La Lanterne (Buies)/La Lanterne N° 16

(p. 207-221).


LA LANTERNE


No 16




Toutes les fonctions des ministres canadiens peuvent se résumer ainsi :

Je pars, tu pars, il part, nous partons, vous partez, ils partent.

J’arrive, tu arrives, il arrive, nous arrivons, vous arrivez, ils arrivent.

Je repars, tu repars, il repart, nous repartons, vous repartez, ils repartent.

Cela rapporte 5,000 dollars par année à chacun d’eux.

Qu’on ouvre n’importe quel journal quotidien et l’on y verra que, depuis un an, chaque première dépêche télégraphique est ainsi conçue :

L’Hon. ministre des travaux publics est arrivé ce matin.

L’Hon. ministre de la milice partira ce soir.

L’Hon. ministre d’État a passé par cette ville aujourd’hui… &…

Je connais tout le prix des voyages ; je sais combien ils développent l’intelligence et perfectionnent l’éducation.

Mais je ne comprends pas bien comment ceux qui ont tant besoin d’apprendre sont précisément ceux qu’on a choisis pour conduire les autres.

On n’a pas fait des ministres pour qu’ils finissent leurs études, ni pour mesurer tous les jours la distance entre Québec et Ottawa.

Ils sont bien heureux toutefois d’être ministres, car ils sont sûrs d’arriver, ce qui n’est pas toujours le cas pour les mortels ordinaires, dans les trains du Grand Tronc, qui eux, partent, avancent un peu et reculent deux fois plus.

Il est des âmes douces, compatissantes, bénignes, qui éprouvent le besoin de se dévouer et de faire le bien.

Mais le meilleur moyen qu’elles trouvent d’y parvenir est de s’enfermer dans un couvent, à l’abri des occasions innombrables d’être utiles qui se présentent dans le monde.

Livrées à la réclusion, au silence, compatissantes pour des maux qu’elles ignorent et qu’elles ne peuvent par conséquent secourir, elles laissent ainsi à d’autres le fardeau de la vie réelle dont elles évitent les ennuis et les combats.

Vous voulez faire le bien ! eh ! mon Dieu ! allez donc dans les campagnes instruire nos pauvres villageoises, allez fonder des écoles, donnez l’exemple de l’amour du prochain en rendant sa condition meilleure, en l’éclairant, en l’élevant.

C’est plus qu’un besoin, c’est une nécessité impérieuse pour nos campagnes plongées dans une si triste ignorance.

Ce n’est pas en marmottant des prières du matin au soir qu’on se rend utile aux hommes.

C’est en se mêlant à la vie active et en donnant l’exemple de la soumission aux devoirs que l’existence impose.

Vous qui vous soustrayez à l’accomplissement de ces devoirs, de quel œil voulez-vous qu’on vous regarde ?

Vous dites que le monde n’est pas fait pour vous, et que vous voulez pratiquer toutes les vertus dans le silence et l’obscurité.

Vous êtes faites pour le monde comme toutes les autres créatures, car en vous créant parmi vos semblables Dieu a voulu que votre place fût avec eux.

Vous ne pouvez vous affranchir de ce devoir sans manquer aux obligations de la destinée.

La vertu n’est pas ce qu’on la fait ; elle n’existe pas pour une classe d’êtres à part qui la mettent tout entière dans un mysticisme vague et énervant.

Elle consiste à bien faire tout ce que l’on fait, et la plus belle prière qu’on puisse adresser à Dieu est une bonne action et le devoir de chaque jour vaillamment accompli.

Je reçois la lettre suivante :

Monsieur,

Ce que vous racontez de Pie IX, qui s’apitoyait sur le sort des habitants d’une paroisse ruinée par une inondation, tout en empochant leur argent, me rappelle un trait de l’évêque Bourget, de même nature, mais encore un peu plus comique.

Une bonne partie de la ville de Montréal venait d’être détruite par un incendie, et l’on avait remplacé les maisons par des cabanes de planches. Sa Grandeur trouva le moment favorable pour demander à ses diocésains rassemblés de lui bâtir un palais ; mais impossible de ne pas faire allusion à l’incendie de leurs propriétés dont les ruines étaient encore fumantes.

« Quand j’ai vu, dit l’illustrissime, tant de bons enfants privés d’asile et de pain, mon cœur paternel a saigné et j’ai pensé sérieusement à me faire bâtir une cabane de planches au milieu des leurs. »

« Voyez donc, se disaient les bonnes femmes et autres en s’en retournant, quelle humilité, quelle charité de notre saint évêque ! Il a pensé, mais pensé sérieusement, à demeurer dans une cabane de planches comme l’un de nous. »

Ce qui doit nous consoler un peu, c’est que ces guides spirituels, qui mènent les peuples à la misère et au ciel, n’excellent pas seulement à écrire des bulles et des mandements, mais encore à jouer la comédie, et que, s’ils nous font souvent pleurer, ils nous font aussi bien rire quelquefois.

Je suis bien sincèrement votre tout dévoué…

Le correspondant oublie de m’apprendre si le vénérable évêque a envoyé à Rome un architecte pour y étudier le plan d’une cabane de planches, comme il l’a fait pour ce temple magnifique qu’il avait promis de faire bâtir, d’après le modèle de celui de Saint-Pierre de Rome, et pour lequel tant de milliers de dollars souscrits sont devenus introuvables.

Sans doute ils sont égarés quelque part dans le sentier du paradis, voie difficile où l’on marche docilement derrière ses guides spirituels, en fermant les yeux.

Et puis, les biens de la terre sont si méprisables, qu’une bonne occasion de plus de s’en débarrasser doit nous rendre bien reconnaissants envers notre saint évêque qui nous mène aux cieux tout droit en vidant nos poches, se réservant à lui seul tous les fardeaux de la route.

Hommes noirs, d’où sortez-vous ?
Nous sortons de dessous terre,
Moitié renards, moitié loups,
Notre règle est un mystère.
Nous sommes fils de Loyola,
Vous savez pourquoi l’on nous exila,
Nous rentrons, songez à vous taire,
Et que vos enfants suivent nos leçons,
C’est nous qui fessons,
Et qui refessons,
Les jolis petits, les jolis garçons.


Béranger écrivait ces vers en 1820, ou à peu près. Les Jésuites étaient revenus en France avec la Restauration ; déjà ils avaient réouvert leurs collèges en maints endroits et on les voyait intriguer pour avoir le monopole de l’enseignement.

Depuis, et surtout grâce à la coupable complicité de Napoléon iii, les Hommes Noirs ont vu croître leur puissance avec le nombre de leurs collèges et les fortunes qu’ils entassent dans l’ombre.

Voici ce qui vient de se passer en 1868, dans cette France qui les avait déjà repoussés de son sol, il y a plus de cent ans.

On verra où mène une éducation donnée par des Jésuites et quels instruments merveilleux ils ont été pour l’avilissement de la génération française actuelle, quel secours ils ont apporté au despotisme en étouffant de bonne heure dans l’âme des enfants l’instinct même de la dignité, la révolte naturelle contre l’oppression.

TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE BORDEAUX


Audience du 14 décembre, 1868.
affaires des pp. jésuites de l’école de tivoli

Le premier témoin entendu est le jeune Joseph Ségéral, âgé de treize ans et demi. Il dépose :

« J’étais élève de l’École des PP. Jésuites de Tivoli. Le 22 novembre dernier, à l’étude du matin, j’eus une querelle avec un de mes voisins, le jeune de Larrard. Comme cette querelle attira l’attention du surveillant et que j’avais donné un coup à mon camarade, je fus réprimandé. À l’étude de onze heures, la querelle reprit. Il s’agissait d’une somme de 75 centimes que de Larrard me devait, et que je lui réclamais. Il ne voulait me donner que 50 centimes, me demandant délai pour le reste. Dans notre dispute, je relevai brusquement le coude qui le frappa au nez et le fit saigner. De Larrard me rendit le coup, et le surveillant intervint pour nous corriger tous les deux manuellement. Presque aussitôt après je fus mis au cachot, où je restai jusqu’à dix heures du soir sans avoir reçu que du pain sec à quatre heures et à huit heures, bien que je n’eusse rien pris depuis le matin, à sept heures et demie, et qu’à deux heures j’eusse demandé de la nourriture et de l’eau. Le cachot où j’étais ne prenait jour que par une fenêtre qui éclaire le corridor où il touche. Le sol est bitumé. Il n’y avait aucun siège, aucun meuble, rien qu’un vase de nuit.

« À dix heures, le P. Commire, sous-préfet des études, vint me trouver. Il me dit d’ôter mon pantalon. Je voulus obéir, mais mes souliers m’en empêchaient. Le Père me dit alors d’ôter aussi mes souliers. Lorsque cela fut fait, il retroussa ma chemise et m’administra plusieurs coups de discipline avec une grande violence. Exaspéré par la douleur, j’essayai de lui résister et je lui échappai en me réfugiant dans le corridor voisin, et de là dans la chambre à coucher du P. de la Judie, préfet des études, que je trouvai lisant. Ce père me remit entre les mains du P. Commire ; je fus jeté sur le lit ; le P. Commire étouffait mes cris, soit en me fermant la bouche, soit en me pressant contre les matelas. En même temps, il me fustigeait très-fort avec la même discipline. Le P. Peitrasson était présent. Quand le P. Commire eut achevé la correction à son gré, il me laissa aller et je rejoignis mon dortoir, où je me couchai. Le lendemain je dus reprendre les exercices ordinaires de la maison. J’avais cependant la figure, tous les membres, mais surtout une fesse et les cuisses, extrêmement endoloris ; quelques jours après, ma mère vint me voir au parloir, sut ce qui m’était arrivé, et mon père me fit sortir de la maison.

D. Lorsque vous avez raconté à vos camarades la correction qui vous avait été infligée, que vous dirent quelques-uns d’entre eux ?

— R. Qu’ils en avaient reçu autant dans d’autres occasions. Je citerai de Connat, de Montfort et de Longat. »

Sur la demande de M. l’avocat impérial, deux pièces à conviction ont été apportées, la chemise qu’avait le jeune Ségéral dans la journée du 22 novembre, et la discipline. La chemise est déchirée aux poignets par suite de la lutte de l’enfant avec le P. Commire ; elle porte quelques petites taches de sang. La discipline est une réunion de cordes solidement tressées qui se terminent par plusieurs brins à nœuds. Le jeune Ségéral reconnaît que c’est avec cet instrument qu’il a dû être frappé.

Troisième témoin. — De Connat, 16 ans et demi, élève de l’École des Jésuites à Tivoli : Le 23 novembre, pour une faute commise au réfectoire, je fus mis au cachot vers les sept heures et demie du soir, sans manger, et je reçus une correction du P. Commire.

D. Votre déposition écrite est beaucoup plus explicite. Vous y déclarez que de votre cachot vous avez souvent réclamé des aliments qui vous ont été refusés ; enfin, et surtout, que le soir, le P. Commire vint dans votre cellule et vous dit : Je suis l’exécuteur ; je n’ai contre vous aucun motif de haine ; mais il faut que je vous fustige. Vous ajoutez qu’alors, sur votre refus de vous déshabiller, vous reçûtes des coups de cravache vivement administrés, que votre pantalon en fut déchiré. Est-ce vrai cela ? — R. C’est un peu exagéré. Ainsi les déchirures de mon pantalon ont pu être faites par des clous d’une caisse qu’il y avait dans le cachot, et sur laquelle je m’agitais beaucoup.

D. Mais le reste est-il vrai ? Est-il vrai que vous êtes resté tout le jour sans nourriture, et que le P. Commire vous a dit : « Je suis l’exécuteur ? » — R. Oui, il est vrai que je n’ai pas mangé ; mais je ne sais trop si le P. Commire m’a dit les paroles que je lui ai attribuées.

Me. Émile Durier ; Je demande au témoin si, depuis qu’il a été entendu dans l’instruction, on l’a prié d’atténuer sa première déposition. — R. On m’a laissé libre de dire ce que je voudrais. (Hilarité et mouvement)

ON M’A LAISSÉ LIBRE DE DIRE CE QUE JE VOUDRAIS !


Toute la méthode jésuitique est là. On ne dit pas à l’enfant de mentir, c’est trop dangereux : et puis, un enfant ne sait pas bien mentir.

Mais on le laisse libre de dire tout ce qu’il voudra, sans lui défendre de dire autre chose que ce qui est vrai. On le prépare à répondre évasivement, à dissimuler, à atténuer ce qu’il y a de trop compromettant :

« Nous vous tenons lieu de père, mon enfant, nous remplaçons Dieu pour vous ; rappelez-vous tout ce que vous nous devez, combien il est dangereux de répandre l’esprit de révolte chez vos camarades en écoutant vos ressentiments secrets. Quel mauvais exemple vous deviendriez, et quel tort vous feriez à cette sainte maison où votre enfance a trouvé un refuge contre les mauvaises tendances de notre époque… »

Et l’enfant, endoctriné, presque effrayé, à qui on ne recommande pas directement de mentir, mais d’être faux et de déguiser la vérité, répond tout ce qu’il veut.

Poursuivons.

Quatrième témoin. — Léon de Montfort, 13 ans et demi, de l’école des PP. Jésuites, à Tivoli. Un jour de l’année dernière, comme je venais de commettre une faute grave, après en avoir commis un certain nombre depuis très-peu de temps, je demandai au P. Commire de me châtier en m’administrant des coups de discipline. Il a fait ce que je lui demandais, il me les a donnés. (Hilarité.)

C’est un plaisir comme un autre, et les Jésuites tiennent à être agréables à leurs élèves. Ils ont pour tactique, très habile du reste, de ne jamais contrarier les goûts de ceux qu’ils dirigent.

C’est cette tactique qui encombre leurs confessionnaux de pénitentes. Ils sont indulgents, faciles, pleins de compromis, se font à tout, composent avec les faiblesses humaines et savent tout encourager en pardonnant tout.

Mais on peut voir combien vite ils arrivent à dégrader les esprits et les cœurs, par l’exemple de cet enfant qui demande lui-même à être traité par le fouet, comme la brute.

D. Mon enfant, si ce que vous dites là est vrai, il faut avouer que vous êtes l’écolier le plus extraordinaire, le plus singulier, le plus excentrique, non-seulement de Bordeaux, mais encore peut-être du monde entier. Comment ! c’est vous qui demandez à votre maître de vous administrer le fouet ! c’est vous qui priez qu’on veuille bien vous fouetter ! — R. Oui, monsieur.

D. Et vous avez reçu, avez-vous dit dans l’instruction, soixante coups de fouet ? — R. Oh ! ceci est bien sans doute un peu exagéré. Je ne pense pas en avoir reçu autant.

D. Enfin, quel qu’en soit le nombre, cela vous a-t-il fait du mal ? R. Non monsieur.

Mais alors, à quoi sert une discipline qui ne fait pas de mal ? Quelles fautes expie-t-on par des coups de fouet qui ne font rien ? Voilà un enfant qui a reçu soixante coups de fouet, et qui en a éprouvé autant de bien que lorsqu’on se caresse le menton avec des feuilles de roses.

Il faut croire que ceux qui demandent la discipline ne sont pas dans les mêmes dispositions que ceux qui la reçoivent sans la demander.

Dans le premier cas, ça vous fait l’effet d’un duvet passé entre les doigts de pied ; dans l’autre, ça vous met la figure, les fesses et les cuisses comme une compote de chair meurtrie.

Léon de Montfort, qui n’a que treize ans et demi, sera intuable quand il en aura vingt.

Si l’éducation jésuitique fait de vous une brute intellectuellement, du moins, au point de vue physique, elle a l’avantage de vous tourner en rhinocéros.

Il y aurait un curieux chapitre à faire sur les bienfaits de la discipline, de la discipline demandée, bien entendu.

Voilà dix coups, mon enfant, qu’est-ce que ça vous fait ?

— Ça me chatouille.

— Pif, paf, zing… ! vingt coups, eh bien !

— Ô jouissance !

— Boum, bang, crac, trente-cinq coups, ah ! ah !

— Volupté des voluptés !

Au cinquantième coup, l’enfant est dans l’extase et perd dans l’océan des félicités célestes le sentiment des choses d’ici-bas.

C’est alors que le Père Commire est grand. Son visage est inspiré et il jouit presque autant que le bienheureux qu’il lacère.

C’est égal. Ce Montfort promet d’être un fier Jésuite, s’il continue d’avoir le même aplomb.

Que ne peut-on pas en effet faire croire aux gens, quand, à treize ans et demi, on est déjà capable de dire en pleine cour de justice que soixante coups de fouet sur le dos sont un vrai bonheur !

D. Tout au contraire, sans doute, vous en avez été très satisfait ? —

R. Oui monsieur.

(Il en a été très satisfait ! Nom d’un gendarme ! Ah ça, mais, c’est donc avec le cable transatlantique qu’il faut fesser ce gaillard-là, pour qu’il s’en sente !

D. Je répète que vous êtes un prodigieux écolier ! (Les Jésuites ont toujours fait des prodiges.) Dans l’instruction, votre déposition, légèrement différente de celle que vous venez de faire, quoique encore bien étonnante, serait cependant plus croyable. Vous y disiez que le P. Commire vous ayant offert de vous administrer la discipline, vous y aviez consenti. Aujourd’hui, vous renchérissez là-dessus. Ce n’est plus le P. Commire, qui vous a offert, c’est vous qui avez demandé. Je dois dire que votre première version est conforme, et non pas celle d’aujourd’hui, à la déclaration du P. Commire. — R. Monsieur le président, qui accepte demande ! (Mouvement très marqué dans l’auditoire.)

Qui accepte demande, ça devient trop raide pour moi.

Je sais bien, jésuitiquement parlant, qu’il y a plusieurs façons de demander, comme il y a plusieurs façons d’accepter, sans en avoir l’air, et de façon à faire croire qu’on refuse, mais accepter en demandant me renverse tout du long.

Envoyer des enfants chez les Jésuites pour apprendre que demander, c’est accepter, je ne trouve pas que ça paie.

Si, encore, ils se contentaient de fausser, de violer le sens des mots, je ne dis pas, mais c’est le sens intérieur, c’est la conscience qu’ils faussent et dénaturent.

On sort de chez eux avec des idées horribles qu’on exprime avec des mots qui n’ont plus le sens convenu, et dès lors toute honnêteté dans les relations, toute franchise disparaît.

M. le président. — Dans l’instruction, mon enfant, vous avez déposé ce qui suit : que vous étiez dans la cour de récréation avec le jeune Ségéral ; que celui-ci vous raconta les sévices dont il avait été l’objet le 22 novembre, qu’alors vous lui dites avoir été fustigé vous-même peu de temps auparavant, mais dans un autre cachot et avec un martinet à manche, au lieu d’une corde à nœuds. Cette déclaration de votre part était corroborée par le témoignage de Ségéral qui rapportait votre conversation dans les mêmes termes. Aujourd’hui, vous prétendez que tout cela est mensonge ; qu’au moins il est faux que vous ayez jamais été battu. — R. Oui, monsieur, j’ai bien dit cela à Ségéral, mais cela n’était pas vrai.

Vous avez donc menti ! Mais comment se fait-il que vous appreniez à mentir si facilement dans une maison sainte ?

Examinons. Quand vous avez dit cela à Ségéral, vous n’aviez aucune raison de mentir. Qui pouvait vous porter à donner des détails précis sur un châtiment que vous n’aviez jamais reçu ?

Mais lorsque vous venez dire tout le contraire au tribunal, qui ne voit clairement que la leçon vous a été dictée d’avance, et que les menaces qui vous ont probablement été faites l’emportent sur la honte de vous donner à vous-même un démenti public ?

D. Rien n’était vrai ? Ces détails, ces circonstances d’un autre cachot, d’un autre instrument, des coups qui vous auraient laissé des traces aux jambes et aux reins pendant huit jours, cette particularité, que vous étiez puni pour avoir appelé un de vos professeurs asperge, tout cela est de votre invention ? — R. Oui, monsieur.

D. Et pourquoi aviez-vous menti, mon enfant ? — R. Parce que le jour où l’on m’a interrogé, j’étais en colère, ayant été puni le matin.

D. Mais quand vous avez confié à Ségéral qu’on vous avait battu, vous n’étiez pas en colère ? Pourquoi lui avez vous fait cette histoire ? R. Une idée ! mais c’était faux, et la vérité est que jamais on ne m’a battu.

Moi, je soutiens que vous avez été battu. Les chers Pères ont l’air d’en avoir tellement l’habitude et vous mettez une persistance, si manifestement suggérée, à soutenir que non, après l’avoir affirmé positivement que, pour moi, la preuve de la vérité du fait éclate et brille comme une fusée.

Je déclare donc sans plus de détour que vous avez eu tout aussi raison d’appeler votre professeur Asperge, que vous avez tort aujourd’hui de le nier.

Sixième témoin. — Maydieu, 18 ans, ancien élève de l’école des PP. Jésuites, de Tivoli : « Il y a cinq ans et demi environ, j’étais élève de Tivoli. Un jour, pour une faute d’écolier, je fus mis au cachot. Le soir venu, le sous-préfet d’alors, qui n’était pas le P. Commire, et dont j’ai oublié le nom, mais que je reconnaîtrais à merveille, si on me le représentait, m’invita à le suivre et me fit monter au quatrième étage de la maison, au grenier. Là, il me dit que j’allais recevoir une correction manuelle. Je le priai, je le suppliai, mais en vain. Il me déshabilla de vive force, puis, à son appel, un garçon arriva, le visage dissimulé par une barbe postiche et un masque d’escrime. Malgré mes plaintes, mes instances, mes cris, cet homme m’administra plusieurs coups de bâton, jusqu’à ce que le Père eût dit que ç’en était assez. »

Le septième et le huitième témoins ne disent rien d’important.

Neuvième témoin. — De Longat, père, ancien officier de marine, demeurant à Bordeaux : « J’ai mis mon fils en pension chez les révérends Pères Jésuites de Tivoli et je leur ai donné tous les droits de correction sur lui. Je ne crois pas qu’ils l’aient jamais frappé. Mon fils ne me l’a jamais dit. Mais s’ils l’avaient fait, convaincu que ç’eût été pour son bien, je les aurais remerciés.

M. le président. — Témoin, que voulez-vous dire ? Admettez-vous donc que ce soit un bon moyen d’éducation que de corriger les enfants en les frappant ? — R. Oui, monsieur, quand il y a lieu.

M. le président. — Monsieur, un maître qui frappe un enfant ne le corrige pas, il l’abrutit. Ne pensez pas d’ailleurs que le père ait le droit de battre son enfant. La loi interviendrait alors pour protéger l’enfant et nous condamnons ici, au nom de la loi, les pères qui abusent de leur autorité et de leur force pour sévir cruellement contre un être plus faible qu’eux. Vous n’avez donc pu déléguer aux PP. Jésuites un pouvoir que vous-même n’avez pas. Ce n’est pas ainsi que l’on peut espérer former l’intelligence et le cœur des enfants (Applaudissements dans l’auditoire)

Oh ! quant à cela, ce n’est pas du tout ce que les Jésuites cherchent ; ce qu’ils veulent, ce n’est pas de former, mais de déformer l’intelligence et le cœur.

Aussi, voyez comme ils réussissent.

Voyez comme la jeunesse canadienne, élevée par les Jésuites depuis vingt ans, est craintive, molle, inquiète du regard d’autrui, résignée au joug, incapable d’un effort, pliée dans la soumission. C’est parce que, par les corrections humiliantes, par l’habitude de l’espionnage et l’étouffement des instincts vigoureux, on a tué en elle tout sentiment d’orgueil et de dignité.

On vous fait mettre à genoux, on vous fait baiser la terre, on vous soumet à toutes sortes de pratiques humiliantes, on vous fouette, afin que vous deveniez une docile créature, pâte malléable à discrétion, et c’est ainsi qu’on jette sur l’arène du monde des générations désossées, une jeunesse tellement habituée à suivre l’œil du maître, qu’elle est incapable de rien faire par elle-même et rampe aux pieds du clergé pour avoir un appui.

M. le président procède à l’interrogatoire des prévenus.

François Commire, âgé de 35 ans, né à Muret (Haute Garonne) sous-préfet des études à l’école de Tivoli.

D. — Vous êtes prévenu d’avoir, le 22 novembre dernier, porté des coups et fait des blessures au jeune Joseph Ségéral, âgé de treize ans.

— R. — Le cas n’est pas niable, monsieur le président.

D. — Vous avez été cruel pour cet enfant. Vous l’avez couvert de contusions. Le matin vous lui avez tiré les cheveux en le mettant au cachot ; vous le laissez de 8 heures du matin à 4 heures de l’après-midi, sans boire ni manger ; à 4 heures, vous lui donnez du pain sec ; et, à 10 heures, tout cela n’a pas suffi, vous arrivez dans sa cellule, vous le faites déshabiller, vous retroussez sa chemise, vous le frappez à coups redoublés. Il vous échappe, vous le poursuivez, vous le rejoignez, le jetez sur un lit et vous le frappez encore, en étouffant ses plaintes, en lui fermant la bouche, jusqu’à ce qu’enfin il vous échappe encore et gagne son lit à travers l’obscurité. N’avez-vous pas pensé que cet appareil, cette succession de châtiments pourraient influer d’une façon désastreuse sur le cerveau de l’enfant, et, qui sait, peut-être le rendre fou ? N’était-ce pas assez de la première punition ?

— R. M. le président, la première punition eût pu suffire pour une faute isolée. Mais il y avait des fautes nombreuses. (Les Jésuites attendent qu’il y ait un certain nombre de fautes commises, afin d’avoir une raison d’assommer l’élève du coup). Quant aux mauvais traitements, on les a exagérés. La preuve que je ne tenais pas l’enfant bien fort, c’est qu’il m’a échappé au moment où il avait reçu seulement de quatre à cinq coups. Je reconnais m’être trompé en recourant à ce moyen ; je regrette d’avoir frappé plus et plus fort que je n’aurais dû et voulu, car je voulais moins donner à l’enfant une correction sensible qu’une correction humiliante ; mais j’ai agi de bonne foi.

De bonne foi m’attendrit. Je commence à me réconcilier avec Commire, l’exécuteur.

Ainsi, il a déchiré, étouffé, ensanglanté Ségéral de bonne foi ; imaginez-vous un peu ce qu’il aurait fait, s’il eût été de mauvaise foi !

Voilà que ça devient comique, maintenant.

Après tout, ce Commire me fait l’effet d’être un imbécile. Il y a des imbéciles, remarquez-le bien, jusque chez les Jésuites, les plus fins des hommes. Mais ceux d’entre eux qui sont imbéciles sont les gens de bonne foi ; les autres sont de mauvaise foi.

« D. — En frappant le jeune Ségéral, vous avez obéi, n’est-ce pas, à un ordre du P. de la Judie et rempli un devoir de votre charge ?

— R. Non ; monsieur. Je n’avais pas reçu d’ordre du P. de la Judie. J’ai infligé la correction après entente avec ce Père, mais sans ordre de sa part. »

Il commence à se raffiner. Le voilà presque aussi fort que celui qui acceptait en demandant.

C’est gentil tout de même cette façon d’expliquer un ordre qu’on a reçu. On appelle cela une entente. Il lui répugne à ce fier Commire de dire qu’il obéit à un autre ; il dit qu’il ne fait que s’entendre avec son supérieur.

Quel grand caractère !

D. — Mais le P. de la Judie est votre supérieur. Il n’a donc pas à s’entendre avec vous. Il vous donne des ordres que vous exécutez ?

— R. Le P. de la Judie est sans doute le préfet des études ; mais pour une correction de ce genre, la hiérarchie n’existe pas ; (elle n’existe que dans les instruments dont on se sert : par exemple, quand c’est un gaillard qui a un cuir de crocodile, comme Montfort, on lui tire des coups de canon sur le nez) aucun ordre ne m’a été donné, et l’on m’en aurait donné un, que j’aurais été parfaitement en droit de ne pas y obéir. J’ai agi de mon propre mouvement, après m’être entendu avec le P. de la Judie…

D. — Un témoin a déclaré pourtant qu’en venant le trouver pour lui infliger une correction, vous lui avez dit : « Je suis l’exécuteur. » Cela concorde bien avec votre déposition écrite.

— R. Je ne crois pas avoir tenu ce propos. Mais je répète qu’il n’y a pas chez nous de charge qui oblige à administrer les corrections manuelles. Notre règle nous interdit même les punitions.

M. le président : Si votre règle vous les interdit, il n’y parait guère ; car vous avez aussi flagellé le jeune de Connat et le jeune de Montfort ?

— R. Il y a, dans le récit qu’on a présenté de ces deux faits, des exagérations. De Connat a été frappé de quelques coups d’une demi-cravache par-dessus ses vêtements. Je lui avais demandé de les ôter, et comme je vis qu’il n’y voudrait pas consentir, je n’insistai pas. Il s’agissait beaucoup moins de lui faire un mal sensible que de l’humilier parce qu’il se montrait orgueilleux. Je nie absolument que ces coups aient pu déchirer son pantalon. Si le pantalon a été déchiré, c’est aux clous de la caisse qui était dans le cachot et sur laquelle de Connat s’agitait violemment.

S’il s’agitait violemment, il faut croire que ça lui faisait violemment mal.

Quelle différence avec Montfort qui trouvait ça si bon qu’il en redemandait !

Tout cela s’explique par la grâce de la vocation.

M. le président : Que la cravache ait produit les déchirures, ou que les déchirures soient venues de ce que de Connat s’agitait sous le fouet, il n’y a pas grande différence. Et de Montfort ?

— R. Ce qu’a raconté de Montfort est vrai. Comme il avait commis une série de fautes, et notamment une faute grave, je lui proposai de le corriger avec la discipline. Il a accepté. On a seulement exagéré le nombre des coups ; il n’y en a pas eu soixante.

M. le président : Ce fait-là s’est produit avec une circonstance particulière que je dois vous prier d’expliquer. Vous avez engagé votre parole, vis-à-vis de Montfort, que vous ne révéleriez pas la punition que vous lui aviez infligée, et vous avez tenu à consigner dans l’instruction que ce n’était pas vous qui aviez le premier manqué à cette promesse.

— R. Oui, monsieur. De Montfort, étant assez puni, m’avait demandé de lui éviter l’humiliation de la publicité, le déshonneur. Je le lui avais promis et devais tenir ma parole.

M. le président : Le déshonneur, dites-vous ! Vous trouvez donc qu’il y a du déshonneur à recevoir des coups ! Et vous en donnez à des enfants ! Ce ne sont pas là des moyens ordinaires de bonne éducation.

M. le président raisonne mal. Il part toujours du point de vue d’une bonne éducation à donner aux enfants. Or, encore une fois, ce n’est pas cela que veulent les Jésuites. Ils ont du moins le mérite d’être conséquents ; pour élever les enfants comme des ânes, ils les accablent de coups de fouet. Il n’y a rien à dire à cela.

Second prévenu.

D. — C’est donc une habitude de votre maison que de maltraiter les enfants ? car, enfin, nous vous voyons tout un attirail d’instruments de correction, et les faits de sévices se sont multipliés à ce point que vous auriez dit au jeune de Connat qui en a déposé : « Il y en a d’autres que vous qui ont été fouettés : mais ils ne s’en vanteront pas. »

— R. Je nie avoir tenu ce propos. Il est malheureusement vrai que j’ai permis plusieurs corrections. J’ai en ceci méconnu les volontés de mon supérieur et de la règle. J’ai agi de ma propre initiative. L’année dernière, le R. P. Roux m’en fit même l’observation à deux ou trois reprises. J’ai persisté quand l’occasion me l’a suggéré, inspiré par l’intérêt des enfants. J’avoue que je me suis trompé et je le déplore. (Le moyen de se fâcher contre un homme pareil !)

D. — Dès 1863, ces habitudes semblent avoir été celles de la maison, puisque le jeune Maydieu, à cette époque, a été appréhendé et fouetté, sur l’ordre du sous-préfet des études, par un homme armé d’un bâton et masqué.

— R. Non, monsieur, ce n’étaient pas les habitudes de la maison. Le fait que vous citez m’est étranger, et je puis dire que ces corrections ont été introduites par moi contre la volonté du R. P. Roux, qui les ignorait ou les blâmait.

M. le président : Monsieur Roux, dites-nous vos nom, prénoms et qualités, et fournissez telles explications qu’il vous plaira. Vous êtes assigné comme civilement responsable des actes de vos subordonnés.

— R. Je me nomme Jean Roux, âgé de quarante ans, recteur de l’école de Tivoli. Je n’ai aucune explication à fournir, sinon que j’ai ignoré les faits qui vous sont soumis lorsqu’ils ont eu lieu, et que, quand je les ai connus, je les ai blâmés et désavoués, comme contraires à notre règle et à ma volonté. Je dois ajouter toutefois que je ne doute pas des intentions de mes subordonnés qui, en se trompant, ils le reconnaissent aujourd’hui, ont toujours agi en vue de ce qu’ils croyaient être l’intérêt des enfants..

L’intérêt des enfants est d’avoir les fesses comme des pommes cuites, excepté de Montfort, toujours, sur qui les coups de fouet ne font pas plus d’effet que les rails des patins sur la glace.

Jean Roux, âgé de 40 ans, recteur du collège de Tivoli, est un drôle de recteur qui ignore tout ce qui se passe dans sa maison.

Il n’y a que les Jésuites pour avoir cette sainte ignorance du mal.

Il est trois heures, l’audience est suspendue.

À la reprise, Me Émile Durier a soutenu la plainte de M. Ségéral et a, pendant une heure environ, tenu l’auditoire sous le charme de sa parole élégante, précise, puissante dans sa modération.

Me de Sèze a répondu avec son talent et sa chaleur habituels. M. le procureur impérial a prononcé un réquisitoire remarquable de mesure et de fermeté, et, après une délibération d’environ vingt minutes, le tribunal a rendu un jugement qui condamne les sieurs de la Judie et Commire, chacun à dix jours d’emprisonnement, et le P. Roux, solidairement avec les deux autres, à 300 fr. de dommages-intérêts envers M. Ségéral. (Gironde)

Le Figaro de Paris accompagne le récit de ce procès du détail des instruments de correction employés par les Jésuites, et des réflexions suivantes :

« Des cordes se terminant en plusieurs brins tout semés de nœuds ; des lanières de cuir ; des cravaches, des demi-cravaches, des morceaux de cravaches ; des bâtons avec lesquels frappent des hommes portant des barbes postiches, et dont le visage se dissimule sous un masque de salle d’armes.

« Plusieurs cachots sont destinés à enfermer ceux qui doivent recevoir la correction disciplinaire ; l’un d’eux a, pour tout meuble, une caisse hérissée de clous sur laquelle se débat le patient. Un de ces cachots n’est autre que le cabinet qui sert de déversoir (je me sers du mot pudique de M. le président du tribunal) à ces béats pères Gorenflot.

« J’ai peine à contenir l’indignation qui m’agite. Est-ce possible ? est-ce croyable ? Comment ! pendant dix années de sollicitudes maternelles et d’inquiétudes paternelles, ces petits chérubins délicats auront reçu nos caresses et nos soins ; ils nous auront mis en émoi pour une égratignure et nous auront tenus toute une nuit en éveil pour une toux qui secouait leur poitrine frêle, et enfin, après toutes les angoisses des maladies et des accidents de la première enfance, heureux, fiers d’avoir élevé ces petits êtres chéris dans la force et la santé, nous les confierons à des étrangers, et ce sera pour qu’on nous les ramène meurtris par des lanières, déchirés par des clous, brutalisés par le bâton, souffletés par un jésuite !

« Ces chaires roses et tendres, où circulent notre sang et notre amour, deviendront la proie de ces hommes noirs et seront livrées aux fureurs claustrales de ces célibataires bouffis ! »

J’ai découvert un piège.

Voyant qu’ils ne pouvaient me faire abandonner la Lanterne par l’intimidation, l’ostracisme dont je suis frappé dans ma bonne ville de Montréal et les persécutions de toutes sortes dirigées sous main contre moi, les représentants de Dieu sur la terre font dire aux sacristains, aux congréganistes, aux bedeaux et aux cuistres que la Lanterne se meurt, que je ne puis plus la nourrir, faute de fonds ou de matière.

La Lanterne est immortelle, immortelle, entendez-vous bien ! Non seulement elle vivra tant que je vivrai, mais encore elle me survivra.

J’ai tout ce qu’il faut, non seulement pour l’entretenir, mais encore pour lui procurer toute espèce de jouissances de luxe.

Je ne lui refuse rien. C’est mon enfant bien-aimé, ma progéniture, comme dit la Gazette des Campagnes.

Quoi ! moi, laisser mourir mon enfant dans mes bras !

Venez, si vous l’osez, le ravir à son père…

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Amis lecteurs, et vous, ennemis bienveillants qui seriez désolés de voir tomber la Lanterne, quoique vous ne l’approuviez pas, rassurez-vous.

La Lanterne croît et grandit tous les jours, par le nombre des abonnés, par l’intérêt qu’elle inspire et surtout par la haine qu’on lui porte.

Elle pénètre jusque dans les plus reculées campagnes, et les curés ont beau prêcher contre elle en pleine chaire, l’espionnage a beau s’installer en Torquemada jusque dans les bureaux de poste, j’arrive, j’éclaire et je vaincs.

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