Troisième partie : Maman Lison
V
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Mme Augustine répondit courrier pour courrier en accordant l’autorisation demandée. Elle venait d’envoyer sa lettre à Amanda quand on la prévint que Melle Harmant l’attendait. Elle fut surprise du changement survenu dans l’apparence de sa cliente. Mary semblait revenir à la santé.

« Je viens choisir des étoffes, dit-elle, pour toilettes de réception, toilettes de bal et toilette de mariée.

– De mariée… répéta Mme Augustine. Est-ce que j’aurai l’honneur de faire votre robe de mariage ?

– Cela se pourrait, répondit la jeune fille en souriant.

– Je suis tout à vos ordres. Seulement, je n’aurai point l’ouvrière qui travaille pour vous. Elle est très souffrante.

– Eh bien, vous en avez d’autres. Montrez-moi les étoffes. »

Mme Augustine regarda la jeune fille avec surprise.

« Est-ce que Lucie aurait eu le malheur de vous déplaire ? Vous lui témoigniez autrefois beaucoup de sympathie !

– Vous m’obligerez en ne me parlant plus de cette jeune fille.

– Je ne vous en parlerai plus ; cependant je vous prie de vouloir bien m’apprendre de quoi Lucie est coupable.

– Je n’accuse point Melle Lucie ; je ne me plains pas d’elle. Je désire qu’elle ne remette plus les pieds chez moi.

– Mais pourquoi ?

– Parce que je le veux ! » fit Mary d’un ton hautain.

Mme Augustine éprouvait pour Lucie une affection quasi maternelle. L’attitude de Mary à son égard lui fut très pénible. Elle répliqua avec fermeté :

« Il m’est impossible de bien me contenter de ces paroles. Vous faites naître dans mon esprit des soupçons sur une enfant qui possédait toute ma confiance et qui a été blessée dangereusement à mon service. Vous avez un grief contre elle. J’ai le droit et le devoir d’insister pour connaître ce grief.

– Je n’ai rien à vous répondre. »

Au moment où Mary prononçait ces mots, la portière du salon se souleva et Lucie, se soutenant à peine, parut sur le seuil.

« Quand on commet une infamie, mademoiselle, dit-elle, on a du moins le courage de la commettre tout entière.

– Lucie… Lucie… s’écria Mme Augustine toute tremblante.

– Oh pardonnez-moi, madame, répondit l’ouvrière, j’étais là derrière cette portière… J’attendais que vous fussiez seule. Le hasard m’a permis d’entendre les paroles prononcées par mademoiselle, et l’indignation ne m’a pas laissée maîtresse de moi. On m’insultait… Pouvais-je ne pas me défendre ?… Me voici. Priez Melle Harmant de vous dire en ma présence pourquoi elle ne veut pas qu’à l’avenir je remette les pieds chez elle.

– Madame, fit Mary en s’adressant à la tailleuse, vous me laissez insulter chez vous…

– Je vous prie de vous expliquer ! interrompit Lucie. Est-ce une insulte, cela ?

– Assez ! commanda Mary.

– Vous m’écouterez. Je veux me justifier. »

Mary s’élança vers la porte.

La fiancée de Lucien Labroue lui barra le passage.

« Lucie… balbutia Mme Augustine épouvantée…

– Je veux me justifier, madame ; répéta la jeune fille. C’est mon droit. Melle Harmant ne se souvient-elle plus qu’il y a huit jours elle était à mes genoux, me suppliant de me sacrifier pour elle, m’offrant de l’argent, une grosse somme, trois cent mille francs, si je consentais à m’éloigner de Paris ? Et savez-vous pourquoi tout cela ? C’est que je suis sa rivale ! Elle aime l’homme que j’aime et dont j’étais aimée ! Allons, mademoiselle, si j’ai menti, démentez-moi ! Vous aimez Lucien Labroue… et vous me haïssez parce que vous savez bien qu’en achetant son nom vous ne pouvez acheter son cœur, et que ce cœur restera plein de moi !

– Tremblez que je ne parle ! fit Mary.

– Non, je ne tremble pas, je vous défie ; et c’est la tête haute que j’attends de votre bouche une infamie nouvelle.

– Vous ignorez que je sais votre nom, dit Mary.

– Mon nom, c’est Lucie… Vous faites allusion au nom de ma mère. Ma mère a été flétrie par une condamnation. Est-ce que vous avez le droit de l’insulter et d’insulter son enfant innocente ? Je m’appelle Lucie Fortier… Nous sommes en présence l’une et l’autre, mademoiselle ; vous êtes riche et je suis pauvre. Vous portez un nom sans tache ; je porte un nom flétri. Eh bien, si humble que soit mon rôle, je le préfère au vôtre, car le vôtre est odieux !

– Madame, s’écria Mary en s’adressant à Mme Augustine, ou vous chasserez à l’instant cette fille, ou je croirai que vous m’insultez comme elle. Sa mère a été condamnée pour vol, pour incendie, pour assassinat. Bon sang ne peut mentir ?

– Mademoiselle Lucie, dit Mme Augustine d’une voix sèche, vous passerez à la caisse pour y toucher ce qui vous est dû. Vous cessez d’appartenir à ma maison. »

Lucie devint livide. Mary eut un sourire de triomphe. Lucie vit ce sourire.

« Ah ! vous vous réjouissez, n’est-ce pas ? reprit-elle en regardant fixement son ennemie. Non contente de me voler celui que j’aime, vous me faites chasser ! Après avoir détruit ma joie, vous m’enlevez mon pain ! Partout où je me présenterai, à cette heure, on me demandera où j’ai travaillé… Je nommerai Mme Augustine… et Mme Augustine, questionnée, répondra : « Ne prenez pas cette jeune fille, sa mère a été condamnée pour vol, pour incendie, pour assassinat !… »

– Lucie, murmura la couturière, émue.

– Ah ! madame, reprît l’ouvrière en éclatant en sanglots, vous avez été cruelle pour qui ne le méritait pas. Mais je vous pardonne de tout mon cœur… Quand à vous, ajouta-t-elle en se tournant vers Mary, Dieu se chargera de vous punir ! »

Et, après avoir prononcé ces paroles, elle sortit. Tandis que se passaient ces faits que nous venons de narrer, Georges Darier, portant une serviette d’avocat bourrée de dossiers, sortait de sa maison. Il paraissait affairé. Tout en s’éloignant, Georges ne s’aperçut pas qu’une enveloppe épaisse venait de s’échapper de sa serviette et de tomber derrière lui sur le trottoir de l’Institut.

À ce moment, Jeanne Fortier, la porteuse de pain, débouchant de la rue de Seine et traversant la voûte de l’Institut qui conduit au quai, aperçut le paquet perdu par le jeune avocat ; elle le ramassa. Sur l’enveloppe, Jeanne lut ces mots : « Monsieur Georges Darier, avocat. »

« Georges Darier, se dit-elle, le nom de l’ami de M. Lucien Labroue ? C’est lui qui a perdu cela… Je le lui reporterai. »

Jeanne plaça le petit paquet sur sa poitrine, derrière la bavette de son tablier, puis elle regagna le quai Bourbon. Lucie ne rentra que vers onze heures. Elle avait examiné froidement sa position. Elle venait d’être chassée des ateliers de Mme Augustine ; elle se trouvait sans travail, par conséquent sans ressources. Une douleur poignante l’étreignait au cœur. Un désespoir immense s’était emparé de son âme. Tout se réunissait pour l’accabler.

Quand Lucie atteignit le quai Bourbon, elle était épuisée. Elle ne pleurait pas ; une fièvre ardente brûlait son sang. Jeanne Fortier l’entendit rentrer et s’empressa de venir la rejoindre dans sa mansarde. En voyant le visage décomposé de sa fille, la porteuse de pain comprit qu’il avait dû se produire quelque chose d’anormal.

« Mon Dieu ! que s’est-il passé ? demanda-t-elle.

– Ah ! c’est le dernier coup, maman Lison ! balbutia Lucie. C’est le dernier coup ! celui qui me tue ! J’ai été chassée comme une misérable… Je suis sans travail… Après tant de souffrance, je vais être sans pain. Je vous le dis, maman Lison, il ne me reste plus qu’à mourir…

– Pourquoi votre patronne vous a-t-elle chassée ?

– Pourquoi ? répliqua Lucie, dont les sanglots éclatèrent avec violence, parce que je suis la fille de Jeanne Fortier. »

Jeanne étouffait. Elle porta ses mains à sa gorge.

« Qui donc lui a révélé cela ? fit-elle d’une voix sifflante.

– Mon ennemie… la fille de l’homme qui a fouillé dans le passé de ma mère pour m’arracher celui que j’aimais… la fille de Paul Harmant, le millionnaire !… »

Lucie fit le récit de ce qui s’était passé dans le salon de Mme Augustine.

« Et ces gens-là ne seraient pas châtiés ? dit Jeanne. Ces misérables auraient le droit de briser une existence, de calomnier une innocente enfant, de la réduire au désespoir ! La calomnie et la diffamation sont des crimes punis par la loi, c’est aux tribunaux qu’il faut s’adresser.

– Comment s’y prendre ?

– Il faut voir un avocat… le consulter… Un avocat… répéta Jeanne, en se souvenant de l’enveloppe trouvée par elle sur le quai, près de l’Institut ; l’ami de M. Lucien Labroue ne se nomme-t-il pas Georges Darier ?

– Oui, ma bonne Lison.

– Savez-vous son adresse ?

– Parfaitement… Il demeure rue Bonaparte, numéro 87.

– Eh bien, c’est lui que j’irai trouver.

– Il est l’ami de Lucien Labroue, il vous éconduira. Et puis il est l’avocat de M. Paul Harmant.

– Que m’importe ! M. Darier peut engager son client à cesser ses infamies, lui faire comprendre que la diffamation est un crime punissable… Je n’hésite point, et je vais de ce pas trouver M. Darier. »

Jeanne sortit vivement de la mansarde. En moins de vingt minutes elle arrivait à la demeure de Georges.

La veille servante vint lui ouvrir.

« M. l’avocat Darier ? demanda Jeanne.

– Monsieur est allé plaider à Tours, répondit la servante. Il ne revient que mercredi prochain.

– Six jours ! Six jours à attendre ! » murmura Jeanne.

Elle regagna le quai Bourbon. Lucie, prise d’une fièvre violente, avait été obligée de se mettre au lit. La porteuse de pain se mit en quête d’un médecin. Ce médecin, après avoir examiné la jeune fille, hocha la tête, pinça les lèvres, fronça les sourcils. Le cas était grave. Une fièvre cérébrale pouvait se déclarer d’un moment à l’autre.

* * *

Nous devons expliquer la présence de Raoul Duchemin dans le train tamponné à la gare de Bois-le-Roi. Quoique le détenteur des faux billets eût payé, il ne se gênait nullement pour raconter l’histoire du remboursement effectué par le protecteur inconnu du jeune employé. On sut dans Joigny que Raoul Duchemin avait de l’argent plein ses poches, et on se demanda par quel concours de circonstances il se trouvait en état de payer ses dettes.

On avait vu Duchemin causer avec un inconnu, dîner et déjeuner en compagnie de cet inconnu. Cela parut suspect. La rumeur publique arriva jusqu’aux oreilles du maire de Joigny.

Ce fonctionnaire demanda des explications à son employé, lequel n’en put fournir aucune. La conclusion fut celle-ci :

« Il est impossible que vous fassiez plus longtemps partie de l’administration municipale. Donnez donc votre démission, sinon je serai contraint de vous révoquer. »

Duchemin se trouva sur le pavé. Tout d’abord le jeune viveur songea à aller à Paris. Possesseur encore de quelques pièces d’or, il prit le chemin de fer. Nous savons l’accident et la suite.

Amanda attendait avec impatience le moment où l’état du blessé lui permettrait de se présenter à lui, sans s’étonner que le baron de Reiss n’eût point reparu.

Elle avait deviné que son départ cachait une rupture, mais elle caressait une idée fixe, celle de se venger.

Enfin, un jour, Madeleine lui fit signe qu’elle pouvait se rendre sans être aperçue chez le convalescent.

Le jeune homme s’attendait si peu à voir son ex-maîtresse, qu’il ne la reconnut pas tout d’abord. Amanda s’avança jusqu’au lit, Duchemin la reconnut alors.

« Amanda ! s’écria-t-il, toi ici !…

– Oui, moi, mon bon chien, répondit la jeune femme en lui prenant la main qu’elle porta à ses lèvres. J’ai été témoin de l’accident. Je t’ai reconnu : j’ai pris de tes nouvelles tous les jours, et j’ai attendu le moment où je pourrais enfin te voir… »

Le souvenir du mauvais passé revint au jeune homme.

« Que me veux-tu ? dit-il en dégageant sa main. Si je suis blessé, si j’ai failli mourir, c’est à toi que je le dois !

– À moi ! s’écria la jeune femme stupéfaite.

– Oui, à toi, car si j’ai perdu l’emploi qui me faisait vivre, si j’ai dû fuir Joigny, c’est à cause de ces misérables billets que j’ai signés pour t’en donner l’argent et qui ont failli me conduire au bagne !

– Cher Raoul, fit Amanda d’une voix tremblante d’émotion, je t’ai fait inconsciemment beaucoup de mal… Je le regrette, je t’en demande pardon… mais ma visite a des motifs sérieux, je t’assure. Consens-tu à m’écouter ? à me répondre ?

– Il le faut bien, puisque tu es là !

– J’ai tout d’abord à te mettre en garde contre les périls qui te menacent. Tu connais le baron de Reiss ?

– Le baron de Reiss !

– Oui, un homme que tu as vu à Joigny il y a un mois à peu près, et qui tient en ses mains tes billets faux… »

Duchemin devint livide. D’une voix étranglée, il bégaya :

« Comment sais-tu qu’il détient ces billets ?

– Comme je sais qu’il a acheté à Mme Delion et qu’il garde avec soin certaine reconnaissance signée par moi et fort compromettante. Pour acheter et collectionner ainsi qu’il le fait des papiers de ce genre, ce baron de Reiss, vrai ou faux, a certainement de bonnes raisons. Toi et moi nous sommes menacés, nous devons nous unir pour combattre l’ennemi commun. »

Duchemin tremblait de tout son corps. Il essaya de donner le change à son ancienne maîtresse.

« Mais je n’ai rien à craindre de lui, moi », dit-il.

Amanda haussa les épaules.

« Ne me raconte donc point de calembredaines, répliqua-t-elle. Tu sais bien que je ne suis pas une imbécile. Comment le baron de Reiss s’est-il procuré les traites enrichies par toi d’une signature de fantaisie ?

– En les remboursant.

– Connaissais-tu cet homme depuis longtemps ?

– Je le voyais ce jour pour la première fois…

– Et il est venu à ton aide ? Comment cela s’est-il passé ? »

Duchemin avait peur. Il raconta à Amanda de quelle façon imprévue le baron de Reiss lui avait offert ses services.

« Et tu n’as pas trouvé cela singulier ?

– Pourquoi aurais-je refusé un secours arrivant si juste à point pour me tirer d’affaire ?…

– Cet homme n’a rien exigé de toi ?

– Que voulais-tu qu’il exigeât ?

– Voyons, Raoul, parle ! Apprends-moi la vérité ! Je te le répète, il faut nous unir pour échapper à ce misérable qui n’est pas plus baron que toi !

– Comment se nomme-t-il ?

– Ovide Soliveau. C’est un voleur et un assassin qui a failli m’empoisonner, il y a quelques jours… Il se sentait deviné par moi. Il voyait bien que je n’étais pas dupe de son masque. Cet homme a commis plus d’un crime, et je dois en connaître un qui n’a échoué que par des circonstances indépendantes de sa volonté.

– Quel est ce crime demanda Raoul vivement intéressé.

– Il y a un mois, Ovide Soliveau voulait se débarrasser d’une jeune fille, une orpheline élevée aux Enfants-Trouvés.

Il ne réussit qu’à moitié. L’orpheline, frappée d’un coup de couteau, fut très malade, mais ne mourut pas. »

Les mots : Orpheline, élevée aux Enfants-Trouvés, avaient frappé l’esprit de Raoul Duchemin et redoublé ses terreurs.

« Le nom de cette orpheline, le sais-tu ? balbutia-t-il.

– Lucie.

– Lucie ! s’écria Raoul. Ah ! c’est bien le nom écrit sur l’acte de dépôt qu’il est venu exiger de moi.

– Un acte de dépôt ? répéta Melle Amanda.

– Oui. Cet homme, pour paiement du service qu’il m’avait rendu m’a contraint à lui livrer l’acte de dépôt fait à la mairie par la nourrice, au moment où elle allait porter la petite fille aux Enfants-Trouvés de Paris.

– Mais ce papier tu n’avais pas le droit de le lui remettre ?

– Non. Il devait demeurer dans les archives de la mairie.

– Si l’on savait que tu l’as soustrait, qu’arriverait-il ?

– Je serais perdu, répondit-il, perdu sans ressources.

– Et tu ne te vengerais pas du scélérat ? Tu ne chercherais pas à lui arracher ce papier qui te perdrait, et les traites fausses pas lesquelles il te tient !…

– Me venger ! lui arracher ces papiers ! Oh ! si, je voudrais ! Mais comment ?

– Veux-tu me promettre une obéissance absolue ?

– Oui. Que faudra-t-il faire ?

– Surveiller les agissements du faux baron de Reiss, mais il faut des ressources que je n’ai pas.

– Je te procurerai de l’argent… maintenant, je dois te dire la vérité ; nous sommes tous deux les complices de cet homme, ce qui pourrait nous mener loin. Il importe de nous dégager. »

Amanda Régamy raconta au jeune homme ce que nos lecteurs connaissent déjà. Raoul l’écouta avec attention.

« Il est certain, dit-il ensuite, que le gredin s’est servi fort adroitement de toi pour la réussite de ses projets. Il est non moins évident que son intérêt à cette heure est de rester dans l’ombre. Comment le retrouver ? Où le chercher ?

– Ovide Soliveau connaît à Paris un gros industriel qui a une usine à Courbevoie. Ils se fréquentent et, en guettant autour de la maison et de l’usine de Paul Harmant, on y verra d’un jour à l’autre entrer le faux baron de Reiss. Nous attendrons ta guérison.

– Te verrai-je demain ?

– Oui. Je viendrai te dire adieu. Te faut-il de l’argent ? La compagnie m’a fait offrir ce matin une somme de cinq mille francs à titre de transaction amiable. Cette somme me sera payée d’ici quelques jours. »

Le lendemain matin, de bonne heure, Duchemin reçut la visite d’Amanda qui lui apportait son adresse chez sa patronne, et qui, après lui avoir fait jurer de nouveau un traité d’alliance offensive et défensive, partit pour Paris.

L’histoire de Lucie Fortier et de Melle Mary Harmant s’était ébruitée. Amanda sut donc bien vite que Lucie, fille d’une femme condamnée à la réclusion, avait été congédiée, et que Melle Harmant, rivale triomphante de Lucie, allait épouser l’homme qu’elles aimaient toutes les deux.

Melle Amanda devinait, au milieu de tout cela, un fort gros mystère, ayant trait aux relations passées et présentes du faux baron et de l’industriel dix fois millionnaire, et ce mystère elle voulait le percer à jour. Le dimanche suivant, dès le matin, elle prit le train de Bois-le-Roi. Ces quelques jours avaient fait faire de grands progrès à la convalescence de Raoul Duchemin et ce fut debout qu’il reçut la visite de son ancienne maîtresse.

Amanda lui raconta par le menu ce qu’elle avait appris relativement à Lucie Fortier. Elle lui assura qu’il n’aurait pas besoin, en arrivant à Paris, de s’inquiéter de domicile. Elle mettait son logement de la rue des Dames, aux Batignolles, à sa disposition. Duchemin accepta et Amanda repartit pour Paris en se frottant les mains.






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