La province de Québec/Chapitre IX
CHAPITRE IX
N ingénieur belge, M. George Kaiser,
professeur de géographie industrielle
à l’université de Louvain, qui a visité
le Canada, il y a quelques années, dit
que nulle part la nature n’a été plus
libérale que dans les diverses formations
géologiques qui constituent le
terrain du Canada. La province de
Québec a eu sa grosse part de cette
munificence.
Une très faible portion de cette richesse minérale est actuellement exploitée. Ce qui a retardé jusqu’ici le développement des industries extractives, c’est l’absence de capitaux suffisants. Les capitaux disponibles ont été surtout consacrés à l’achat des terrains métallifères ; quant à l’extraction elle-même, elle n’a été encore tentée qu’en certains endroits et avec beaucoup de circonspection. Le champ est donc ouvert aux ingénieurs de mines et aux capitalistes européens.
Voici, à grands traits, d’après les rapports de la Commission géologique d’Ottawa, de quoi se compose l’inventaire minéralogique de la province de Québec.
Les terrains laurentiens, qui traversent tout le territoire provincial, à partir du Labrador, renferment l’apatite ou phosphate, le fer magnétique et titanique, la plombagine, le mica, le graphite, ainsi que les granits, les labradorites, les calcaires, peu exploités jusqu’à présent, mais aptes à fournir des matériaux de construction et d’ornementation. On y trouve aussi, à l’état cristallisé, divers échantillons minéralogiques très curieux, grenat, béryl, olivine, spath fluor, etc.
Dans la région du lac Témiscamingue se trouvent des mines de plomb argentifère.
Dans les Cantons de l’Est, on rencontre le cuivre, le fer magnétique et l’oligiste, l’antimoine, le nickel, l’argent, l’or d’alluvion. En diverses localités de la même région, on exploite les schistes argileux comme ardoises. Les calcaires et granits fournissent de très bonne pierre à construction. Dans les mêmes formations paraissent les serpentines qui fournissent l’amiante, le soapstone ou stéatite et le fer chromé.
La richesse des alluvions aurifères de la Beauce est bien connue.
On a percé, en divers endroits de la province, des puits de gaz naturel, et de pétrole dans la Gaspésie. Les dépôts de fer des marais, d’ocre, de tourbe, de marne, sont nombreux, de même que les sources d’eaux minérales. Les granits gris et blancs couvrent de grandes surfaces, particulièrement dans les comtés de Compton et de Stanstead, et les granits et syénites accompagnent les roches laurentiennes dans les comtés du nord du fleuve et le long du chemin de fer du Lac-Saint-Jean. Les roches diorite, dolérite et trachyte forment les montagnes de Yamaska, Johnston, Rougemont, Montarville, Montréal, Rigaud, Brome et Shefford. L’argile à briques est exploitée sur les rives du Saint-Laurent, en plusieurs endroits. Le mica est abondant dans les régions de l’Outaouais et du Saguenay.
D’après un récent rapport de M. Obalski, ingénieur des mines du gouvernement provincial, les principales exploitations existantes embrassent le fer, l’amiante, le cuivre, l’or, le graphite, le mica, les mines de plomb, zinc et argent de l’île Calumet, l’ocre, la molybdénite, le feldspath et les phosphates de l’Outaouais.
On estime à plus de $2,000,000 la valeur de l’or extrait au simple lavage des alluvions de la Beauce. Deux compagnies locales font actuellement des travaux dans cette région, avec des résultats assez satisfaisants pour attirer l’attention des capitalistes. L’organisation de compagnies assez puissantes permettrait leur exploitation ; cette exploitation demanderait des machines dispendieuses ; mais, comme l’affirment les experts, elle serait à coup sûr lucrative.
Le fer est probablement le métal le plus abondant dans la province. On le trouve partout sous les formes les plus diverses, mêlé au sable des grèves, dans les marais, etc., à l’état de fer magnétique, oligiste, titané et chromé et d’hématite. Les deux principales exploitations sont les hauts fourneaux de Radnor, sur le Saint-Maurice, et de Drummondville, au sud du fleuve, qui opèrent sur le fer des marais, et produisent de 6 à 7 mille tonnes de fonte par an. Les mines de fer chromé des Cantons de l’Est ont une production annuelle de plus de 2000 tonnes, qui trouvent un marché avantageux aux États-Unis. Le fer titané de Saint-Urbain, des Sept-Iles et du Lac-Saint-Jean, et les sables magnétiques du Golfe méritent une mention particulière, bien qu’ils n’aient pas été exploités jusqu’aujourd’hui.
À Capleton, près de Sherbrooke, deux compagnies importantes extraient 30,000 tonnes de minérai de cuivre par année. L’amiante est exploité sur une grande échelle dans les mines de Thetford, du Lac-Noir et de Danville, ainsi que dans la région de l’Outaouais, avec un rendement dont le total dépasse 12,000 tonnes par année.
L’amiante (asbestos ou chrysotile) de la province de Québec est réputé le meilleur du monde entier ; les gisements connus de ce minérai comprennent au delà de 8,000 hectares répartis entre les cantons de Thetford, Coleraine, Shipton et Ireland.
En 1896, on a expédié d’Ottawa du mica pour une valeur de $80,000. On extrait l’ocre dans le district de Trois-Rivières ; la production est d’environ 1200 tonnes. La blende et la galène de l’île Calumet et du lac Témiscamingue sont aussi en exploitation, de même que le graphite dans l’Outaouais.
Cette brève revue ne comprend pas, naturellement, les travaux de fouilles expérimentales qui se poursuivent sur les divers points de la province, non plus que les exploitations de matériaux de construction, qui sont en grand nombre.
D’après les chiffres officiels du Canada, qui n’indiquent pas la provenance des produits par provinces, on estime que l’exportation de l’amiante, du feldspath, du mica, de la fonte, du fer chromé, du cuivre, de l’ocre, du phosphate de chaux, du graphite et des matériaux de construction existant dans la province de Québec, représente une valeur d’environ $2.000,000 par année, plus de dix millions de francs, sans compter la consommation locale.
Comme nous le disions au début de ce chapitre, la province de Québec possède des richesses minières aussi importantes que variées, mais dont la véritable exploitation est encore à faire. Ce qui lui manque, ce sont les capitaux et les industriels capables d’utiliser habilement ces trésors. Ce court chapitre, limité à des données générales, suffira peut-être pour que les capitalistes et ingénieurs reconnaissent l’utilité d’une étude plus approfondie des ressources que présente la province de Québec et des fortunes qu’elle tient en réserve pour les hommes d’entreprise.