La Muse gaillarde/Invitation à la valse

Pour les autres éditions de ce texte, voir Invitation à la valse.

La Muse gaillardeAux éditions Rieder (p. 188-190).



INVITATION À LA VALSE


Mignonne, voici le juin.
Il fait une chaleur folle
À griller un Bédouin,
À fondre le Protocole.

C’est le moment de sottir
Et d’aller à la campagne
Au lieu d’icigo rôtir.
Viens, qui m’aime m’accompagne.


Si tu veux, soyons hideux :
Mets ton habit de cycliste
Équivoque et hasardeux,
Moi, mon pantalon d’artiste.

Que le laid et l’odieux
Soient notre seul point de mire.
Qu’importe ! puisque les dieux
Ne veulent plus nous sourire.

Emporte tous les journaux
Afin qu’à l’ombre d’un hêtre
Nous lisions des tribunaux
Le compte rendu champêtre.

Tu liras l’Intransigeant
Pendant que Bibi l’Aurore.
Si l’un t’est un astringent
L’autre m’est une ellébore.

Ensuite je m’appuierai
Le rapport de cet oracle
Qu’on nomme Ballot-Beaupré,
Si tu n’y vois pas d’obstacle.

Moi je serai dreyfusard
Absolument par mégarde,
Et toi, comme par hasard,
Ma chère, antidreyfusarde.


Si tu veux, vice versa,
Tu n’y tiens pas davantage,
Moi-même, pas plus que ça ;
Tu vois d’ici l’avantage.

Et tandis nous échanger
Ces printanières querelles,
Partout on verra neiger
Des plumes de tourterelles…

Mais le soir nous a surpris.
Alors, ô ma bien-aimée,
Nous rentrerons à Paris
En criant : « Vive l’Armée ! »