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§. III.


des Sciences où l’on trouve
le plus de Certitude.


Il eſt des Sciences, telles que la Géométrie, l’Algebre, une grande Partie de l’Aſtronomie, la Phyſique Expérimentale, où, lorsqu’on emploïe l’Attention & l’Etude, on peut ſe flatter de marcher dans le bon Chemin. La Vérité éclaire preſque toujours de ſon Flambeau les Géometres dans leurs Opérations, les Algébriſtes dans leurs Calculs, les Aſtronomes dans leurs Supputations, & les Phyſiciens dans leurs Expériences. S’ils viennent à ſe tromper, ils peuvent reconnoître leurs Erreurs eux-mêmes : on peut les leur montrer d’une Façon ſenſible, qui les ramene à la Vérité. Mais, dans la Logique, la Métaphyſique, & cette partie de la Phyſique où l’on traitte des Principes généraux, l’Eſprit peut errer impunément, ſans craindre qu’on lui prouve ſon Erreur : il a beau Champ, pour ſe donner Carriere ; & comme les Choſes qu’on cherche à approfondir ſont impénétrables, tous les Demi-Savans veulent donner leurs Conjectures pour des Déciſions autentiques. On diroit, qu’on est encor dans le Tems du Schisme d’Occident, & que chaque Profeſſeur de Philoſophie est un Pape, qui décide qu’un certain Nombre des Opinions d’Ariſtote & de Scot ſera deſormais une Regle de Foi.

Une Choſe, que j’ai remarquée, & dont on peut aiſément s’appercevoir, c’est que, dans les Ecoles, & parmi les Demi-Savans, on fait très peu de Cas de la Géométrie, de l’Aſtronomie, &c. À peine en donne-t-on une légere Idée aux Jeunes-Gens. Mais, on leur apprend toutes les Subtilitez de la Logique de Scot & de Saint Thomas, & les Inutilitez de celle d’Ariſtote. On les éxerce à criailler & à disputer avec beaucoup de Feu ſur les huit Livres de sa Phyſique, qui ne ſont qu’un ſimple Ramas de Mots. Ce n’est pas qu’il fût plus difficile de s’appliquer à quelque Science utile, qu’à des Etudes auſſi infructueuſes ; mais, ſans la Dispute, les Demi-Savans croiroient ne pas briller. Il en est d’un Scolastique, comme de la Comteſſe de Pimbeche. La Plaideuſe penſe, Que vivre ſans Procès n’eſt pas Contentement :

Et le Régent de Collége croit que, Vivre ſans diſputer n’eſt pas Contentement.

Les Demi-Savans trouvent donc dans la Logique ordinaire, dans les Principes généraux de la Phyſique, & dans la Métaphyſique de l’Ecole, un Champ de Bataille digne de leur Envie de combattre. Ils augmentent, par leurs Diſtinctions, Diviſions, & Sub-Diviſions, l’Incertitude des Matieres ſur lesquelles ils diſputent, & ils les rendent tout-à-fait inintelligibles.