La Science nouvelle (Vico)/Livre 2/Chapitre 09

Traduction par Jules Michelet.
Flammarion (Œuvres complètes de J. Michelet, volume des Œuvres choisies de Vicop. 494-495).


CHAPITRE IX


DE L’ASTRONOMIE POÉTIQUE.


Démonstration astronomique, fondée sur des preuves physico-philologiques de l’uniformité des principes ci-dessus établis chez toutes les nations païennes.


La force indéfinie de l’esprit humain se développant de plus en plus, et la contemplation du ciel, nécessaire pour prendre les augures, obligeant les peuples à l’observer sans cesse, le ciel s’éleva dans l’opinion des hommes, et avec lui s’élevèrent les dieux et les héros.

Pour retrouver l’astronomie poétique, nous ferons usage de trois vérités philologiques : I. L’astronomie naquit chez les Chaldéens. II. Les Phéniciens apprirent des Chaldéens et communiquèrent aux Égyptiens l’usage du cadran et la connaissance de l’élévation du pôle. III. Les Phéniciens, instruits par les mêmes Chaldéens, portèrent aux Grecs la connaissance des divinités qu’ils plaçaient dans les étoiles. — Avec ces trois vérités philologiques s’acccordent deux principes philosophiques : le premier est tiré de la nature sociale des peuples ; ils admettent difficilement les dieux étrangers, à moins qu’ils ne soient parvenus au dernier degré de liberté religieuse, ce qui n’arrive que dans une extrême décadence. Le second est physique ; l’erreur de nos yeux nous fait paraître les planètes plus grandes que les étoiles fixes.

Ces principes établis, nous dirons que, chez toutes les nations païennes de l’Orient, de l’Égypte, de la Grèce et du Latium, l’astronomie naquit uniformément d’une croyance vulgaire : les planètes paraissant beaucoup plus grandes que les étoiles fixes, les dieux montèrent dans les planètes, et les héros furent attachés aux constellations. Aussi les Phéniciens trouvèrent les dieux et les héros de la Grèce et de l’Égypte déjà préparés à jouer ces deux rôles ; et les Grecs, à leur tour, trouvèrent dans ceux du Latium la même facilité. Les héros, et les hiéroglyphes qui signifiaient leurs caractères ou leurs entreprises, furent donc placés dans le ciel, ainsi qu’un grand nombre des dieux principaux, et servirent l’astronomie des savants en donnant des noms aux étoiles. Ainsi, en partant de cette astronomie vulgaire, les premiers peuples écrivirent au ciel l’histoire de leurs dieux et de leurs héros.