La Vertu de Rosine/XXV
XXV
LES DEUX FEMMES
La porte s’ouvrit. C’était la Folie Amoureuse qui revenait, en proie aux colères de la jalousie.
Edmond La Roche alla au-devant d’elle comme pour conjurer la tempête, mais elle le jeta de côté et marcha jusqu’au pied du lit.
— Ah ! voilà une touchante rencontre ! Madame connaît le proverbe : Ôte-toi de là que je m’y mette.
— Madame, dit Rosine, pâle et défaillante, ce n’est ni sa faute ni la mienne.
— C’est sans doute la mienne.
— Madame, je suis mourante !
Edmond La Roche s’était jeté devant sa maîtresse.
— Angèle, pas un mot !
Et il lui tenailla la main dans la sienne.
— Tu m’avais dit que mademoiselle Rosine était une vertu romaine. Je n’y croyais pas ; mais aujourd’hui que je la trouve dans mon lit, je n’en doute plus.
— Madame, si vous me connaissiez…
— Vous connaître ? Dieu m’en garde ! Je ne fais que de mauvaises connaissances. Une fille qui vient à minuit prendre mon lit d’assaut ! Mais vous ne savez donc pas que je vais appeler les voisins pour leur donner cette vertueuse comédie ?
Rosine ne voulut pas ajouter un mot pour se défendre.
Edmond La Roche avait pris à bras-le-corps la Folie Amoureuse et l’entraînait vers la porte avec fureur. Mais cette fille était robuste et décidée à tout. Elle ripostait à tort et à travers. Dans leur débat, la lampe fut renversée. Rosine, déjà levée à moitié, ressaisit ses forces et s’envola comme un oiseau emprisonné qui retrouve une fenêtre ouverte.
Elle était déjà glacée quand elle se jeta dans son lit.
— Ah ! mon Dieu ! dit-elle en appuyant sa main sur les battements de son cœur, pour cette fois, je sens bien que je me couche dans la tombe !