La Vie du Bouddha (Herold)/Partie II/Chapitre 8

L’Édition d’art (p. 128-131).



VIII


Deux jeunes brahmanes, Çâripoutra et Maugalyâyana, vivaient alors dans la ville de Râjagriha. Ils étaient les meilleurs amis du monde et ils suivaient les leçons d’un ascète, Sañjaya. Ils avaient échangé cette promesse : « Celui de nous deux qui, le premier, obtiendra la délivrance de la mort, en préviendra l’autre sur-le-champ. »

Or, un jour, Çâripoutra aperçut Açvajit qui, par les rues de Râjagriha, recueillait des aumônes. Il fut frappé de sa bonne mine, de son maintien noble et modeste, de sa démarche calme et grave.

« En vérité, pensa-t-il, voilà un de ces moines qui, dès la vie terrestre, trouvent le sûr chemin de la sainteté. Il faut que j’aille à lui ; je lui demanderai qui est son maître, et à quelle loi il obéit. »

Mais il réfléchit :

« Le moment est mauvais pour interroger ce moine. Il recueille des aumônes, et je ne dois pas le troubler. Je vais le suivre, et, quand il sera satisfait des dons reçus, je l’aborderai, et je causerai avec lui. »

Çâripoutra suivit donc le vénérable Açvajit qui, bientôt, cessa de chercher des aumônes. Alors, il alla à lui, et le salua amicalement. Açvajit rendit à Çâripoutra son salut.

« Ami, dit Çâripoutra, ta figure est sereine, ton regard est pur et clair. Qui t’a fait renoncer au monde ? Qui est ton maître ? À quelle loi obéis-tu ?

— Ami, répondit Açvajit, j’ai pour maître le grand moine, le fils des Çâkyas.

— Que dit ton maître, ami, qu’enseigne-t-il ?

— Ami, c’est récemment que j’ai quitté le monde ; je ne connais la loi que depuis peu de temps ; je ne puis te la dire dans toute son ampleur, mais je puis brièvement t’en faire saisir l’esprit.

— Fais cela, ami, s’écria Çâripoutra. Parle peu, parle beaucoup, comme il te plaira ; mais dis-moi l’esprit de la loi. L’esprit seul m’importe. »

Le vénérable Açvajit dit cette seule parole :

« Le Parfait enseigne la cause, le Parfait enseigne les fins. »

Quand il entendit ces mots, Çâripoutra se sentit tout heureux ; il lui sembla qu’il entrevoyait la vérité : « Tout ce qui naît a une fin, » pensa-t-il. Il remercia fort Açvajit, et il le quitta, plein d’espoir.

Il alla trouver Maudgalyâyana.

« Ami, dit Maudgalyâyana en apercevant Çâripoutra, ami, que ta figure est sereine ! que ton regard est pur et clair ! Aurais-tu obtenu la délivrance de la mort ?

— Oui, ami. Un maître est venu près de Râjagriha qui enseigne la délivrance de la mort. »

Çâripoutra raconta la rencontre qu’il avait faite, et les deux amis résolurent d’aller trouver le Bienheureux. Leur maître Sañjaya voulut les retenir.

Restez avec moi, dit-il, je vous donnerai une place éminente parmi mes disciples. Vous serez, vous aussi, des maîtres ; vous serez mes égaux.

— Que nous importe d’être tes égaux ? À quoi bon propager l’ignorance ? Nous savons maintenant ce que valent tes leçons. Nous serions coupables de devenir des maîtres d’ignorance. »

Sañjaya insistait, mais, tout à coup, du sang chaud s’échappa de sa bouche. Les deux amis reculèrent avec horreur.

Ils cherchèrent le Bouddha ; ils le trouvèrent.

« Voici, dit le Maître en les voyant, voici les deux hommes qui seront les premiers parmi les miens. »

Et il les reçut avec joie dans la communauté.