Les éditions du Bien public ; Les Trois-Rivières (p. 52-54).

a — Les communautés

En 1878, sur un large terrain boisé, fourni par la Fabrique, le seigneur Biron fait construire à ses frais, sous la direction de M. Olivier Duplessis et dans un admirable concours de corvées et de salaires de famine, un pensionnat de quatre étages qui ne lui coûte que 5,000. $, plus 2,000 $ d’ameublement. Il en remet les clés aux révérendes Sœurs Grises de la Croix d’Ottawa.

Le jubilé d’or célébré en 1928 a permis de faire ressortir les bienfaits de cette institution, complétée, depuis 1915, d’une école ménagère et de l’enseignement à l’école du village. L’influence heureuse pénètre dans tous nos foyers d’abord, par les grandes filles distinguées et les mères diligentes qu’elle a préparées à la vie ; — dans les écoles des environs dirigées par ses graduées, et dans le rayonnement plus large encore des soixante-dix vocations de religieuses essaimées de chez nous.

Après avoir végété à la cadence de la région, le couvent a pris son essor avec le progrès général : agrandi en 1914, incendié en 1917, reconstruit en 1922, sur les instances de M. le curé Poisson, presque doublé en 1926, il a déjà logé jusqu’à cent-quatre pensionnaires ; et du fait que des religieuses enseignent aussi à l’école Modèle mixte du village qui compte cent élèves, le couvent est l’honneur, l’héritage des familles, et la garantie de l’avenir. La beauté du site, le bocage de pins, la glissoire, le tennis pour l’agrément des élèves, la basse-cour, le laboratoire ménager et le jardin potager pour leur expérience de vie rurale, font de notre couvent un modèle du genre.

En 1911, les Frères de l’Instruction Chrétienne, ou de La Mennais, de Ploërmel en Bretagne, dont le noviciat canadien établi à Laprairie regorgeait de prospérité, firent l’acquisition du Manoir Montour, passé aux mains de MM. Biron et Duval qui avaient éclairci largement les pins séculaires, pour faire de la planche, et aussi de la place aux jeunes pousses. Bientôt une grande construction de brique masqua le château, qui n’est plus maintenant que le trait-d’union entre cette façade et un immense Collège à quatre étages qu’on voit de loin à travers les arbres.

Pour prévenir les tintamarres d’une entreprise d’hôtellerie qui menaçait d’envahir le Moulin tout proche et l’étang qui l’actionne, les Frères prennent les devants, achètent le tout de M. Thomas Garceau, retapent la chaussée, démolissent la scierie peu décorative et ferment peut-être un peu trop l’accès de ce vieux coin de poésie, de souvenirs et d’activité. La ruche est morte, surtout depuis que se tait le bourdonnement clair des scies rondes, après celui des moulanges et de la beurrerie. Tout est pour l’œil désormais.

Grâce aux plantations, aux allées, aux décorations qui agrémentent le bocage ainsi campé face au lac, entre l’église, l’étang et le chemin de la gare, les Frères possèdent, au cœur de la paroisse, la plus belle propriété du monde, un vrai domaine de seigneurs, c’est le cas de le dire. Leur province nouvelle, détachée de celle de Laprairie et dirigée par le R. F. Hipparque, possède là son juvénat de cent enfants, son noviciat et son scolasticat qui alimenteront de professeurs les Académies de Québec, des Trois-Rivières, de Shawinigan, de Grand’Mère, etc. Depuis 1922, ils exercent leurs normaliens à faire la classe à nos garçons un peu plus grands qui désirent pousser leur instruction un peu plus, pour entrer mieux armés dans la vie ou au séminaire.

Les Sœurs Dominicaines du Rosaire, logées à côté, se chargent de l’entretien de la maison, et ajoutent au travail de Marthe, la vie contemplative de Marie. Leur impressionnant costume blanc, coupé du voile et du scapulaire noirs, passe comme des ailes et donne un air d’abbaye du moyen-âge à cette solitude, où le ciel se mire dans le calme de l’étang, où la verdure sombre inspire le recueillement et l’envol de l’âme.

À l’Ouest de cette petite forêt, bien au soleil du sud, en vue du lac et de la grande route, le foyer nouveau de la Fraternité sacerdotale, dirigé par le R.P. Allard, s’adosse à la sucrerie où se voient encore les traces de l’ancien rond de course du seigneur Montour. Quand les Pères s’établirent là, les chauvins proclamèrent que le R.P. Prévost reconnaissait les mérites du lieu : « La Fraternité possède trois maisons au monde : une à Paris, une à Rome et une à la Pointe-du-Lac, les trois villes-lumières ! »

Depuis lors, la Fraternité en a établi d’autres ; mais aussi elle a fondé une autre maison chez nous, pour les Sœurs de Béthanie, devant l’église, là où se trouvait la vieille maison basse et poétique des meuniers des Tonnancour, où fut élevé Mgr Cooke et où demeurait l’hon. docteur Mailhot, gendre de la seigneuresse Montour, en attendant qu’y vécût M. Damien Bellemare, architecte. L’on s’est étonné de voir choisir pour une solitude le détour le plus vu, le plus passant et le plus humide du village.

Monseigneur Laflèche répétait souvent que les congrégations religieuses sont des paratonnerres. Avec ces cinq communautés posées chez nous, est-il possible que jamais la foudre de la colère divine écrase là Pointe-du-Lac ? Avec cela que les laïcs, ne reculent pas quand il s’agit de prier, — surtout quand ils commencent à vieillir un peu. Est-il surprenant que Dieu nous favorise de nombreux appels, de vocations religieuses ?