La nouvelle administration de la Corée/Chapitre 2/05

V. — ADMINISTRATION LOCALE

Après une étude approfondie des conditions d’existence dans les diverses provinces, le Gouvernement général a promulgué, le 29 juillet 1920, diverses lois et divers règlements dont l’ensemble ne peut encore être considéré comme constituant un système donnant à chaque province son autonomie administrative. En réalité, les masses doivent d’abord être instruites et ce ne sera que lorsque leur éducation civique sera suffisante qu’on pourra leur confier la direction des affaires publiques dans chaque localités.

A. Réforme de système d’administration locale

Naguère ce système était composé, au plus bas degré de l’échelle administrative, des bureaux de préfectures dans les villes et des bureaux « Myon » dans les villages, le budget des écoles publiques étant administré par des associations scolaires pour les Japonais et des Conseils d’instruction publique pour les Coréens, Des groupes de notables s’occupaient de l’irrigation des terres. Toutes ces associations étaient autonomes, mais le public n’avait aucun moyen de faire connaître officiellement ses désirs ou ses besoins.

Les membres des Conseils municipaux et les conseillers privés des chefs de village étaient fort peu nombreux, n’avaient que voix consultative et étaient nommés par le Gouvernement ; on ne pouvait donc les considérer connue les mandataires du peuple.

Quant aux préfets et aux chefs de village eux-mêmes, les premiers étaient des fonctionnaires de l’État et les seconds étaient choisis par le Gouvernement général. Les fonds destinés à l’entretien des écoles publiques étaient gérés par les préfets, les magistrats de districts, ou les Gouverneurs des diverses îles, l’usage des fonds jugés nécessaires aux travaux publics étant laissé à la discrétion des gouverneurs des provinces.

Les conseillers, généralement choisis parmi les hommes les plus influents et du rang social le plus élevé, n’étaient point rétribués.

D’après le nouveau règlement, les Coréens auront une part beaucoup plus grande aux affaires et pourront plus facilement faire connaître leurs désirs et leurs besoins. Voici sur quelles bases le système administratif local a été révisé :

1. Administration des villes et des villages

Des conseils communaux ont été créés dans les villages, ces conseils ayant voix consultative pour toutes questions financières et toutes autres questions importantes, et l’organisation des conseils municipaux (dans les villes) a été modifiée. Dans les villes et dans certains villages, les conseillers sont élus, dans d’autres où l’on craint que les élections ne fassent naître des conflits graves entre les divers partis, ils sont nommés par les magistrats de districts ou par les Gouverneurs des îles, leur choix étant dans une certaine mesure guidé par les notables du village.

2. Finances scolaires

Autrefois, les comités spéciaux appelés comités de dépenses scolaires ne s’occupaient que de l’instruction primaire des enfants coréens. Leur statut a été profondément modifié, ces comités sont aujourd’hui chargés des affaires concernant l’éducation en général de tous les Coréens résidant dans les municipalités, les districts et les îles ; ils devront également contrôler la perception des impôts affectés aux dépenses scolaires, les réquisitions de main-d’œuvre et de matériel, la perception de certains loyers, rémission d’emprunts ainsi que l’inscription aux divers budgets de nouvelles dépenses scolaires.

3. Budgets provinciaux

Les bureaux ou commissions chargés de contrôler les dépenses des provinces ont aujourd’hui des pouvoirs beaucoup plus étendus. Ils sont maintenant chargés, non seulement de la perception de certains impôts, mais du soin de trouver de nouvelles sources de revenus, de loucher des loyers et des droits d’écolage, d’émettre des emprunts, d’inscrire de nouvelles dépenses au budget et d’entreprendre certains travaux d’ordre social. En outre, des conseils provinciaux à voix consul­tative ont été créés ; les membres en sont nommés par les Gouverneurs des provinces et choisis par eux entre les candidats élus par les membres des conseils muni­cipaux et communaux aussi bien que parmi les rési­dents les plus qualifiés.

Cette réforme du système administratif local a été effectuée le 1er octobre 1920 et l’élection des conseillers de préfectures, des conseillers municipaux ainsi que des conseillers communaux de certains villages a eu lieu le 20 novembre de la même année. Les Coréens se montrèrent d’abord assez indifférents et ce ne fut qu’après de nombreuses exhortations qu’ils commen­cèrent à comprendre l’intérêt que ces élections pou­vaient avoir pour eux. Peu avant la date fixée, ils donnèrent des signes visibles d’enthousiasme et nombreux furent les Coréens influents qui posèrent leur candidature. Le résultat des élections fut le suivant :

PRÉFECTURES (villes)
Nombre de
votants.

Nombre de
votes.

P. 100.

Membres
élus.

Japonais 6 251 5 486 88 134
Coréens 4 713 3 122 66 56


VILLAGES
Nombre de
votants.

Nombre de
votes.

P. 100.

Membres
élus.

Japonais 1 399 1 224 88 130
Coréens 1 633 1 198 73 126

Les Coréens élus étaient tous des hommes instruits et très influents. En beaucoup d’endroits, les Japonais restreignirent le nombre de leurs candidats et facili­tèrent l’élection des Coréens qualifiés. Enfin de nom­breux Coréens votèrent pour des candidats japonais.

Les membres des conseils des villages où les élections n’eurent pas lieu furent choisis par de Gouvernement. Élections et nominations furent terminées le 20 décembre 1920.

La liste suivante est celle des membres des conseils provinciaux :

Membres nommés
par le
Gouvernement.

Membre
élus.

Total.

Japonais 63 24 87
Coréens 56 219 275
 Total 119 243 362
B. Premières séances des conseils provinciaux

Les premières séances des conseils ainsi constitués eurent lieu en février et en mars. La durée des sessions fut de cinq à dix jours et la moyenne de présence fut très bonne. L’enthousiasme des membres fut très grand et les relations entre les membres, de même que les relations entre les divers conseils et les autorités, furent très cordiales. Les résultats obtenus sont donc très encourageants.

C. Surveillance des administrations locales et tournées d’inspection.

L’ancien Gouvernement coréen entretenait des inspecteurs chargés de voyager sous un déguisement et de se rendre compte des travaux des diverses administrations locales. Ces inspecteurs étaient fort utiles, pour tant beaucoup d’entre eux profitaient de leurs situations pour exiger des redevances des fonctionnaires qu’ils étaient chargés de surveiller. Aujourd’hui, les fonctions de chacun sont nettement déterminées et les fonctionnaires ne peuvent plus s’enrichir aux dépens de leurs administrés.

Toutefois, étant donné d’une part la plus grande complexité des services et d’autre part l’extension de pouvoir donnée aux Gouverneurs de province, il a paru indispensable d’exercer, dans les provinces, une surveillance constante, et de tenir la main à ce que tous les actes des autorités aient pour objet le bien-être du peuple. On a également compris la nécessité d’une liaison constante entre les provinces et l’administration centrale, afin de faire connaître au peuple le véritable esprit de l’administration et à l’administration les sentiments les plus intimes du peuple. Dans ce but le Gouvernement a décidé de nommer deux inspecteurs, cinq secrétaires et un certain nombre d’employés qui constitueront le personnel d’un nouveau bureau, lequel

sera chargé spécialement de cette tâche.
D. Création de sous-secrétariats provinciaux

Si des pouvoirs beaucoup plus étendus ont été donnés aux Gouverneurs des provinces, le nombre des affaires dont ils doivent s’occuper a beaucoup augmenté. Le Gouvernement a donc compris la nécessité de créer des postes assez élevés dans la hiérarchie administrative pour seconder ces Gouverneurs, et d’encourager les petits fonctionnaires des provinces à acquérir les connaissances et l’expérience nécessaires pour les remplir. À l’heure actuelle, on vient de nommer dans chaque province deux sous-secrétaires (l’un Japonais et l’autre Coréen), et le nombre de ces sous-secrétaires est appelé à augmenter.

E. Entretien des temples confucianistes et administration des biens religieux

La religion la plus répandue en Corée est depuis longtemps le Confucianisme. Chaque district a son temple. Dans ces temples se réunissent les notables et les lettrés, soit pour y assister à des services religieux, soit pour y délibérer des questions d’art, de philosophie, d’éducation, etc. soit même pour y louer ou condamner publiquement certaines actions intéressant la communauté. Chaque temple est le centre de la vie intellectuelle et religieuse du district ; chaque temple a ses domaines dont les revenus servaient jadis à alimenter le budget de certaines œuvres d’intérêt général.

Or depuis l’établissement des écoles primaires publiques, l’administration de ces revenus a été confiée aux préfets, qui en général les ont employés à la construction et à l’entretien des écoles, et cela au grand déplaisir des lettrés qui ont, à maintes reprises, réclamé le retour aux anciennes coutumes.

C’est pourquoi le Gouvernement vient de décider que dorénavant les revenus des domaines religieux serviraient à assurer l’entretien des temples et la régularité des services et que le surplus serait employé à des œuvres d’éducation générale, les préfets et les magistrats chargés de la répartition de ces fonds devant prendre à ce sujet conseil de certains représentants élus par les lettrés de chaque localité.

F. Abolition des corvées et suppression des expropriations

Sous l’ancien régime, il y avait fort peu de routes en Corée et toutes étaient mauvaises. Dès que la Corée et le Japon furent unis, le Gouvernement s’efforça d’améliorer les voies de communication. En 1915, il fut décidé de construire tout un réseau de grandes routes, de routes et de chemins, et ce programme fut immédia­tement mis à exécution. Dans ce but, le Gouvernement fut souvent obligé de réquisitionner la main-d’œuvre, ce qui était une antique coutume en Corée, et de per­suader aux propriétaires de faire don des terrains néces­saires à l’exécution de ces travaux. Or, le zèle des fonctionnaires mécontenta parfois les principaux inté­ressés. C’est pourquoi, en octobre 1919, le Gouvernement décida d’abolir les corvées et d’acheter les terrains nécessaires pour toutes les grandes routes et les routes. Quant aux chemins, il fut décidé, étant donné l’état des finances de la plupart des localités devant participer aux frais de construction et d’entretien, d’autoriser la réquisition de la main-d’œuvre pour la réfection bi­-annuelle et en cas de force majeure. La main-d’œuvre continuera à être réquisitionnée pour la construction et la réfection des chemins vicinaux, mais les matériaux nécessaires seront achetés sur place aux prix des cours. Les réquisitions de main-d’œuvre n’auront lieu qu’aux époques où les paysans ne seront pas absorbés par les travaux de la terre. En ce qui concerne la réquisition des terrains nécessaires, on ménagera les intérêts des propriétaires pauvres.

En avril 1920, les autorités locales ont été autorisées à établir des impôts supplémentaires destinés à faire rentrer l’argent nécessaire pour l’exécution de ces travaux, maintenant que les réquisitions de main-d’œuvre et les expropriations ont été en grande partie supprimées.