La Petite-Poste dévalisée/Lettre 50

Nicolas-Augustin Delalain, Louis Nicolas Frantin Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 210-213).


À M. de Boisferme.


Je suis dès long-tems prévenue, Monsieur, qu’en vous écrivant, je m’adresse à un homme dur ; mais je n’ai rien à vous demander que pour vous-même. Vous dire que je suis la fille de Madame Simoneau de Bar-sur-Aube, c’est vous révéler que vous avez une niéce à Paris. Ma pauvre mere, en mourant, n’avoit rien à me laisser : ensorte que j’ai été trop heureuse après sa mort, de trouver une Baronne qui vouloit avoir avec elle une femme de chambre Françoise. Ma Baronne retourne en Allemagne, & me laisse dans la nécessité de chercher une autre condition. Il ne s’en présente qu’une bonne ; & je viens d’apprendre que vous & votre femme allez beaucoup dans la maison en question. Je pourrois imaginer que je ne vous dois rien, en vous rappellant que vous avez tout refusé à votre sœur, à ma malheureuse mere. Mais, Monsieur, votre niéce, tout à plaindre qu’elle est, veut être plus généreuse que vous. Elle veut vous donner avis de sa position, parce qu’elle peut intéresser votre orgueil. Décidez, Monsieur, si je dois entrer chez Madame de ***. Ce n’est que votre ordre que j’attends, & non pas vos bienfaits. S’il vous importe que je quitte le service, une pension très-modique peut vous épargner le dégoût de m’y à voir : je refuserois tout au-delà du nécessaire le plus étroit, parce que je veux que vous soyez le seul objet de ma démarche. Les malheureux ont aussi leur orgueil ; mais il n’est que l’expression du courage & de la fermeté : il n’offense & n’humilie personne.

Je suis très-parfaitement, Monsieur, &c.