Traduction par José-Maria de Heredia Voir et modifier les données sur Wikidata.
Alphonse Lemerre, éditeur (p. 148-150).


CHAPITRE XXII

Elle s’embarque à Tenerife, passe à Carthagène et, de là, part pour l’Espagne sur la flotte.


L’Armada du général don Tomas de Larraspuru se trouvant à Carthagène en partance pour l’Espagne, je m’embarquai sur la Capitane, l’an mil six cent vingt-quatre. Le Général m’y accueillit fort obligeamment, me régala, me fit asseoir à sa table et me continua cet honnête traitement jusques à plus de deux cents lieues en deçà du canal de Bahama. Mais, un beau jour, dans une querelle de jeu, il m’advint d’égratigner quelqu’un au visage avec un couteau qui se trouva là. On s’en inquiéta fort. Le Général se vit contraint de m’éloigner et me transborda sur la nef Amirale où j’avais des compatriotes. Ce changement ne fut pas de mon goût et je le priai de me faire passer sur le San Telmo, capitaine Andrès de Oton. Il y consentit ; mais j’y eus de l’ennui, car cette patache qui servait d’aviso faisait eau et nous faillîmes nous y noyer.

Grâces à Dieu, nous arrivâmes à Cadix le premier de novembre de mil six cent vingt-quatre. Nous débarquâmes et je restai huit jours en cette ville. Le seigneur don Fadrique de Toledo, général de l’Armada, fut très gracieux pour moi. Il avait à son service deux de mes frères que je reconnus et lui fis connaître. Depuis lors, pour me faire honneur, il les avança beaucoup, gardant l’un d’eux à son service et donnant une enseigne à l’autre.