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§. X.


Recapitulation des Rai-
sons de l’Incertitude
de l’Hiſtoire.


Vous appercevez aiſément, Madame, la Néceſſité de n’accorder votre Croïance à l’Hiſtoire, qu’autant que les Faits qu’elle rapporte ne bleſſent point votre Lumiere Naturelle. J’ai tâché de vous montrer l’Incertitude, que l’Ancienneté des Tems a répandue dans ſes Commencemens, & les Cauſes des différentes Opinions des Ecrivains de nos Jours. Vous avez pu appercevoir combien les Préjugés & la Religion influent ſur leur Eſprit, & combien ils ſont forcés de s’accommoder au Gout du Peuple[1]. Ainſi, il vous eſt aiſé de conclurre, qu’on ne peut appuïer un Sentiment de l’Autorité de l’Hiſtoire, qu’autant qu’elle s’accorde parfaitement avec la Raiſon. Prodiges, Miracles, Choſes furprenantes & contre la Nature, ſont des Ridiculitez & des Menſonges, que le Nom d’un Auteur, quelque Mérite qu’il ait, ne peut rendre vrai ſemblables.

Avant d’aller plus avant, & d’entrer dans la Diſcuſſion du peu de Choſes que nous pouvons nous démontrer par la Lumiere Naturelle & par nos Connoiſſances, nous examinerons la Croïance que nous devons donner à la Tradition, & à l’Autorité des Savans, afin que, dépouillés de tous les Préjugés, nous ne ſoïons point arrêtez par de vaines Difficultez, & par des Argumens fondez ſur des Principes, qui, dès qu’ils ſont contraires à la Raiſon, ſont encore moins reſpectables que l’Incertitude de l’Hiſtoire.


  1. Ut recte dicit Syneſius in Calvitii Encomio, Τὸ δὲ ρᾶϛον ϰαταγελάσειο δῆμος δεῖται γὰρ τερατείας. Ridet ac deſpicit Plebs quod facillimum intellectu : opus verò ei Narratione fabuloſâ. Schoockius, de Fabulâ Hamelenfi, Part. II, Cap. II, pag. 3.