La Muse gaillarde/Chanson de printemps

La Muse gaillardeAux éditions Rieder (p. 184-187).



CHANSON DE PRINTEMPS


Carpe diem.


Alerte ! alerte !
Les bois, les champs
Sont pleins de chants
Et d’herbe verte.

Le gai Printemps
Arrive. Il pose

Son pied de rose
Sur les autans.

Un doux mystère
Va s’accomplir,
Et tôt remplir
Toute la terre.

Muse, debout !
Allons, Lolotte,
Voyons, ma crotte,
Debout, debout !

De ta fenêtre
Oy le babil
Du jeune Avril
Qui vient de naître.

Quoi ! ce beau temps
Ne te redonne-
T-il pas, mignonne,
Tes chers vingt ans ?

Moi ? vois ma veine,
Je crois avoir
Comme Séquoir
Dix ans à peine…

En quoi j’ai tort,
Vu que ce sage
Malgré cet âge
Est plutôt mort.


Avril est vite,
Fuitif combien !
Puisque aussi bien
Il nous invite,

Mets ton chapeau
Le plus modeste,
Fous-moi ma veste,
Allons, hop ! oh !

À la campagne
Fuyons ce veau
D’Esprit Nouveau
Qu’il ne nous gagne.

Mais quoi ! déjà
D’ergot à crête
Te voilà prête !
C’est gentil, ça.

Vois-tu, ma reine,
Il faut aller
Nous trimballer
En des Suresne,

En des Chatou,
En des Joinville,
Des Chatnoirville
Ou, n’importe où

Propre aux bitures
— Es bord de l’eau —

De picolo
Et de fritures…

Tu m’aimeras
À la desserte,
En tout cas, certe,
Me le diras ;

C’est ton affaire.
Pour quant à moi
Sans plus d’émoi
Je ne puis faire

En ce beau jour
D’effort pour croire
À d’autre histoire
Qu’à ton amour.

Cette romance
Est folle — on sait —
Et d’ailleurs, c’est
Sans importance ;

Car — dieu merci !
Lorsque moi-même
Je dis : « Je t’aime… »,
Je mens aussi.