La Transylvanie et ses habitants/Chapitre 10


Imprimeurs-unis (Tome Ip. 247-272).
chapitre X.
Guerres des Turcs. — Les Corvins. — Szent Imre. — Le Champ du Pain.

Les Hongrois se sont immortalisés par leurs guerres contre les Turcs. Ils ont sauvé l’Europe à plusieurs reprises. Pour comprendre tout ce que ces luttes gigantesques avaient de terrible, il faut parcourir la Hongrie, voir les ruines, interroger les traditions encore vivantes. Ces églises mutilées et noircies, ces forteresses rasées, ces noms de lieux qui vous frappent tout à coup, ces grands villages où s’agglomérait une population menacée, tout cela rappelle puissamment l’âge héroïque des Corvins.

Nous nous faisons généralement une fausse idée de ces guerres. Quand on se représente une bataille entre les Turcs et les Chrétiens, on accorde aux premiers la supériorité du nombre, aux seconds celle de la tactique, et comme il semble que l’intelligence doive toujours triompher de la force brutale, ceux-ci paraissent placés dans les meilleures conditions. Au moyen âge, où la tactique n’existe pas encore, les Chrétiens ont du moins l’avantage d’être parfaitement armés. On se figure aisément ce qu’a pu être la bataille de Tours. Nous voyons les légers cavaliers d’Abderame inonder la plaine, pareils à la marée qui monte, et se briser contre la digue vivante des guerriers pesamment armés de Charles. Puis cette muraille se meut, et les lourds cavaliers francs écrasent, martellent leurs ennemis.

Les circonstances changent quand on assiste aux guerres des Hongrois et des Turcs.

Tandis que les Magyars, après des haltes successives, s’établissaient en Pannonie et se faisaient chrétiens, les Ottomans, leurs voisins en Asie, refoulés comme eux par les Mongols, faisaient route vers les provinces méridionales, embrassaient en chemin l’islamisme, et s’emparaient du Bosphore ; en sorte que ces deux peuples de même race, partis des mêmes lieux, se retrouvaient ennemis en Europe. De part et d’autre c’étaient donc les mêmes hommes qui s’attaquaient, des Orientaux, qui portaient les coups à leur manière. On se souciait peu des règles de la tactique européenne. Tous combattaient en vrais fils de l’Asie, à cheval. Il y avait là une effroyable mêlée, chacun y allant pour son compte. C’étaient cent mille duels à armes égales, car les Hongrois, qui endossaient l’armure dans les guerres d’Allemagne, reprenaient leur costume et le sabre recourbé quand ils marchaient contre les Ottomans. Ils se couvraient seulement la poitrine d’une cuirasse légère ou d’une chemise de mailles ; sur le reste du corps brillait l’habit national, qui, pour la splendeur, ne le cédait pas aux riches vêtements des Turcs.

Au moment de livrer bataille les Hongrois n’avaient donc sur les Ottomans aucun avantage. Ils se ruaient intrépidement sur la foule des ennemis, et il fallait que leur valeur suppléât à tout. Leur art militaire consistait à attaquer avec furie et à ne pas reculer. C’est pourquoi ils ôtaient les éperons au cavalier qui portait l’étendard, sur lequel était représenté la Vierge, patronne de Hongrie ; cela voulait dire qu’il ne pouvait fuir. Souvent la supériorité de la science moderne appartenait aux Turcs. À Mohács, les Hongrois, qui combattaient un contre dix, ne furent vaincus que parce qu’ils manquaient d’artillerie ; les Turcs avaient vingt pièces de canon. Ceci s’explique par la composition des armées hongroises. Le roi appelait à lui tous les nobles du royaume, c’est-à-dire des hussards qui n’aimaient qu’à manier le sabre. L’arme blanche, qui permet aux braves de se joindre, est si bien l’arme favorite des Hongrois, qu’au siècle dernier, dans leur révolte contre l’Autriche, ils ne se servaient qu’avec répugnance du mousquet. Ils appelaient lobontz (de lobantás, flamme) les Impériaux, qui, avec leurs armes à feu, aimaient mieux combattre de loin.

Les Hongrois ne faillirent jamais à la mission qu’ils s’étaient imposée comme défenseurs de la chrétienté. Les Turcs leur rappelaient leur communauté d’origine et les conviaient au partage de l’Europe. Ils restèrent inébranlables et usèrent leurs forces dans ces luttes héroïques. Au reste, ils n’attendirent pas que les musulmans vinssent menacer leur territoire. Dès 1173, on voit deux seigneurs hongrois partir du village de Czege, en Transylvanie, gagner à cheval Constantinople, et offrir à l’empereur le secours de leurs bras. Ils rejoignent en Asie l’armée des Grecs et combattent si vaillamment les Turcs, qu’on les appelle « les hommes de fer ». Ce glorieux surnom les précède dans leur patrie, si bien qu’ils le gardent au retour et le transmettent à leurs descendants. La famille Was, « fer », existe encore.

Les guerres des Turcs durent jusqu’au temps où la puissance ottomane cesse de menacer l’Europe, c’est-à-dire jusqu’au 17e siècle. Dès lors la lutte change de caractère. La Porte, abandonnant l’impulsion religieuse du prophète, participe à la politique de l’Occident. Les empereurs et les sultans se battent pour leurs motifs personnels. Les Hongrois composent, il est vrai, la plus grande partie des armées autrichiennes ; mais aussi dans leurs révoltes ils acceptent les secours des Turcs, comme ils sollicitent ceux de la France. Ce n’est plus là l’âge des guerres saintes. Pour le trouver, il faut remonter plus haut. La grande époque est celle des Corvins. Hunyade est l’Achille de cette longue épopée.

Chacun de nous a ses héros de prédilection. On se passionne, en lisant l’histoire, pour certains personnages dont le caractère et les actions excitent notre sympathie. Bien avant mes voyages en Hongrie, j’avais un culte pour Jean Hunyade, ce héros chrétien qui consuma sa vie avec une pieuse abnégation pour le salut de sa religion et de sa patrie, dont la mort frappa de douleur l’Europe entière, et que le sultan lui-même pleura en s’écriant : Jamais il n’y eut un plus grand homme ! Tous nous pouvons revendiquer sa gloire, car il fut notre rempart à tous. Sans ses victoires les Turcs pénétraient dans l’Allemagne divisée, dans la France affaiblie, et c’en était fait peut-être de la civilisation. On éprouve de la tristesse à le dire, l’envie, cette cruelle suivante du génie, n’épargna pas un si beau dévoûment. Jean Hunyade eut à se plaindre des hommes, pour lesquels il se sacrifiait.

Le sentiment mélancolique avec lequel on suit l’histoire de sa vie s’accroît quand on foule le sol qui l’a vu naître : il redouble en face de son tombeau. Il n’y a pas de palais en ruines, pas d’église dévastée, dont la vue m’ait laissé une impression plus triste que ce simple cercueil de pierre, que cette mauvaise statue à demi brisée, à laquelle on ne sait pas s’il faut donner le nom de Jean Hunyade. C’est qu’aussi en la dure carrière du héros se résument les destinées de la noble nation qu’il a illustrée. Hunyade, qui combattit toute sa vie les Turcs, qui resta toujours grand au milieu des vicissitudes et des injustices, et dont la tombe ne devait pas être respectée, est dans l’histoire le représentant du peuple hongrois, peuple héroïque, qui soutint en défendant la chrétienté des guerres effroyables oubliées aujourd’hui, et qui verse son sang depuis trois siècles au profit de princes ingrats, pour des querelles qui ne sont pas les siennes.

Hunyade gagna sur les Turcs plus de soixante batailles, et ne vit la victoire lui échapper que dans trois combats. Il illustra trois règnes. Il était déjà la terreur des ennemis du nom chrétien quand le roi Albert mourut. Loin de prendre parti pour sa veuve, ce qui lui eût donné l’occasion d’agrandir sa propre puissance, il fut de ceux qui appelèrent au pouvoir Uladislas, roi de Pologne, lequel était plus capable de défendre la Hongrie. À peine le nouveau souverain est-il affermi sur son trône que les Turcs apparaissent menaçants sur la frontière. Hunyade vole au devant d’eux : il les bat coup sur coup à Belgrade, à Szent Imre, aux Portes de Fer. Un jour il précède l’armée hongroise à la tête de douze mille hussards. Il rencontre successivement trois corps de troupes, commandés chacun par un pacha, et les écrase. Comme il revenait vers le camp royal il voit tout à coup se développer dans une grande plaine les lignes innombrables des Turcs. Jetant les yeux sur les cavaliers qui le suivaient, il s’arrêta un moment et parut hésiter. Puis, haranguant les siens, il se précipita hardiment sur l’armée ottomane, s’empara dans la charge de quelques chefs ennemis, et les amena à Uladislas. Amurat, furieux de tant d’échecs, lança contre les Hongrois une dernière armée commandée par le pacha d’Asie-Mineure. Celui-ci suivit les traces de Hunyade, et, trouvant sur sa route quelques chrétiens malades et blessés, il les envoya à son maître. « O sultan, écrivit-il, voilà ces Hongrois que tu redoutes. » — « Quand tu les auras combattus, lui fit répondre Amurat, tu me diras ce qu’ils valent. » Peu de jours après le pacha vaincu rejoignait le camp des infidèles.

Amurat demanda la paix. La Diète convoquée à Szeged par Uladislas fut d’avis qu’on l’accordât : les Hongrois étaient affaiblis par leurs victoires. On mit fin aux hostilités, et Hunyade prêta serment, au nom du roi et du pays, devant les envoyés turcs. À peine la convention était-elle signée que tous les princes chrétiens de l’Europe reprochèrent à Uladislas de n’avoir pas poursuivi ses succès. Jusque-là ils étaient restés sourds aux appels des Hongrois, et ne répondaient que par de vagues promesses aux demandes de secours qui leur étaient faites. Ils s’engagèrent alors, si le roi rompait la trêve, à conduire des troupes nombreuses contre les infidèles. Le pape envoya à Szeged le cardinal Julien, qui devait délier les Hongrois de leur serment. Uladislas fat ébranlé, puis céda. Il était plus difficile de triompher de Jean Hunyade. Long-temps il résista. Mais le cardinal lui représenta qu’il devait profiter des offres des princes chrétiens. Hunyade savait qu’avec leurs secours il pouvait abattre pour toujours la puissance des Turcs. Il vit déjà la chrétienté sauvée, et pensa que ce magnifique résultat devait être obtenu même au prix de sa parole violée. Après avoir risqué sa vie, il sacrifiait son honneur. Cependant ce fut avec une répugnance visible qu’il promit au cardinal de recommencer la guerre. L’armée elle-même n’approuvait pas cette rupture. Les cavaliers dans leur loyauté se disaient que le bon droit n’était pas pour eux. Quiconque connaît le caractère hongrois et sait quel profond respect le dernier paysan professe pour la justice pourra prévoir le résultat de la nouvelle lutte qui s’engage. La bataille fut livrée devant Varna. Uladislas ayant péri au commencement de l’action, les Hongrois virent dans cette mort un coup du ciel, perdirent courage et se laissèrent battre. Aucun des princes chrétiens n’avait envoyé les troupes promises.

Échappé au carnage, Hunyade fut fait prisonnier par le vayvode de Valachie, Drakula, qui, sur les menaces des magnats de Hongrie, lui rendit la liberté. Il engagea la Diète à donner la couronne au fils d’Albert, que l’empereur Frédéric retenait à Vienne : avant tout il voulait que les discordes qui accompagnaient l’élection des rois fussent étouffées. Quand le choix du jeune Ladislas fut arrêté, il tourna toute son ardeur contre les Turcs. Il réclama les secours des rois de l’Europe. Charles VII de France promit de lui venir en aide aussitôt qu’il aurait chassé les Anglais de ses états. Les autres souverains resteront muets. Certain qu’il n’avait rien à espérer du dehors, et qu’il ne devait compter que sur les Hongrois seuls, Hunyade attendit patiemment l’occasion de venger la défaite de Varna. Il commença par écraser les comtes de Citley, qui avaient formé en Esclavonie une sorte de principauté indépendante, et dont la fidélité était suspecte. Cependant l’empereur gardait Ladislas V à Vienne et s’opposait à son départ pour Bude. Frédéric pressentait que le moment était proche où cette belle couronne de Hongrie allait définitivement tomber aux mains de la maison d’Autriche, qui l’avait convoitée pendant tout le moyen âge.

Les nobles hongrois s’assemblèrent sur la plaine de Rákos, qui servait à l’élection des rois, et nommèrent Jean Hunyade gouverneur du royaume de Hongrie. Avec les subsides qu’ils lui accordèrent, il put ramener dans le devoir la Valachie et la Moldavie, qui aspiraient à l’indépendance, et ravager les états de Frédéric. Il ouvrit enfin la campagne contre les Turcs avec une armée de quarante mille Hongrois. Les ennemis comptaient cent cinquante mille soldats. Une bataille dura tout un jour sans résultat décisif. Le lendemain, tandis que Hunyade mettait en déroute l’armée d’Asie, celle d’Europe tomba sur ses derrières et enleva la victoire aux troupes chrétiennes. Plus de huit mille Hongrois périrent, mais trente-quatre mille Ottomans restèrent sur le champ de bataille. Hunyade lui-même fut un moment au pouvoir des infidèles. Par bonheur les deux Turcs qui l’avaient fait prisonnier se disputèrent la croix d’or qui brillait sur sa poitrine. Il tua l’un et mit l’autre en fuite. Un guide avec lequel il voulait gagner Belgrade le conduisit chez le traître Brankovitz, despote des Rasciens, qui l’eût gardé sans l’intervention des magnats.

Enfin Ladislas put quitter Vienne et prendre possession de la couronne de Hongrie, grâce au zèle et à la fidélité de Jean Hunyade. On vit ce héros couvert de gloire, adoré de l’armée et de la nation, remettre le sceptre au jeune roi qu’il n’avait cessé d’appeler. Tout à coup la conquête de Constantinople par les Turcs apprit aux Hongrois que le danger qui menaçait l’Europe s’était accru. Mahomet avait dit : Il ne doit exister qu’un maître sur la terre comme il n’y a qu’un Dieu dans le ciel. La Diète fit un appel énergique à l’enthousiasme des Hongrois. Tout le monde courut aux armes, et Hunyade arriva à temps pour détruire une nombreuse armée qui envahissait le royaume. Mais la foule des musulmans grossissait toujours. Mahomet assembla des troupes de toutes les parties de son empire, et vint de nouveau attaquer la Hongrie, qui n’avait plus de forces nombreuses à lui opposer. Dans ce moment solennel, Hunyade en appela une dernière fois aux princes chrétiens. Il demandait que tous ensemble envoyassent cent mille soldats, et s’engageait à expulser les Turcs d’Europe en moins de trois mois. Le butin dont il comptait s’emparer aurait servi à la solde des troupes coalisées. On a peine à comprendre que la voix du peuple hongrois n’ait pas été entendue. Nul doute que Jean Hunyade aurait tenu parole, et que, s’il eût été secouru, les Ottomans étaient refoulés en Asie.

Abandonnés à eux-mêmes, les Hongrois puisèrent de nouvelles forces dans leur dévoûment. Hunyade leva à ses frais dix mille hussards. Le roi lui-même, qui, en présence du danger, s’était enfui à Vienne, abandonnant à la Providence le salut du royaume, équipa vingt mille hommes. Tous les Hongrois en état de prendre les armes volèrent à la défense de Belgrade, le premier boulevart du royaume, que deux cent mille Ottomans tenaient assiégée. Mahomet avait dans son camp des munitions de toutes sortes, et jusqu’aux chiens qui devaient dévorer les prisonniers hongrois. Ses énormes canons de vingt-sept pieds de long, dont on entendait le grondement à une distance de vingt-cinq milles, lançaient sur Belgrade des projectiles inconnus jusque alors. C’en était fait de Belgrade si Hunyade ne fût accouru. Il résolut tout d’abord de détruire la flottille turque qui fermait le Danube. Il ouvrit son plan à son beau-frère Michel Szilágyi, qui commandait Belgrade, et au moment où Hunyade attaquait de front les bateaux ennemis, les assiégés tombèrent sur eux par derrière. Cette manœuvre anéantit la flottille ottomane, et Hunyade put entrer dans la ville avec les troupes qu’il amenait. Restait l’armée de terre que Mahomet conduisait en personne. Quand la brèche fut praticable, les Turcs donnèrent l’assaut. Deux fois ils s’emparèrent des ouvrages extérieurs qui protégeaient Belgrade, deux fois ils furent repoussés. Dans un suprême effort ils s’élancèrent aux murailles avec une furie telle, que le carnage dura vingt heures sans cesser un instant. À la fin, ils firent retraite. Les Hongrois sortirent hardiment de Belgrade et les poursuivirent jusqu’à leur camp. Un dernier combat s’engagea autour des tentes de Mahomet. Le sultan, blessé à la tête, fut enlevé du champ de bataille, et les Turcs épouvantés s’enfuirent abandonnant toute leur artillerie et un riche butin. L’Europe était encore sauvée.

Trente ans de glorieux travaux avaient épuisé Jean Hunyade. Une fièvre violente, dont il oubliait les atteintes pendant l’ardeur du siége, l’emporta après quelques jours de repos. Sa dernière prière fut une exhortation aux magnats à rester unis.

Nous avons rappelé en peu de mots la vie de Jean Hunyade. Nous avons montré ce vaillant preux usant sa vie à la défense de l’Europe, qui l’abandonnait. À voir un si constant dévoûment, qui eût pensé qu’au sein de sa patrie des ennemis conspiraient sa perte, que le roi lui-même ordonnait en secret sa mort ? Allemand par sa naissance et son éducation, Ladislas ne sut pas s’appuyer sur le peuple hongrois. Instrument docile de la maison d’Autriche et du comte Ulric de Cilley, il préparait les desseins de l’une, et servait la vengeance de l’autre. Abandonné à ces influences, Ladislas devait être l’ennemi de Jean Hunyade : car le gouverneur avait abattu les comtes de Cilley, qui pouvaient nuire à sa patrie, et, en rendant au royaume son antique splendeur, il éloignait l’époque où la Hongrie deviendrait la proie de l’Autriche.

Hunyade avait reconnu, le premier de tous, l’autorité du jeune Ladislas. Il s’était empressé d’abdiquer en sa faveur le pouvoir royal qu’il avait reçu en dépôt, et qu’il aurait conservé sans peine s’il eût eu d’autre ambition que celle de servir son pays. Sa modération et sa loyauté devaient ouvrir les yeux du roi. Les conseils de la maison d’Autriche prévalurent, dans l’esprit de Ladislas, sur les inspirations de son propre cœur. Les nobles hongrois, fort attachés à Jean Hunyade, désirèrent que le jeune roi remerciât publiquement le gouverneur des services rendus à la patrie. C’était là un acte de justice auquel Ladislas dut souscrire ; mais ses conseillers saisirent cette occasion d’accuser Hunyade. Il affectait la soumission, disaient-ils, et convoitait la couronne. Chaque fois que Hunyade remportait une victoire nouvelle, on persuadait au prince que son général cherchait à s’attacher l’armée et à se populariser par la gloire. Enfin le comte Ulric de Cilley fut assez habile pour répandre le plus absurde comme le plus odieux mensonge. Il affirma que Jean Hunyade attentait à la vie du roi. Ladislas le crut, et manda le gouverneur à Vienne, n’osant pas le frapper en Hongrie. Hunyade se mit en route avec bonne foi ; mais, averti à temps par les magnats, qui lui étaient dévoués, il déclara qu’il ne franchirait pas la frontière du royaume. Ulric, impatient de le voir arriver, vint à sa rencontre jusqu’à Köpcsin. Hunyade le rejoignit à la tête de deux mille Hongrois fidèles ; mais, après quelques pourparlers, il rebroussa chemin. Il avait compris qu’Ulric cherchait à l’attirer dans la ville pour se rendre maître de sa personne.

Cependant Hunyade avait à cœur de rejoindre le roi et de lui dévoiler les intrigues dont il était entouré. Il partit une seconde fois pour Vienne ; mais, s’arrêtant à la frontière de Hongrie, il exigea, avant d’aller plus loin, un sauf-conduit de Ladislas. Ulric promit de l’apporter lui-même, et annonça que le roi arrivait à la rencontre de Jean Hunyade. Celui-ci entra donc en Autriche ; il se dirigeait avec confiance sur Vienne, quand ses amis lui conseillèrent de s’arrêter. Ni le roi ni Ulric n’étaient venus. Tout à coup Ulric paraît ; il assure qu’il porte lui-même le sauf-conduit, et un messager qui survient lui donne la fausse nouvelle que Ladislas approche. Hunyade devina aussitôt la vérité. « Ami, dit-il avec bonté au messager, n’est-il pas vrai que tu as menti ? » Puis, se tournant vers Ulric : « Traître, s’écrie-t-il, prends garde de creuser pour toi-même la tombe que tu me destines ! Tu es en mon pouvoir. Je t’imposerais le châtiment que tu mérites, si le respect et l’amour que je dois à mon souverain ne retenaient mon bras. Fuis, et ne reparais plus devant mes yeux, car je ne t’épargnerais pas. »

Hunyade se vengea de la perfidie du roi en sauvant Belgrade : car ce fut peu de temps avant sa mort qu’il faillit être victime de ses ennemis. Telle était la récompense d’une vie si longue et si pleine ! Les Turcs au moins lui rendaient justice. Mahomet déplora sa perte, et long-temps encore après lui les femmes de Constantinople effrayaient leurs enfants rebelles en prononçant le nom de Jean Hunyade.

Le gouverneur avait laissé deux fils sur lesquels retomba la haine de la maison d’Autriche. Ladislas, l’aîné, avait fait la guerre avec succès en Bohême dès l’âge de vingt ans. Il avait secondé son père, et s’était signalé à la défense de Belgrade. Ce fut sur lui que les Hongrois, qui n’espéraient plus avoir un roi allemand, jetèrent les yeux dès que le gouverneur eut expiré. À la surprise de tous, le roi confia au comte de Cilley les charges que remplissait Jean Hunyade. Ulric n’ambitionnait le pouvoir que pour perdre les Corvins. Un astrologue avait prédit que le fils de Hunyade porterait un jour la couronne de Hongrie. Ce fait, rapporté par Ulric, jeta la défiance dans l’esprit du roi. Ladislas n’ignorait pas qu’il avait reçu en héritage la haine du comte de Cilley. Ses amis interceptèrent une lettre où Ulric promettait à son beau-père, Brankovitz, la tête du jeune Hunyade. Quand le roi arriva à Belgrade avec sa cour, Ladislas résolut d’exprimer à Ulric son indignation. Il le fit appeler à la maison de ville un jour que le roi se rendait à l’église. Aux reproches qui lui furent adressés Ulric répondit par de nouvelles accusations : les deux ennemis s’animèrent, et la dispute devint si vive, que Cilley, tirant l’épée, frappa Ladislas, qui était sans armes. Celui-ci eût été tué s’il n’eût paré le coup avec le bras droit ; il reçut une large blessure à la tête. Au bruit, les nobles hongrois, qui ne quittaient pas le jeune Hunyade, se précipitèrent dans la salle, et, voyant qu’Ulric avait attaqué Ladislas désarmé, ils se jetèrent sur lui et le tuèrent à coups de sabre.

Ladislas parut devant le roi, accusant Ulric d’avoir lui-même hâté sa mort. Le roi répondit par des paroles de pardon, mais quitta sur-le-champ Belgrade. À Temesvar, il trouva la veuve de Jean Hunyade, Élisabeth Szilágyi, qui venait à sa rencontre, suivie de son plus jeune fils, Mathias. Tous deux étaient vêtus de noir. Le roi les accueillit gracieusement, les consola, parla de la gloire du gouverneur, et, faisant apporter de belles étoffes de velours rouge, leur ordonna de quitter les habits de deuil. Il promit à Élisabeth de ne venger jamais la mort du comte de Cilley ; il en fit serment sur le corps du Christ. Rassuré par les discours du roi, Ladislas quitta ses forteresses, ses amis, et suivit la cour à Bude. Dans sa loyauté, il ne devinait pas que le roi cherchait à l’attirer pour le frapper plus sûrement. Lorsque le bruit se répandit que les Turcs allaient de nouveau inonder la Hongrie, Ladislas rassembla ses troupes, et s’apprêta à marcher au devant de l’ennemi. On lui défendit de sortir de Bude avant que le jeune Mathias s’y rendît. Le roi voulait tenir en son pouvoir les deux fils de Jean Hunyade. Ils furent arrêtés dans le même moment.

Enfermé au château de Bude, Ladislas attendait qu’on lui signifiât le crime dont il était accusé ; il lui était facile d’établir son innocence aux yeux des juges. Voulait-on lui faire expier le meurtre de Cilley ? Mais il n’en était pas coupable, et d’ailleurs le roi l’avait oublié. Pourquoi l’avait-on jeté en prison ?… Au bout de trois jours on le conduisit dans une cour intérieure où était dressé un échafaud. Dès qu’il parut, une voix cria : « Ainsi périt tout sujet traître à son roi ! » L’angoisse qui était peinte sur son visage fit place à une expression de mâle courage quand il eut appris la sentence royale. Il voulut prendre la parole, mais on empêcha que sa voix ne fût entendue. Les assistants, qui étaient en petit nombre, et qu’on avait choisis entre les partisans de l’Autriche, ne purent se défendre de murmurer contre les ordres du roi quand ils virent s’avancer ce noble jeune homme, dont les yeux exprimaient à la fois la douceur et la fermeté. Il n’avait que vingt-quatre ans, et déjà il s’annonçait comme le second sauveur de la Hongrie : les Turcs et les Bohèmes pouvaient attester sa valeur. Dans ce moment, la majesté de la mort ajoutait à sa beauté naturelle. Vêtu d’une longue robe de drap d’or, il s’avança d’un pas ferme vers l’échafaud, et s’agenouilla. Le bourreau le frappa trois fois sans le tuer. Au quatrième coup, il le renversa. Ladislas se releva d’un bond, et, invoquant les lois du pays, s’écria qu’ayant reçu les trois coups sans mourir, il devait être gracié. Mais il s’embarrassa dans les plis de sa robe, et tomba. Le bourreau hésitait à le frapper une dernière fois. On lui ordonna de l’achever. Les nobles et les bourgeois qui assiégeaient la porte du château protestaient énergiquement de l’innocence de Ladislas. Si l’exécution avait eu lieu suivant les formes ordinaires, on l’eût arraché vivant des mains du bourreau ; mais tout se passa si secrètement, que le peuple apprit en même temps la condamnation et la mort du jeune Hunyade. Tous les Hongrois accompagnèrent ses restes à l’église, où ils furent déposés parmi les corps de trente-deux magnats décapités peu de temps auparavant. Dans la suite, Michel Szilágyi le fit inhumer à Fejervár.

Dès lors les Hongrois ne cachèrent plus leur aversion pour le roi, qui jugea prudent de quitter ses états. Quant au jeune Mathias, on se contenta de le garder étroitement en Autriche, puis en Bohême ; enfin, quand le trône de saint Étienne devint vacant, les Hongrois le délivrèrent, et lui donnèrent la couronne que son père avait si vaillamment défendue. Mathias Corvin se vengea des Allemands par de brillantes victoires.

Ainsi, dans cette longue lutte des Corvins et de la maison d’Autriche, celle-ci finit par succomber. Mais elle remporta un sanglant triomphe en obtenant la mort de Ladislas. Elle avait été funeste à Jean Hunyade, dont ses intrigues abrégèrent la vie. C’est donc, à tout prendre, une triste et lamentable histoire que celle de ces glorieux Corvins, qui défendaient si noblement l’indépendance nationale. Entre les détails de cette vie empoisonnée et de cette mort douloureuse, on oublie facilement que le dernier des Corvins a régné dans Vienne. Il nous reste maintenant à achever cette histoire. Il faut dire comment les cendres de ces illustres morts furent insultés un siècle et demi après les événements que nous venons de retracer.

Lorsque Michel, vayvode de Valachie, et Georges Basta, général des Impériaux, eurent remporté sur les Transylvains, en 1601, la victoire de Goroszló, ils envoyèrent leurs troupes piller le pays en détail. Les Valaques pénétrèrent dans Fejérvár, massacrèrent ceux des habitants qui n’avaient pas pris la fuite, et dévastèrent les églises. Ils étaient suivis d’une troupe d’Allemands et de Haiduques révoltés. Au milieu du pillage de la cathédrale, les brigands ouvrirent les tombeaux des princes : l’un d’eux, quand on brisa le monument de Jean Hunyade, se saisit du sceptre qui était déposé dans le cercueil du gouverneur. Il s’enfuit à toute bride, quitta la Transylvanie, et, se présentant devant Pierre Orsi, capitaine d’Esztergom : « Voici, lui dit-il, le sceptre que porta jadis le héros de la Hongrie, Jean Hunyade, des mains duquel je l’ai arraché. J’ai cherché un homme qui méritât de le recevoir, et je n’en ai pas trouvé de plus digne que toi, dont le courage m’est connu. — Peux-tu me prouver, repartit le capitaine hongrois, que c’est là le sceptre du grand Hunyade ? » Le soldat invoqua le témoignage de ses compagnons, qui assurèrent qu’il disait vrai. « Je te remercie, camarade, continua Pierre Orsi, de m’avoir apporté d’aussi loin un tel présent. » — Et il se fit remettre le sceptre. — « Mais comme tu as violé la tombe d’un grand homme, comme tu as profané de tes mains sacrilèges des mânes sacrées, tu n’es plus digne de vivre. » Puis, le faisant garrotter, il ordonne qu’on le porte sur le pont du Danube. S’adressant alors au sceptre, il dit : « Dans la main de ton illustre maître Jean Hunyade, tu sauvas le Danube et le sol hongrois du joug des Infidèles. Personne aujourd’hui n’est digne de te porter. Mais le fleuve que tu as défendu dans les calamités passées te protégera contre les souillures à venir. » À ces mots, il jeta le sceptre dans le Danube. Enfin, faisant précipiter le soldat : « Reçois maintenant, s’écrie-t-il, la récompense que tu mérites. »

Ce qui rend plus odieux ce sacrilège, c’est que là même où il a été commis le sol parle des gloires de Jean Hunyade. Aux portes de Carlsbourg, le gouverneur gagna sur les Turcs une des plus importantes batailles qu’il leur ait livrées. Comment les profanateurs n’ont-ils pas reculé devant l’ombre victorieuse du héros ?

En effet, on se souvient encore, dans le petit village de Szent Imre[1], de la sanglante journée où Amurat perdit la plus belle armée qu’il ait fait marcher contre les Hongrois. C’est dans la grande plaine qui sépare Szent Imre de Carlsbourg que l’action s’engagea. Dans l’imminence du danger, Hunyade avait envoyé de village en village un sabre ensanglanté, suivant la vieille coutume des Huns, pour appeler toute la population aux armes. Il s’avançait à la tête de quelques troupes, attendant la levée générale des habitants, quand il fut attaqué à l’improviste par les Turcs. Surpris avant de se mettre en ordre, les Hongrois perdirent du terrain et lâchèrent pied. Plusieurs chefs illustres succombèrent, et avec eux l’évêque de Transylvanie, qui combattait à la tête de sa baronnie. Cette action n’était que le prélude d’une bataille plus générale, à laquelle prirent part tous les hommes de guerre qui répondirent à l’appel de Hunyade.

Le général ottoman, Mezet-Beg, recommanda aux siens de diriger tous leurs coups sur le grand chef des Hongrois. C’était le moyen le plus sûr de remporter la victoire. Le bruit se répandit parmi les chrétiens que les Turcs avaient résolu de tuer Hunyade dans le combat. L’alarme était grande, quand un gentilhomme nommé Simon Kemény, de la même taille et du même air que le gouverneur, s’offrit à se dévouer. Il prit l’habit, les armes et le cheval de Hunyade, et se plaça de manière à attirer les regards de l’ennemi. J’ai vu à Enyed la demi-cuirasse et le bonnet de mailles qu’il emprunta à Hunyade ; ils sont percés de coups. Kemény fut tué à la première charge, tandis que le gouverneur combattait avec cette valeur qui le rendait redoutable. Effrayés de l’apparition de ce nouvel ennemi, les Turcs abandonnèrent le champ de bataille, où vingt mille des leurs périrent. Mezet et son fils furent comptés parmi les morts. Hunyade envoya au roi plusieurs chariots chargés du butin repris sur les Turcs, et, après les largesses faites à son armée, il put encore élever quatre églises en souvenir de cette mémorable victoire.

Il faut remarquer que les grandes batailles se livrent aux environs de Carlsbourg. La longue vallée que forme le cours de la Maros est une route naturelle que suivent les armées envahissantes. C’est près de Carlsbourg, à Szent Imre, que Jean Hunyade anéantit l’armée d’Amurat, C’est encore près de Carlsbourg, entre cette ville et Szászváros, que les Hongrois remportèrent leur fameuse victoire de 1479. Assistons à cette dernière journée. Si le lecteur n’a pas pour agréables tous ces récits de bataille, qu’il s’en prenne aux Turcs. Je n’écris pas un roman. Je voyage l’histoire à la main.

Au moment où Mathias Corvin attaquait les Turcs en Hongrie, Ali-Beg envahit la Transylvanie à la tête de cent mille hommes. Le vayvode Étienne Báthori rassembla à la hâte les soldats qui n’avaient pas été rejoindre en Hongrie l’armée royale, et appela à son aide Paul Kinisi, ban de Temesvár. Il marcha à la rencontre des Turcs, qui chassaient devant eux la population, et prit position dans une plaine étendue, que sa fertilité a fait nommer Kenyér mezö, « le champ du Pain ». C’est un vaste amphithéâtre qu’on dirait destiné à servir d’arène à des combats de géants. Des collines qui figurent d’immenses gradins l’entourent circulairement ; une petite rivière le partage en deux parties et détermine la position des deux armées ; enfin la Maros, longeant l’extrémité de la plaine, semble placée là pour emporter les morts. Étienne Báthori comptait moins sur les troupes nouvellement levées qu’il commandait que sur les secours qu’il attendait de Hongrie. Cependant il excita le courage des siens en leur rappelant les nombreuses défaites des Ottomans. « Dieu et Báthori, s’écria-t-il, seront partout où sera le danger. » Le jour où l’armée ottomane vint accepter la bataille, tous les chrétiens entendirent le service divin, et communièrent avec de la terre bénie. Le vayvode avait placé à la droite les Saxons, et derrière eux les Valaques ; la gauche était formée de Sicules ; lui-même, à la tête des cavaliers les mieux armés, occupait le centre. Les Saxons commencèrent l’attaque, puis se replièrent sur la ligne des Valaques, tandis que les Sicules soutenaient de leur côté l’effort des Ottomans. On combattait de part et d’autre avec un égal courage. Báthori choisit ce moment pour charger à la tête des cavaliers. Son attaque eut un plein succès : il traversa les rangs ennemis ; mais, ayant reçu six blessures, il fut renversé de cheval. Les Transylvains ne doutèrent pas qu’il n’eût péri, et sans espérer désormais la victoire, ils résolurent de vendre chèrement leur vie.

La cavalerie hongroise était en désordre, deux mille Saxons et Valaques et huit mille Sicules avaient déjà trouvé la mort ; les Turcs, réunis en une seule masse, étaient sur le point d’écraser ce qui restait de chrétiens, quand des cris et des fanfares retentirent sur les collines. On vit tout à coup les hussards de Hongrie descendre au galop, conduits par Paul Kinisi. Tous les combattants s’animèrent d’une fureur nouvelle. Les Turcs, qui avaient encore la supériorité du nombre, espéraient triompher de ces nouveaux ennemis, tandis que les Transylvains, retrouvant le corps de Báthori, qui respirait encore, reprenaient l’offensive. Les cavaliers de Hongrie décidèrent la victoire. Kinisi, éperonnant son cheval, s’était lancé dans la mêlée, un sabre à chaque main. Il parcourut le champ de bataille, fauchant, pour ainsi dire, la foule des Ottomans. À la fin, après avoir perdu quarante mille des leurs, les Infidèles furent contraints de prendre la fuite. On les poursuivit long-temps, et les paysans, s’armant à la hâte, égorgèrent ceux qui avaient échappé aux soldats. Les vainqueurs délivrèrent des milliers de captifs que les Turcs avaient chargés de chaînes. C’était toujours ainsi que se terminaient ces grandes journées. Combien se cherchaient, se retrouvaient, qui se croyaient à jamais séparés ! Les Hongrois regagnèrent le champ de bataille, et se reposèrent, dit une chronique, super hostium cadavera.

Un trait montre combien les mœurs asiatiques avaient encore de force en Hongrie à cette époque. Les vainqueurs exécutèrent au milieu des morts des danses guerrières, et firent un repas copieux. On a cru voir dans ce fait les transports d’une joie immodérée, et, grâce aux exagérations des historiens, on l’a mal expliqué. Pour le comprendre, il faut savoir qu’aujourd’hui encore, en Hongrie, comme autrefois chez beaucoup de peuples de l’Europe, il ne se fait pas de funérailles importantes sans festin. Il faut surtout connaître la danse hongroise. Cette danse caractéristique, exécutée par des hommes seuls rangés en cercle, et faisant sonner l’éperon au son d’une musique tour à tour brillante et grave, est née évidemment sur un champ de bataille un jour de victoire. Placez dans le cercle les corps des braves tués dans le combat, et vous devinerez que ceux qui survivent rendent hommage à leurs compagnons en célébrant leur courage et déplorant leur mort. Chez les peuples primitifs, la danse a toujours un caractère sacré.

  1. Saint-Émeric.