La Guzla/Le mauvais œil
Le mauvais œil1.
Dors, pauvre enfant, dors tranquille ; puisse Saint-Eusèbe avoir pitié de toi !
Maudit étranger ! puisses-tu périr sous la dent des ours ; puisse ta femme t’être infidèle !
Dors, etc.
Avec des paroles flatteuses il vantait la beauté de mon enfant ; il a passé la main sur ses cheveux blonds.
Dors, etc.
Beaux yeux bleus, disait-il, bleus comme un ciel d’été, et ses yeux gris se sont fixés sur les siens.
Dors, etc.
Heureuse la mère de cet enfant, disait-il, heureux le père ; et il voulait leur ôter leur enfant.
Dors, etc.
Et par des paroles caressantes il a fasciné le pauvre garçon, qui maigrit tous les jours.
Dors, etc.
Ses yeux bleus, qu’il vantait, sont devenus ternes par l’effet de ses paroles magiques.
Dors, etc.
Ses cheveux blonds sont devenus blancs comme ceux d’un vieillard, tant les enchantemens étaient forts.
Dors, etc.
Ah ! si ce maudit étranger était en ma puissance, je l’obligerais à cracher sur ton joli front.
Dors, etc.
Courage, enfant, ton oncle est allé à Starigrad ; il rapportera de la terre du tombeau du saint.
Dors, etc.
Et l’évêque, mon cousin, m’a donné une relique, que je vais pendre à ton cou pour te guérir.
Dors, etc.
1. Voir l’introduction, page 91.
