La Vie du Bouddha (Herold)/Partie II/Chapitre 9



IX


Le nombre des croyants augmentait sans cesse, et le roi Vimbasâra donnait au Maître des preuves constantes de foi et d’amitié. Souvent, il l’invitait à prendre au palais son repas, et il avait ordonné que la ville eût alors un air de fête. On devait cacher sous les fleurs le sol des rues et les maisons étaient parées d’étendards. Partout, on répandait les parfums les plus doux, et tous, hommes et femmes, revêtaient leurs plus brillants habits. Le roi lui-même allait au-devant du Bienheureux, et il l’abritait d’un parasol doré.

Beaucoup de jeunes gens, et des plus nobles, mirent tout leur espoir en la loi du Bienheureux. Ils voulaient devenir saints, et ils abandonnèrent leurs familles. Le Bois des bambous se peuplait de pieux disciples.

Il y en eut, dans le peuple de Râjagriha, que mécontentèrent les conversions faites par le Bouddha. Ils allaient par la ville avec des murmures de colère.

« Pourquoi le fils des Çâkyas est-il venu parmi nous ? disaient-ils. Assez de moines, déjà, ne nous prêchaient-ils pas la vertu ? Et ils n’entraînaient pas les jeunes hommes comme celui-là. Maintenant, nos enfants nous quittent. Par le fils des Çâkyas, que de femmes sont veuves ! Par le fils des Çâkyas, les familles s’éteindront. C’est pour le malheur du royaume que ce moine est venu parmi nous. »

Le Maître eut bientôt de nombreux ennemis par la ville. Quand ils voyaient ses disciples, ils leur criaient des injures ou ils avaient des paroles ironiques. »

« Le grand moine est venu dans la ville de Râjagriha ; il a conquis le Bois des bambous : va-t-il conquérir tout le royaume de Magadha ? disait un passant.

— Le grand moine est venu dans la ville de Râjagriha ; il a pris ses disciples à Sañjaya, disait un autre : qui va-t-il séduire aujourd’hui ?

— Une peste serait moins néfaste que le grand moine, disait un troisième, elle tuerait moins d’enfants.

— Elle ferait moins de veuves, » gémissait une femme.

Les disciples restaient impassibles. ils sentaient pourtant que la colère grandissait dans le peuple, et ils rapportèrent au Maître les mauvaises paroles dont ils étaient accueillis.

« Que les injures ne vous troublent pas, ô disciples, répondit le Bouddha. Bientôt, on cessera de les proférer. À ceux qui vous poursuivront de railleries et d’insultes, répondez par des paroles calmes et sereines. Dites : « C’est parce qu’ils savent la vérité, la seule vérité, que les héros persuadent, que les parfaits convertissent. Qui ose outrager le Bouddha, le Saint qui convertit par la force de la vérité ? » Alors, on se taira, et, dans quelques jours, vous irez par la ville, sans rencontrer personne qui ne vous respecte et ne vous loue. »

Il en fut comme avait dit le Bouddha. Les voix mauvaises se turent, et tous, dans Râjagriha, honoraient les disciples du Maître.