La philosophie du bon sens/V/XVII
§. XVII.
e viens, Madame, d’établir la Poſſibilité de la Matérialité de l’Ame Humaine. Mais, quoiqu’elle eut pû être matérielle, raiſonnable, & immortelle, il a plû à Dieu de la faire ſpirituelle, & d’une Subſtance qui ne tombe
point ſous nos Sens. Cela ne détruit pas le Siſtême, que je viens de vous expliquer, de l’Ame raiſonnable & ſenſitive. Il n’a rien de contraire à la Foi, dès que l’on croit que l’Ame raiſonnable, qui eſt celle qui eſt deſtinée à l’Immortalité, & ; pour ainſi dire, la ſeule véritable Ame, eſt incorporelle. La Foi termine & borne tous nos Doutes. Ainſi, après avoir examiné les Choſes, il ne reſte plus qu’à ſe ſoumettre ; la Croïance de la Spiritualité de l’Ame, que nous apprend la Révélation, n’aïant rien de contraire à la Lumiere Naturelle. Car, quoiqu’il
nous ſoit difficile de concevoir une Subſtance ſans
Etendue ; cependant, la Certitude de la Spiritualité de Dieu peut nous élever juſqu’à la Connoiſſance de l’Immatérialité de nôtre Ame. Nous ſavons, qu’il éxiſte quelque-choſe de plus parfait que la Matiere : nous en convenons. Nos Ames ne peuvent-elles pas être d’une même Qualité que cet Etre ? Il n’eſt pas
plus difficile, à un Eſprit ſouverainement puiſſant, de produire une Ame ſpirituelle, que d’accorder la Penſée à la Matiere. Celui, qui de rien a tout fait, & qui peut tout réduire à rien, pour créer nos Ames immatérielles, n’a eu qu’à le vouloir.