La Logique déductive dans sa dernière phase de développement/2/07


Rien et tout

37. Le plus souvent, on s’occupe de pour chacune desquelles on peut déterminer au moins un individu qui lui appartient et au moins un individu qui ne lui appartient pas.

Mais il peut arriver d’avoir a considérer une à laquelle n’appartient aucun individu, telle que

des Genevois qui ne seraient pas des Suisses,
des points qui seraient communs a deux droites parallèles,
des nombres qui seraient en même temps plus petits que 5 et
plus grands que 8, etc.

Ces sont différentes entre elles, au point de vue de la compréhension [26] ; mais, au point de vue de l’extension, elles forment nécessairement une seule , que nous représentons par le signe «  », qu’on peut lire « rien ».

Ainsi, par ex. :

poisson invertébré

(Pour me servir encore de ma comparaison [34], le rien serait une boîte vide ; et si quelqu’un faisait l’objection qu’on pourrait bien avoir des boîtes vides différentes entre elles, il faudrait répondre que, en tant que vides, elles seraient toutes égales entre elles au point de vue de ce qu’elles renferment.)

Au contraire, il peut arriver de devoir considérer la à laquelle appartiennent tous les individus dont il peut être question (universe of discours); nous la représentons par le signe «  », qu’on peut lire « tout ».

Le « tout » n’est employé dans aucune proposition scientifique ; toutefois, on le rencontre dans certaines formules de logique, qu’il sera intéressant de comparer à celles dans lesquelles on rencontre le « rien ».

En 1887, M. Peirce avait employé le signe «  », comme lettre initiale du mot « vrai » ; en 1889, M. Peano adopta ce signe pour représenter le « tout » et le même signe renversé pour représenter le « rien »[1].


38. Boole représenta le « rien » et le « tout » par les nombres «  » et «  » qui présentent une analogie frappante avec ces concepts, que j’aurai l’occasion de vous signaler ; mais vous verrez aussi que cette analogie n’est pas complète [49].

D’ailleurs, si au lieu d’écrire, par ex. :

( compris entre 31 et 37)


on écrivait « ( compris entre 31 et 37)  », on pourrait croire qu’on veut affirmer que 0 est un nombre premier compris entre 31 et 37. C’est pourquoi, on ne pouvait employer le «  », au sens logique, au moins dans les propositions arithmétiques.

Toutefois — c’est une remarque pour les mathématiciens — on pourrait éviter le «  » moyennant le «  », au sens arithmétique, et la phrase « le nombre des », ainsi :

le nombre des ( compris entre 31 et 37)


où le signe d’égalité peut être lu « est », tout court.

Cet exemple offre l’occasion à une autre remarque, savoir que le mot « nombre » n’est pas seulement le nom d’une [35] ; il entre aussi dans la composition de la phrase fonctionnelle « le nombre des », qui dans le Formulaire est représentée par le symbole Spécial «  ».

  1. En 1894, M. Peano signala dans une note (Un precursore della logica, Rev. de Math.) un ouvrage par Ludovico Richeri (1723-1800), Algebræ philosophicæ in usum artis inveniendi specimen primum, 1761), dans lequel le « tout » et le « rien » étaient représentés par les signes «  » et «  », bien peu différents de ceux qui avaient été adoptés dans le Formulaire.