La philosophie du bon sens/V/XVII

◄  XVI.
XVIII  ►

§. XVII.

Que l’Ame est spirituelle,
et qu’on est obligé de la
croire immatérielle.


Je viens, Madame, d’établir la Poſſibilité de la Matérialité de l’Ame Humaine. Mais, quoiqu’elle eut pû être matérielle, raiſonnable, & immortelle, il a plû à Dieu de la faire ſpirituelle, & d’une Subſtance qui ne tombe point ſous nos Sens. Cela ne détruit pas le Siſtême, que je viens de vous expliquer, de l’Ame raiſonnable & ſenſitive. Il n’a rien de contraire à la Foi, dès que l’on croit que l’Ame raiſonnable, qui eſt celle qui eſt deſtinée à l’Immortalité, & ; pour ainſi dire, la ſeule véritable Ame, eſt incorporelle. La Foi termine & borne tous nos Doutes. Ainſi, après avoir examiné les Choſes, il ne reſte plus qu’à ſe ſoumettre ; la Croïance de la Spiritualité de l’Ame, que nous apprend la Révélation, n’aïant rien de contraire à la Lumiere Naturelle. Car, quoiqu’il nous ſoit difficile de concevoir une Subſtance ſans Etendue ; cependant, la Certitude de la Spiritualité de Dieu peut nous élever juſqu’à la Connoiſſance de l’Immatérialité de nôtre Ame. Nous ſavons, qu’il éxiſte quelque-choſe de plus parfait que la Matiere : nous en convenons. Nos Ames ne peuvent-elles pas être d’une même Qualité que cet Etre ? Il n’eſt pas plus difficile, à un Eſprit ſouverainement puiſſant, de produire une Ame ſpirituelle, que d’accorder la Penſée à la Matiere. Celui, qui de rien a tout fait, & qui peut tout réduire à rien, pour créer nos Ames immatérielles, n’a eu qu’à le vouloir.