La Logique déductive dans sa dernière phase de développement/2/05
Inclusions
31. Nous allons délivrer, d’abord, les signes « » et « » du rôle logique que les disciples de Leibniz leur avaient confié.
Pour nous, qui considérons les au point de vue de l’extension [27],
en peu de mots
En remplaçant le mot « contient » par sa lettre initiale et en la déformant un petit peu, pour obtenir un signe plus marqué, nous pouvons écrire :
ou, en invertissant l’écriture,
ou le symbole « » peut être lu « est contenu dans ».
Mais, selon le langage courant, cette lecture du symbole « » ferait penser que la première doit être plus restreinte que la seconde, c’est-à-dire que la seconde renferme au moins un individu qui n’appartient pas à la première ; tandis qu’il est préférable (et l’on a préféré) d’établir le droit d’employer le signe « » entre deux , dès qu’on sait que tout individu appartenant à la première appartient aussi à la seconde, sans se soucier de savoir si dans celle-ci il y a ou non d’autres individus. C’est pourquoi, il vaut mieux de lire notre proposition ainsi :
ou bien
On voit, par cet exemple, que la lecture plus convenable d’un symbole peut se composer de mots qui ne se suivent pas immédiatement.
32. Comme en arithmétique on pourrait supprimer un quelconque des deux signes « » et « » (car, par ex., il est indifférent d’écrire :
ainsi l’on peut supprimer un quelconque des deux symboles « » et « » ; en effet, ayant donné la préférence au symbole « » par suite d’une remarque très intéressante dont je vous parlerai [55], le symbole « » a été supprimé.
Nous appellerons donc « inclusion » toute proposition dont le symbole principal est « » placé entre deux (tandis que, dans les appartenances [24] le symbole « » est placé entre un individu et une ).
La liberté, que nous avons voulu nous réserver d’employer le symbole « » entre une et elle-même [31], aurait suffi à nous défendre d’avoir recours à l’un ou à l’autre des signes « » ou « » comme symbole d’inclusion ; car jamais, en arithmétique, il n’est permis d’employer un de ces signes entre un nombre et lui-même.
33. Il arrive souvent, aussi bien dans la science que dans la vie, que les obstacles, qui nous avaient empêché d’atteindre des résultats très importants ou un but vivement désiré, nous paraissent faciles à surmonter, dès qu’un autre les a dépassés. Il est donc à propos de rappeler ici que M. Schröder qui s’était mis à l’œuvre avant M. Peano et qui en 1877 avait déjà publié son Operationskreis des Logikkalkuls — n’a pas réussi a nous laisser une idéographie logique satisfaisante ; et cela, principalement, parce qu’il n’a pas distingué les appartenances [24] des inclusions [32] et par suite il les représenta par un seul symbole. Et même ensuite dans ses trois gros et lourds volumes sur l’Algebra der Logik, dont le premier suivait déjà les Arithmetices principia de M. Peano — il ne voulut pas reconnaître la nécessité de cette distinction.
Mais je crois que deux exemples suffiront à vous éclaircir la différente signification des deux symboles « » et « », que d’ailleurs les logiciens scholastiques distinguaient en sensus compositi et sensus divisi, toutefois sans donner à cette distinction l’importance que justement lui donna M. Peano.
Voici les deux exemples : d’un côté vous avez les inclusions
desquelles on tire
et d’un autre côté vous avez les appartenances
(qu’on peut lire « Pierre fut un des apôtres » et « les apôtres étaient une douzaine ») desquelles on ne peut pas tirer
34. Permettez-moi d’insister sur la distinction entre appartenance [24] et inclusion [32], en me servant d’une comparaison.
En représentant chaque par une boîte et chaque individu par une allumette, chacune des allumettes renfermées dans une boîte sera liée à celle-ci par une appartenance ; tandis que — si dans une boîte, contenant ou non des allumettes éparses, se trouvait une petite boîte, qui à son tour renfermât ou non d’autres allumettes — cette seconde boîte se trouverait liée a la première par une inclusion.
D’ailleurs, cette comparaison est bien proche de la représentation géométrique à laquelle ont eu recours Leibniz lui-même, dans ses manuscrits, et le grand mathématicien Euler (1707-1783) dans ses Lettres à une princesse d’Allemagne.
En effet, représentant une par une ligne simplement fermée
(par ex., une circonférence) et ses individus par des points intérieurs à cette ligne — l’appartenance « » et l’inclusion « » sont
représentées respectivement par les figures bien distinctes 1 et 2[2].
- ↑ On pourrait objecter qu’on a un peu varié la manière d’interpréter le mot « apôtres ».
Mais c’est bien ainsi qu’il arrivera forcément toutes les fois qu’on voudra lier trois termes par deux « », car le deuxième terme doit être considéré comme par rapport au premier et comme individu par rapport au troisième, qui par suite ne peut pas être une simple, mais une classe de classes ; c’est pourquoi le premier terme n’est jamais un individu du troisième terme.
Voici deux autres appartenances :Venise ville ville (nom commun)
desquelles on ne peut pas tirerVenise (nom commun)En voici deux autres :
7 (nombre premier) (nombre premier) (ensemble infini)
qui ne permettent pas de conclure7 (ensemble infini) - ↑ Dans les figures on marque seulement les points et les circonférences dont la position réciproque nous intéresse ; mais, lorsqu’on ne déclare pas autrement, on peut imaginer d’autres points et d’autres circonférences, placées d’une manière arbitraire par rapport aux points et aux circonférences qu’on trouve marqués.