La Vie du Bouddha (Herold)/Partie I/Chapitre 8

L’Édition d’art (p. 38-40).

VIII


Le prince Siddhârtha se sentit heureux avec la princesse, sa femme. Et le roi qui, plus que jamais, adorait son fils, prenait soin qu’on écartât de lui tous les spectacles qui eussent pu l’affliger. Il lui fit construire trois palais magnifiques, un pour l’hiver, un pour l’été, le troisième pour la saison des pluies, et il lui défendit d’en sortir et d’errer par l’immensité de la terre.

Alors, dans ses palais, blancs comme les nuages d’automne, clairs comme les chars célestes des Dieux et des Déesses, le prince connut tous les plaisirs ; il vécut dans la volupté, et il passa les heures à écouter la musique dont le charmaient la princesse et les jeunes femmes, ses suivantes. Il regardait les danses qu’au son des timbales d’or menaient de belles danseuses, des danseuses souriantes, plus légères, plus aimables que les Apsaras bienheureuses.

Des femmes tournaient vers lui des yeux furtifs ; elles jouaient des sourcils, des paupières et des prunelles. Il s’amusait de leurs jeux, il était prisonnier de leurs grâces, et il ne songeait pas à quitter des demeures pleines de rires et de chansons. Il ignorait la vieillesse et la maladie ; il ignorait la mort.

Çouddhodana se réjouissait fort de la vie que menait son fils, mais, pour lui-même, il était très sévère. Il s’efforçait d’avoir l’âme sereine et pure de toute passion ; il s’abstenait de toute œuvre coupable, il prodiguait les dons aux êtres vertueux. Il ne se laissait point aller à la mollesse, ni aux plaisirs, il ne se laissait point brûler par le poison de l’avarice. Comme on soumet au joug des chevaux impétueux, il domptait les sens, et il l’emportait en sagesse sur ses parents et ses amis. Il ne cherchait pas le savoir pour nuire à autrui, il ne s’instruisait que dans les sciences qui peuvent servir à tous ; il ne voulait pas seulement le bien de son peuple, il désirait que partout les hommes fussent heureux. Il se purifiait le corps avec l’eau des étangs sacrés, et il se purifiait l’âme avec l’eau sainte de la vertu. Il ne prononçait pas de parole aimable, mais mensongère ; les vérités qu’il disait n’étaient jamais cruelles. Il s’efforçait d’être juste, et c’est par la droiture, non par la force, qu’il abattait l’orgueil de ses ennemis. Ceux qui avaient mérité la peine capitale, il ne les frappait pas, il ne les regardait pas avec des yeux de colère ; il leur donnait d’utiles conseils, puis il leur rendait la liberté.

Les sujets imitaient le roi, et le royaume de Kapilavastou était le plus pieux et le plus heureux des royaumes.

Or, la belle Gopâ donna au prince un fils, qui reçut le nom de Râhoula. Et le roi Çouddhodana vit avec joie que sa race se continuait, et, comme il avait été fier de la naissance de son fils, il fut fier de la naissance de son petit-fils.

Il persévéra dans la vertu, il vivait presque comme un ascète, il ne faisait que des œuvres pures ; et pourtant il poussait toujours vers de nouveaux plaisirs son fils bien-aimé, tant il avait peur de le voir quitter le palais et la ville, et marcher vers l’austère refuge des forêts saintes.