne sont pas des signaux indiens…

— Alors ce n’est pas l’Aiglon et ses sauvages qui mijotent le complot ?

— Je ne crois pas, mais je n’en suis pas sûr…

— Comment ?

— Tu sais comme les pieds-noirs sont astucieux ?

Verchères fit un signe de tête affirmatif.

Songea.

Puis dit ;

— Non, je ne crois pas que l’Aiglon soit coupable. Connaissant ma réputation comme il la connaît il n’aurait point pris le risque de demander mon aide s’il n’avait pas été innocent.

— Bon raisonnement.

— Maintenant, Charlie, parlons un peu de la mine d’or… Qu’y a-t-il de nouveau dans ce domaine ?

Massacre ! s’écria Lagueux, cette damnée mine me cause de fortes inquiétudes…

— Pourquoi donc ?

— Figure-toi qu’on vient de découvrir un nouveau filon.

— Riche… ?

— D’une richesse inouïe !

— Alors… ?

Charlie dit :

— Les dangers de vols sont augmentés formidablement.

— C’est évident ; plus le trésor est important, plus la tentation est forte pour les outlaws

— Le transport de cet or se fait de la façon ordinaire ?

— Oui, il est déposé d’abord dans les voûtes de la succursale locale de la banque du Manitoba. Puis quand il y en a assez, il est transporté à Winnipeg dans une diligence dans laquelle il y a gardes armés jusqu’aux dents.

Le point faible de cette routine me semble le voyage.

— Je ne sais pas au juste ; mais il n’est certes point la voûte…

— Non ?

— Non, car elle est en béton armé, et il y a dedans 2 gros chiens féroces qui n’obéissent qu’au gérant de banque.

— Mais pendant le chargement ici, ne pourrait-il pas y avoir un coup de main de tenté ?

— Non, je ne crois pas…

— Pourquoi ?

Parce que toutes les routes aboutissant ici sont gardées par des éclaireurs et que ceux-ci nous avertiraient d’avance de l’approche des bandes d’outlaws.

Verchères dit :

Bien, il ne reste donc que l’attaque en plaine.

— Oui, c’est mon avis.

Lagueux reprit :

— Qu’allons-nous faire ?

Demain matin nous visiterons tous deux la vallée de la mort…

J. B. se leva.

— Où vas-tu ?

— Prendre un petit coup.

— Dans quelle saloune ?

— L’Idéale…

— Tiens, tiens, Baptiste, as-tu des idées érotiques ?

— Érotiques… ? Parle donc français, veux-tu, on n’a pas tous eu la chance de faire un cours comme toi.

Charlie éclata de rire.

Et reprit :

— As-tu des idées érot…, pardon, amoureuses ?

— Mais non, pourquoi me demandes-tu ça ?

— Parce que les trois plus jolies filles du Manitoba travaillent à la saloune idéale…

J. B. sourit :

— « Travaillent », railla-t-il.

— Oui, enfin tu me comprends, spas ? Et ce n’est pas tout.

— Quoi encore ?

— Ce n’est pas un homme qui est propriétaire de cette saloune…

— Non, qui alors, un cheval ?

— Fais donc pas de farces, vieux…

— C’est une femme ?

— Oui, si tu aimes les grasses, tu seras servi à souhait…

— Elle est belle ?

— Un éléphant l’adorerait.

— Aguogue…

J. B. demanda :

— Son nom à la belle mastodonte ?

— Mae, Mae Eastman.

— Tu me mets l’eau à la bouche… J’y vais.

Comme il sortait, le chef de police d’Orcité dit à celui de Squeletteville :

— N’oublie pas demain matin, départ à l’aurore pour la vallée mystérieuse….

— Je serai là comme un seul homme.