La Vérité sur l’Algérie/03/09


CHAPITRE IX

L’Algérie est un pays à froids.


Vous voyez la « culture tropicale » dans ces conditions ! C’est en effet sur le littoral, dans la région marine. Le phénomène est plus accentué naturellement dans la région montagneuse du Tell, et encore plus sur les Hauts Plateaux.

MM. Moureaux et Teisserencde Bort ont constaté des froids de −17° sur les hauts plateaux constantinois. Dans la région de Sétif, le thermomètre descend chaque hiver à −10°, −12° et −15°.

Le printemps y est coupé de gelées tardives. Quant aux régions sahariennes, la caractéristique de ces pays où pendant l’été on risque l’insolation, c’est, en hiver, « des refroidissements fréquents, accusés et de longue durée ».

À Biskra, les −4° ne sont pas rares. À Touggourt, les −5° et les −7° tuent les aurantiacées. M. Foureau a observé dans le Sahara, sous le tropique, le 3 janvier 1899, −10°,4.

Le froid qui ne permet pas les cultures tropicales sur le littoral ne les permet pas davantage dans les régions sahariennes, dans ces régions où l’on croit qu’un forage artésien peut donner la richesse agricole. Des dattes… oui ! mais ni café, ni ananas, ni coton, ni cacao. « La culture des légumes et fruits primeurs n’y a même aucun avenir. »


« La neige en Algérie est un phénomène beaucoup plus commun et constant que dans le bassin de la Seine notamment, où il n’est pas signalé tous les hivers.

« Du 10 au 20 janvier 1900, l’Algérie fut sous la neige, avec :

« 13 janvier : −7° à Aumale ; −5° à Laghouat ; −2° à Constantine.

« 14 janvier : −12° à Aumale ; −5° à Bou-Saada ; −6° à Djelfa ; −5° à Constantine.

« 15 janvier : −11° à Aumale ; −10° à Constantine.

« 10 janvier : −0° à Aumale ; −5° à Bou-Saada ; −10° à Constantine ; −13° et 1 mètre de neige à Sétif. »


Plus haut on a vu les moyennes officielles des minima pour 1901. La température moyenne minima est indiquée pour Alger +9°9 en janvier.

Or M. Rivière nous donne un minutieux détail d’observations montrant du 18 au 22 janvier 1901 sur Alger un terrible coup de froid et de neige.


« Dès le 17 les minima s’accentuaient sous zéro.

« Le 19 au matin l’enregistreur du Jardin d’essai indiquait que les minima s’étaient maintenus au-dessous de zéro depuis 7 heures du soir la veille. De minuit à 4 heures du matin le minimum atteint était : −6° ; pendant toute la journée du 19 et jusqu’au lendemain 20, à midi, la couche inférieure de neige marquait : −3°.

« Toute la masse d’air était refroidie ; il y avait : −5° à quelques centimètres au-dessus de la neige ; −5° à 1 mètre de hauteur et −10°,5 à 10 mètres de haut.

« … Dans Alger la circulation était interrompue et l’on devait décharger la neige des terrasses pour éviter l’effondrement…

« … Quarante mille mètres de clayonnage s’effondraient au Jardin d’essai…

« … Des journées ensoleillées succédèrent brusquement à cette série de neige et de froid : +15 et 18° à l’ombre, 26 et 28° au soleil ; aussi les végétaux ont beaucoup souffert de cette insolation instantanée.

« Le 16 février (mois pendant lequel les moyennes minima officielles disent +8°,2) le thermomètre abri du Jardin d’essai marqua −0°,8 à une heure de l’après-midi. »


Les extrêmes de 1902, nous l’avons déjà noté, chez les observateurs officiels, ne descendent pas au-dessous de zéro. Voici quelques-uns des minima réels de janvier 1902,


« Le 11 : −2° ; le 12 : −3°,5 ; le 13 : −4°,5 ; le 14 : −3°,2 ; le 15 : −0°,9 ; le 17 : −5° ; le 18 : −2°,9 ; le 19 : −0°,3 ; le 20 : −2°,9 ; le 21 : −4°9 ; le 23 : −4°5 ; le 29 : −3°,9. »


Voici une observation du 10 mars 1903 qui ne figure pas dans la brochure de M. Rivière, mais que le savant « jardinier » m’a communiquée lors de la visite où je pestais chez lui contre le froid :


À 4 heures du soir, +5° ;
8 zéro ;
4 du matin, −5°,6 ;
6 h. 30 zéro ;
8 heures +16° ;
À midi, +36°.


Vous voyez les plantes délicates gelées la nuit, rôties le jour. Cela en mars, à Alger. Imaginez les Hauts Plateaux par les mêmes coups de froid. D’ailleurs des conséquences terribles viennent parfois marquer ces abaissements de température. À la fin de l’hiver 1903-1904, lorsque j’étais en Algérie, les quatre-vingts centièmes du troupeau indigène moururent.

Et cela n’entame en rien la conviction des savants officiels, qui veulent, malgré les plus dures leçons de l’expérience, claveliser en ces mois « risqués » les moutons qui vivent exposés au froid, sans abri. Cela n’altère en rien la belle confiance du populaire et des politiciens qui veulent de plus on plus refouler le troupeau indigène sur les sols les plus exposés…

Les froids tardifs, printaniers, en avril, en mai, sont fréquents, partout, avec des gelées, sur les Hauts Plateaux. C’est les céréales, chaque année risquant la gelée (qui fit tant de dégâts en 1904). « La colonisation nouvelle qui s’avance sur les Hauts Plateaux, nous dit M. Rivière, verra la variation de ses cultures bien réduite par ces froids. »

Enfin, voici un très curieux tableau totalisant les degrés des minima, et d’après lequel il aurait fait moins froid à Paris que dans la majeure partie de l’Algérie :


El Aricha, 75 minima sous zéro 280° de froid.
Aïn-Sefra, 25 269°
Géryville, 99 333°
Aflou, 139 587°
Aumale, 67 178°
Djelfa, 82 278°
Laghouat, 46 124°
Constantine, 57 118°
Paris, 48 195°
Yarmouth, 34 73°


Ce tableau dressé par M. Rivière porte sur les minima de l’hiver 1900-1901.