La Petite-Poste dévalisée/Lettre 16

Nicolas-Augustin Delalain, Louis Nicolas Frantin Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 50-52).


À M. Glawss, Maître à danser,
& Professeur d’Allemandes.


Vous sçavez ce que vous m’avez promis, mon cher Glawss. Voici un billet qu’il faut remettre à l’aimable Julie.

La vigilance de ses femmes ne pourra vous empêcher de me rendre ce service important. Il est dans une Allemande, des passes si favorables pour donner ce qu’on veut, que vous ne craindriez pas même un mari. Venez dîner demain avec moi ; je vous parlerai de quelques écolières que je vous ménage encore.

Billet à Julie.

Oh ! ma chere Julie ! défendez-vous toujours d’en croire un pere irrité contre moi. Je lui devois beaucoup, je l’avoue, mon état, mes espérances à la fortune ; mais lui devois-je d’être insensible au charme de vous voir ? Cela étoit-il possible ? Le cruel !… me chasser indignement, me frapper même !… Oh Julie ! que de choses vous avez à reparer !… Souvenez-vous que l’amour se joue de ces petites conventions de société, qui ont établi de vaines différences d’état & de fortune : il nous met tous dans la même balance ; & sa couronne est au plus tendre. Je n’ai pu gagner encore aucune de vos Bonnes ; mais je viens de découvrir que la dévote Suson a bien du foible pour le valet de chambre du Commandeur. Il est un tarif pour toutes les ames de cette espéce là : je n’épargnerai rien, & je trouverai le moyen de me voir encore à vos genoux, & de vous y jurer une inviolable fidélité. Ah ! Julie, Julie, ne devenez jamais pour moi madame de Wolmar.