La Mystification fatale/Première Partie/Appendice C


Texte établi par Léandre d’André, Imprimerie André Coromilas (p. 95-102).


APPENDICE C


Hellénisation de l’Italie méridionale au moyen-âge (page 74 note)


L’hellénisation de l’Italie au moyen âge est une de ces questions dont le développement exigerait au moins un volume tout entier : je ne puis donc qu’en donner ici un léger aperçu, je n’aurai au reste pour cela qu’à suivre et citer textuellement l’excellent ouvrage de M. Fr. Lenormant, intitulé la Grande Grèce, lequel se trouve actuellement en voie de publication. Quant aux personnes qui désireraient de plus amples développements à ce sujet, j’espère pouvoir les satisfaire peu après la publication de l’ouvrage actuel[1].

Le Sud de l’Italie depuis longtemps déjà complètement latinisé, était devenu, après l’invasion des barbares, une province de l’empire romain d’Orient, c’est-à-dire d’un empire dont la capitale et la majorité de la population étaient helléniques. De là des craintes pour les partisans de la romanité latine et qui, — non par intérêt personnel, comme les papes dont nous avons parlé plus haut, — mais pas patriotisme de race, préféraient chercher leur appui, plutôt chez les Barbares que chez les héritiers directs de l’empire et du nom romains. Dès le V siècle, Cassiodore nous révèle l’existence du fait de la latinisation et de la crainte de l’hellénisation de l’Italie méridionale. Mais laissons parler M. Lenormant :

« Cassiodore naît dans une cité latine, au milieu d’une population latine ; il est dans les mauvais jours le champion et comme la suprême incarnation de la romanité latine. Tout son effort tend à en préserver les traditions et l’esprit, dans la politique, dans les lois, dans la culture scientifique et littéraire. C’est elle qu’il veut arracher au naufrage. Homme d’État et ministre, l’objectif principal de sa politique est de sauvegarder Rome et l’Italie contre l’absorption dans l’empire grec, où il redoute à bon droit la perte de leur individualité nationale, de leur génie propre et de leur caractère latin ; pour les en préserver, il n’hésite pas à consommer une alliance étroite avec les conquérants germaniques et à identifier leur cause à la cause italienne, telle qu’il la comprend, pour faire de leur bras aguerri la défense du romanisme contre l’invasion du byzantinisme. Moine et chef de communauté, c’est une véritable académie latine, un dernier foyer de conservation des lettres romaines, qu’il fait de son monastère. L’étude du grec n’y a presque pas de place, ou du moins elle n’y est que l’étude d’une langue étrangère, poursuivie seulement par quelques-uns à cette fin de doter l’Occident de traductions latines des principaux Pères orientaux. À côté de saint Benoît, à un rang inférieur mais qui pourtant a bien aussi son importance, Cassiodore est un des pères et des législateurs du monachisme latin.

« Cinq cents ans plus tard, au XIme siècle, lors de la conquête normande, Squillace ou Skyllax, comme on disait dans le grec d’alors, est une ville purement grecque, située dans un pays tout hellénique, ou le grec est la seule langue que l’on parle et que l’on comprenne. Son évêché, latin et de l’obédience patriarcale de Rome au temps où les évêques Zacharie et Gaudentius siégèrent dans les synodes romains tenus sous les papes Vigile et Hilaire ; au temps où le massacre de deux évêques successifs, dont on ignore les noms, par la population, donna lieu à une lettre foudroyante du pape Gélase ; au temps où Saint Grégoire le Grand adressait plusieurs de ses lettres à l’évêque Jean ; au VII siècle même, quand Paul, évêque de Scylacium, figura au synode tenu à Rome par le pape Agathon ; son évêché, dis-je, est de rite grec et relève du patriarcat de Constantinople. Au Monasterium divasience de Cassiodore a succédé, sur le même emplacement, le monastère basilien de Stallacti, dédié à Saint Grégoire le Thaumaturge, saint éminemment oriental, et c’est le nom grec de ce couvent qui est devenu la source de l’appellation du village actuel de Stallatti ou Stalletti. D’autres monastères grecs, suivant aussi la règle de St-Basile, sont établis dans Squillace même et dans son voisinage, au lieu qu’on appelle hi Rokella ou Ronkella toû Scyllacos, c’est-à-dire à la Roccelletta del Vesiovodi Squillace. Tel est l’état de choses que nous révèlent un certain nombre de diplômes des princes normands de la fin du XIme siècle. Ils contiennent des listes de paysans donnés comme serfs à tel seigneur ou à tel établissement religieux, et tous les noms y appartiennent à la grécité byzantine ; ils ont même un caractère singulièrement néo-hellénique.

D’où a pu provenir un semblable changement ? Comment s’est-il opéré ? Nous voici mis en présence d’un des plus importants, et jusqu’ici des plus obscurs problèmes de l’histoire de l’Italie méridionale, celui de l’hellénisation de ces contrées sous la domination des empereurs de Constantinople, de la façon dont elles redevinrent alors de nouveau, et pour plusieurs siècles, une véritable Grèce occidentale, une Grande-Grèce comparable à celle du VIIme au Vme siècle avant l’ère chrétienne.

Il n’est pas de fait historique qui ait été jusqu’à présent plus mal compris ; et ceci n’a rien qui doive surprendre. Il implique, en effet, dans l’hellénisme byzantin une puissance de propagande, de vitalité, d’assimilation, égale à celle de l’hellénisme des beaux temps classiques. Et c’est là une chose qui allait trop complétement à l’encontre des préjugés depuis longtemps enracinés en Occident au sujet du byzantinisme, pour que les causes et le véritable caractère de ce fait n’aient pas dû être complétement méconnus. Seul et le premier, M. Zambellis a discerné sur ce point la vérité et s’est efforcé de la mettre en lumière, éclairé par l’esprit de patriotisme grec qui anime tous ses écrits et qu’il pousse souvent jusqu’à l’exagération. C’est incontestablement son titre principal à la reconnaissance de ceux qui s’occupent des études d’histoire ; c’est par là que sa trace se marquera surtout d’une manière profonde dans ces études. Il est pourtant juste d’ajouter qu’il avait eu un précurseur dans Pasquale Baffa, d’une famille originaire de l’Épire, le plus grand helléniste de l’Italie à la fin du XVIIIme siècle, l’auteur de l’admirable catalogue analytique et raisonné des diplômes grecs de l’abbaye de la Cava, qui avait aussi commencé celui des diplômes grecs du mont Cassin, quand la vengeance sanguinaire de la reine Caroline, secondée par la honteuse complaisance de Nelson pour les charmes de lady Hamilton, l’accrocha au gibet avec tant d’autres nobles et pures victimes. »

La page suivante est un vrai dithyrambe, j’ai été ému jusqu’aux larmes de la trouver sous la plume du docte catholique Lenormant. Il faut que la vérité soit bien lumineuse, et l’âme de l’auteur bien loyale, pour que l’une arrache et que l’autre publie les aveux qui suivent :

« Rien n’a été plus mal jugé des Occidentaux que l’empire grec de Constantinople, il n’y a pas, je crois, d’exemple d’un travestissement historique plus complet que celui qu’ont subi, pendant longtemps, ses annales et la manière dont on les appréciait. Par une fortune bizarre, deux ordres de préjugés, aussi aveugles l’un que l’autre, se sont trouvés, d’accord pour le caricaturer : les préjugés catholiques exagérés, vivant sur de vieilles rancunes et des malentendus qui remontent aux Croisades, et ne pouvant pas admettre la puissance de vie spirituelle et civilisatrice qu’a su conserver, au travers de toutes ses vicissitudes, une Église séparée de l’unité romaine ; les préjugés philosophiques du XVIIIme siècle, incapables de comprendre un Empire chrétien avant tout, et presque, semi-ecclésiastique, où les grandes questions de théologie agitaient profondément les esprits, où les évêques et les moines ont toujours tenu un sang prépondérant. De là est sorti le point de vue aussi faux qu’injuste qui a, pendant plusieurs siècles, dominé les esprits et qui a trouvé sa dernière expression dans le livre beaucoup trop vanté de Gibbon. Ce n’est que d’hier que l’on commence à rendre justice au monde byzantin, à comprendre l’étrange et ridicule inconséquence qu’il y avait dans les jugements consacrés à son égard, lorsqu’on le dépeignait comme le dernier terme de l’affaissement moral, de la corruption sénile et de l’imbécillité, puisque, tout à coup, on racontait qu’il avait suffi de l’arrivée des quelques fugitifs qui gagnèrent l’Italie en quittant Byzance, prise par les Turcs, pour changer la face de la société occidentale, y rallumer le flambeau des études et y produire le mouvement de la Renaissance. On découvre aujourd’hui, un peu tard et avec un certain étonnement, les grandeurs de l’histoire byzantine, et les travaux des érudits hellènes, des Paparrhigopoulos, des Zambellis et des Sathas, ont fortement contribué à cette heureuse révolution dans les idées. On s’aperçoit, pour la première fois, de ce grand fait que l’empire de Constantinople a été pendant neuf siècles le rempart toujours armé, toujours assiégé et toujours résistant de l’Europe chrétienne et civilisée contre le flot de la barbarie la plus dangereuse ; de celle qui n’était pas susceptible de la même conversion que les Germains, celle des Slaves, des Bulgares et surtout des Musulmans. Nous autres occidentaux, nous sommes fiers, et à bon droit, du souvenir des croisades. Mais qu’est-ce que cet épisode si court, et qui n’a rien produit de durable, à côté de la lutte non moins acharnée, non moins héroïque, non moins mêlée d’éclatants triomphes et de revers inouïs, que les Byzantins ont soutenue sans un moment d’interruption contre toutes les forces de l’islamisme, depuis Héraclius jusqu’à Constantin Dragazès. Pendant les siècles les plus sombres du premier moyen âge, alors que toute culture intellectuelle et toute vie policée semblaient éteintes en Occident ; Constantinople a été un foyer lumineux de civilisation, dont l’influence a rayonné plus d’une fois sur les contrées occidentales. Les grandes traditions scientifiques et littéraires ne s’y sont jamais abaissées, et la suite ininterrompue des écrivains byzantins a droit à une place honorable dans l’histoire de l’esprit humain. L’Église Grecque, même après Photius, même après Michel Cérulaire, a eu des légions de docteurs, de saints et de martyrs, et c’est a bon droit qu’elle revendique le titre d’Orthodoxe, car jamais à aucune époque elle n’a glissé du schisme dans l’hérésie. Sa part dans la propagation du christianisme a été immense ; elle a conquis à l’Évangile la moitié de l’Europe. Les missions de l’Église Grecque ont été remarquablement nombreuses et fécondes : sous Justinien, chez les Huns de la Mésie, chez les Goths Tétrascites de la Crimée, chez les Abkhazes, du Caucase, et bien plus loin encore, jusqu’en Éthiopie, jusqu’à Socotora, à Ceylan, au Malabar, à la Chine, d’où les missionnaires byzantins rapportèrent le ver à soie, encore inconnu à l’Europe ; sous Héraclius, chez les Croates et les Serbes ; sous Michel III, chez les Bulgares, les Moraves, les Khazars, les Russes ; sous Basiles Ier, chez les Narentans ; sous Constantin VII chez les Hongrois ; sous Constantin XII Monomaque, chez les Petchénègues. Aussi l’un des titres dont le Basileus de Constantinople aimait à se parer, était-il celui d’Isapostolos, qui remplit le rôle d’un apôtre de la foi. Les annales de l’empire de Byzance peuvent supporter sans désavantage, le parallèle avec celles de l’occident aux mêmes siècles. Elles ont leurs turpitudes et leurs misères, leurs pages honteuses et sanglantes ; mais n’en avons-nous pas, nous aussi, de pareilles dans notre histoire ? Et à côté de ces taches, qu’il n’y a aucune raison de pallier ou de dissimuler, que de pages glorieuses et réellement épiques ! Que de services rendus à l’humanité et à la civilisation ! Ce peuple grec du moyen âge, que l’on s’est plu si longtemps à représenter comme amolli, efféminé, abruti, incapable d’effort viril, a eu dans sa longue carrière des époques incomparables d’énergie guerrière, des triomphes sur des ennemis formidables et supérieurs en nombre, qui valent les plus beaux épisodes dont se glorifient en ce genre les races germaniques et latines. Nicéphore Phocas et Jean Zimiscés n’ont rien à envier à Charles Martel, Basile Ier à Charlemagne, Basile II à Othon le Grand. Comme culture, comme mouvement intellectuel et comme génie des arts, la Constantinople des Comnènes peut marcher de pair avec la France des XIIme et XIIIme siècles. Et si l’on a singulièrement exagéré le rôle des fugitifs de 1453, qui ne fut que secondaire, la venue des grands lettrés constantinopolitains, de Bessarion, de Gennadios, de Gémiste Pléthon, de Marc d’Éphèse, à Florence, comme représentants de l’Église grecque au concile, les relations qui s’établirent alors entre eux et les savants italiens, furent une véritable illumination pour l’Italie ; c’est à ce moment que la Grèce antique fut révélée à l’Occident, et c’est de là qu’on doit faire dater la renaissance des lettres. »

Voilà ce que l’on commence à reconnaître aujourd’hui et pourquoi l’on rend maintenant à l’empire Byzantin la justice que mérite son rôle de premier ordre dans l’histoire générale de l’Europe et de la civilisation. C’est aussi ce qui permet de comprendre comment l’hellénisme byzantin du VIII au X siècle, sut conquérir à sa langue, à ses mœurs, à sa religion, à son génie, l’Italie méridionale, et en particulier la Calabre, aussi complétement que l’hellénisme classique l’avait fait quinze siècles auparavant. Ce fait capital de l’hellénisation absolue d’un pays longtemps latin, devait demeurer lettre close, et même être complétement méconnu, tant que l’on vivait sur les préjugés d’autrefois à l’égard du byzantinisme.

Une théorie bizarre s’était, en effet, formée alors pour expliquer, en dehors de toute influence byzantine, l’origine de l’hellénisme de l’Italie méridionale du moyen âge, et même des populations qui parlent encore aujourd’hui le romaïque dans ces contrées, à Bova dans la Calabre, à Carigliane, Mortane, Calimera et dans nombre d’autres villages de la Terre d’Otrante. Cette théorie a eu sa période de succès, et elle compte encore en Italie de nombreux partisans ; mais l’on s’étonne qu’elle ait pu être adoptée par un philologue et un historien de la valeur de Niebuhr. Pour elle, cet hellénisme italien n’aurait rien à faire avec la méprisable imbécillité byzantine, dont l’Italie méridionale n’aurait supporté le joug qu’en frémissant et en cherchant à le secouer à tout prix, comme un servage étranger. Il aurait été un héritage ininterrompu des antiques colonies grecques de la grande époque, qui se serait perpétué au travers des temps romains jusqu’au moyen âge et jusqu’à nos jours. Cet hellénisme aurait vécu pendant vingt siècles d’une vie complétement indépendante, sans rien emprunter au monde byzantin ; il posséderait ainsi une antiquité et une noblesse qui le rendraient bien supérieur à celui de la Grèce, dégénérée par la longue et déprimante domination d’un césarisme bâtard.

Je laisse de côté dans ce moment, pour y revenir un peu plus tard, la question des Grecs de Bova et de la province de Lecce, dont il me serait facile de démontrer, par des preuves irréfragables, que le sang a été à tout le moins renouvelé par des immigrations récentes, contemporaines de la conquête de la Grèce par les Turcs ou peut-être postérieures. Mais même en se bornant à ce qui touche à l’hellénisme de la Calabre et du reste de l’Italie méridionale jusqu’à Naples, tel que nous le prenons sur le fait dans les documents de la domination normande, la théorie qui le rattachait à la vieille colonisation achéenne et dorienne de l’antiquité ne saurait aujourd’hui se défendre. Dans une discussion serrée et décisive, M. Zambellis n’en a rien laissé debout. Philologiquement, la grécité des diplômes italiens du moyen âge, comme de la nomenclature géographique des Calabres modernes, n’a rien de ce que ferait nécessairement l’individualité d’un dialecte issu directement de l’antique parler dorien de la grande Grèce en dehors de tout contact et de toute influence de la grécité médiévale de l’empire de Constantinople. Dans les actes écrits par des scribes lettrés et dans les vies des saints composées au sein des monastères c’est le pur grec byzantin, tel que l’employaient la chancellerie impériale et les hagiographes d’Orient ; dans les actes rédigés entre particuliers illettrés, c’est un parler plus populaire, mais dont les altérations n’ont rien de propre ; elles sont, au contraire, absolument romaïques, et la seule chose dont puissent s’étonner ceux qui ont étudié le grec moderne, c’est de les y trouver si conformes à une époque aussi ancienne et hors de la Grèce. Cette dernière catégorie des diplômes grecs de l’Italie méridionale est d’un intérêt linguistique de premier ordre, car c’est là que nous avons les monuments qui nous permettent de saisir la transition du grec littéraire et officiel byzantin au romaïque. Mais loin d’offrir un dialecte à part, c’est le langage populaire oriental, sans même une particularité provinciale, sauf l’adoption de quelques mots italiens. L’idiome est un entre Constantinople et la Grèce propre, d’une part, la Grèce italienne, de l’autre, à cette époque du moyen âge ; preuve incontestable que la vie morale et intellectuelle était une entre les deux contrées, que l’Italie méridionale était alors, non seulement hellénisée, mais profondément byzantinisée, que c’était de l’empire de Constantinople qu’était venue sa culture grecque.

Historiquement, l’accord unanime de tous les textes et de toutes les inscriptions établit, à n’en pouvoir douter, que, dans ce qui avait été jadis la Grande-Grèce, la tradition de l’hellénisme avait été absolument interrompue dans les premiers siècles de l’ère chrétienne.

Déjà Strabon, qui avait parcouru cette contrée, atteste que de son temps Néapolis, Rhégion et Tarente résistaient seules encore à la latinisation ou, pour parler son langage, à la barbarisation ; partout ailleurs le grec avait fait place au latin, comme les mœurs romaines s’étaient substituées aux mœurs helléniques. Les trois seuls foyers d’hellénisme qu’il signalait encore s’éteignirent pendant la durée de l’Empire ; pour chacun d’eux on peut fixer la date il fut définitivement latinisé. Quand l’Église chrétienne se constitua dans l’Italie méridionale, ce fut sous l’action directe et la suprématie du Siège de Rome, et comme lui elle fut latine. Pour s’y implanter de nouveau, il fallut que la langue et la culture grecques en fissent une seconde fois la conquête, comme elles l’avaient déjà faite sept siècles avant notre ère, et cela après un hiatus de cinq cents ans au moins, pendant lequel le pays avait été entièrement et exclusivement latin.

Il suffit d’ailleurs de mettre en parallèle le tableau du Brutium latin du VIme siècle après J. C., tel que nous venons de l’extraire des œuvres de Cassiodore, et le tableau de la vie de saint Nil de Rossano, pour être assuré qu’entre ces deux états si absolument divers de la même contrée, à 400 ans de distance, il n’y a pas une tradition qui se continue, mais au contraire un des changements les plus radicaux dont l’histoire nous offre l’exemple.

C’était là le résultat naturel et presque inévitable que devait produire quatre siècles de domination byzantine, avec la supériorité de civilisation qu’avait alors l’Orient grec sur l’Occident latin, surtout dans un pays où l’antique origine d’une partie des habitans, même après une longue latinisation, avait laissé chez eux des affinités géniales avec l’hellénisme, qui ne pouvaient manquer de se réveiller.


  1. Le manuscrit, auquel feu Lampryllos fait ici allusion, se trouve entre les mains d’un fis de la Grande Grèce : le chevalier Ant. Frabasile qui, au grand désir des amis du défunt et surtout de ceux de la science, compte le publier prochainement (Note de l’éditeur.)