Traduction par José-Maria de Heredia Voir et modifier les données sur Wikidata.
Alphonse Lemerre, éditeur (p. 151-154).


CHAPITRE XXIII

Elle va de Cadix à Séville, de Séville à Madrid, à Pampelune et à Rome, mais ayant été détroussée au Piémont, elle rentre en Espagne.


De Cadix, j’allai à Séville où je demeurai quinze jours, me celant autant que possible et fuyant le peuple qui s’attroupait pour me voir vêtue en habits d’homme. De là, je gagnai Madrid. J’y restai vingt jours sans me montrer. On m’arrêta, je ne sais pourquoi, par ordre du Vicaire. Le comte de Olivares me fit aussitôt relâcher. Alors, je m’accommodai avec le comte de Javier qui partait pour Pampelune et lui fis compagnie et service environ deux mois.

De Pampelune, quittant le comte de Javier, je partis pour Rome, car c’était l’année sainte du grand Jubilé. Je m’acheminai par la France. Je souffris de cruelles misères, car, en traversant le Piémont, aux approches de Turin, je fus accusé d’être un espion Espagnol, arrêté, dépouillé du peu de deniers et d’habits que j’avais, et tenu cinquante jours en prison. Après quoi, ces gens ayant, à ce que je présume, fait leurs diligences et n’ayant relevé aucune charge contre moi, me relâchèrent. Mais ils ne me laissèrent pas continuer mon voyage et m’enjoignirent de rebrousser chemin, sous peine des galères. Je dus donc m’en retourner à grand’peine, pauvre, à pied et mendiant. Ayant gagné Toulouse de France, je me présentai au comte de Gramont, Vice-Roi de Pau et Gouverneur de Bayonne, auquel en venant j’avais apporté et remis des lettres d’Espagne. En me voyant, ce bon gentilhomme s’affligea, me fit habiller, me régala et me donna, pour la route, cent écus et un cheval. Je partis.

Je vins à Madrid et me présentai devant Sa Majesté, La suppliant de récompenser mes services que j’exposai dans un mémoire que je remis en Ses Royales mains. Sa Majesté me renvoya au Conseil des Indes. Je m’y adressai, avec les papiers que j’avais sauvés de mon désastre. Les Seigneurs du Conseil me virent et me favorisant, sur avis de Sa Majesté, je fus appointé à huit cents écus de rente viagère, un peu moins de ce que j’avais demandé. Ce fut au mois d’août de mil six cent vingt-cinq. Entre temps, il m’advint à la Cour quelques aventures de mince étoffe que j’omets. Peu après, Sa Majesté partit pour les Cortès d’Aragon et vint à Saragosse dans les premiers jours de janvier de mil six cent vingt-six.