La Grande aventure de Le Moyne d'Iberville/10

Texte établi par Albert Lévesque, Éditions Albert Lévesque (p. 129-143).



II

LE FLEUVE À L’EAU BOURBEUSE
ET BLANCHE


I



UNE passe « fort serpentante » ; un grand lac « et une rivière qui se descharge dedans ». C’est la Mobile, hantée du souvenir tragique de Hernando de Soto. Des îles barrent l’entrée du fleuve. Dans sa biscayenne, M. d’Iberville va explorer la plus longue. Spectacle d’horreur : soixante crânes, des ossements, des armes, des pots de terre gisent sur le sable près d’une pirogue échouée. Restes pitoyables d’une tribu, de ces Indiens sans doute qui ont combattu le conquistador. Notre grand homme de guerre se découvre : ces sauvages ont été bons guerriers.

Mais il n’a plus à craindre leurs attaques dans ses explorations. Les vaisseaux appareillent pour s’éloigner de l’île du Massacre. M. d’Iberville l’a ainsi nommée.

C’est le 3 février. Partis de France trois mois plus tôt, les navires ont touché terre à Saint-Domingue, où M. Ducasse leur a donné des cartes, douze flibustiers et un marin expérimenté, Laurent de Graff. « Outre que c’est un parfaitement bon matelot, il connaist toutes les roches et tous les ports de ce pays-là jusques à l’entrée du Mexique, y ayant toute sa vie fait la course ». Naguère, il a été l’un des dirigeants de l’attaque contre Carthagène et de l’expédition où les flibustiers ont rançonné la Vera-Cruz à deux millions de piastres. De Saint-Domingue, la division se dirigea vers la côte de la Floride. Avec surprise, les officiers aperçurent un fort. Qui les avait précédés ? Ils y allèrent voir. Assez mal reçus, ils apprirent que des Espagnols de la Vera-Cruz venaient d’élever la petite forteresse. Ainsi les Espagnols, comme les Anglais et les Français, avaient songé à s’y établir en secret. D’Iberville se félicita de n’avoir pas retardé son voyage. Mais il vit que les pauvres diables de Santa Maria de Galvez de Pensacola n’étaient pas à craindre.

Le voyage se continue. À cause du changement de température, la fièvre des îles abat plusieurs personnes. Mais « la maladie n’en veut qu’aux écrivains et aux Canadiens », écrit Pierre, en plaisantant, bien que cette particularité doive l’ennuyer fort. Il a besoin de ses Canadiens pour le rude service à accomplir. Il compte grandement aussi sur ses scribes pour tenir le journal de l’expédition, besogne essentielle puisqu’on va moins fonder des établissements que recueillir des données précises. M. d’Iberville doit tenir la plume. Il préfère le sabre, craignant fort l’outil qu’il n’a pas appris à manier. Aussi fera-t-il recopier son journal, de retour en France, et croira-t-il bon d’ajouter ces mots : « Vous trouverez beaucoup de fautes sur tout ce journal, qui a esté copié sur le mien, du voyage jour par jour, qui avait besoin d’estre rectifié devant que de vous l’envoyer ».

D’Iberville s’aperçoit bien vite qu’il ne peut ajouter foi ni aux cartes, ni à Laurent de Graff, ni aux Espagnols de Pensacola dont il a obtenu des renseignements. Aussi, dans la crainte de renouveler le triste exploit de Cavelier de La Salle, décide-t-il de mettre à exécution le projet très simple qu’il a conçu, mais qui exige une ténacité dont seul il est capable. « Je suivray mon premier dessein, vous asseurant, monseigneur, que je trouveray cette rivière, quand je devrois couper dans les terres avec trente ou quarante hommes, et la redescendray en canot de bois ». Il suit la côte de fort près, avançant à la sonde ; s’y rendant en biscayenne ou en felouque quand les bas-fonds forcent les bâtiments à garder le large, afin de « ne passer aucune rivière ». Chateaumorant parti, d’Iberville n’a plus à redouter les ennuis que Beaujeu avait suscités à La Salle. Au reste, Chateaumorant s’est montré de bonne composition, réglant tous ses mouvements sur ceux d’Iberville, ne discutant en rien son autorité de commandant suprême. Preuve du prestige de notre marin, car les ordres du ministre n’y auraient pas suffi. On était d’humeur indépendante et fière dans la marine de ce temps-là.

Rien n’y fait ; le fleuve ne se montre pas. Tout à coup, les feux d’un campement sauvage sur la rive. D’Iberville suit la piste de ces gens et les trouve pêchant dans des pirogues sur une rivière. Epouvantés à la vue des blancs, ils gagnent la terre et s’enfuient dans les bois « à la réserve d’un vieux bonhomme, qui avoit esté blessé quelques jours auparavant à la cuisse par une beste sauvage ». Le commandant rassure le vieillard, lui donne à manger et lui allume un feu pour le réchauffer. Lui ayant fait élever une cabane, il le laisse pour la nuit. Pendant ce temps, Bienville poursuit les fuyards et ramène une femme attardée par curiosité. Il la traite fort bien et elle va le raconter à ses compagnons. Le lendemain, les sauvages arrivent en foule. Ils s’en viennent, « chantant la paix », apporter le calumet. Bien différents de ceux du nord, ces sauvages saluent d’Iberville « à leur manière, qui est, estant proche de vous, de s’arrester, de passer les mains sur le visage et la poictrine et vous passer de là leurs mains sur la vostre, après quoy ils les lèvent vers le ciel, en se les refrottant et rembrassant ». On se « festine » de part et d’autre « de sagamité de bled d’Inde ». Les sauvages montent à bord, où ils s’émerveillent du canon qu’on tire en leur honneur. Du fond des cales, les Français tirent de mirifiques rassades, des haches, des couteaux pour en faire présent à leurs visiteurs. Tous fument, même d’Iberville, qui ne touche jamais au tabac. Aux questions qu’on leur pose par signes, ils répondent « comme de véritables cochons, par une aspiration ». Les explorateurs en tirent peu d’éclaircissement, mais une alliance avec les tribus. Enfin, ils partent, promettant de revenir dans quatre jours avec des peaux de chevreuil. Il y a parmi eux des Bayogoulas, des Mougoulachas et des Anaxis. D’Iberville veut se faire conduire par eux au Mississipi qu’ils appellent Malbanchia et qu’ils fixent à une petite distance. Mais, le lendemain, un autre vient annoncer leur fuite. Ces gens, peu guerriers, redoutent les blancs en souvenir des mauvais traitements que leur ont fait subir les Espagnols. Pierre Le Moyne a cru toucher au but. Mais, il le voit bien, le Mississipi, si longtemps caché, ne livrera pas son secret avec tant de facilité.

Accompagné de ses principaux officiers, le commandant reprend sa course en felouque. Le 28 février, la mer devient grosse. Pendant trois jours, la tempête fait rage, et pourtant, il ne faut pas s’éloigner de la côte, car le fleuve doit être tout près. Capeyant avec ses chaloupes, où il a dû loger les canots d’écorce, il tient la mer, malgré tout. Les paquets d’eau embarquent. « La mer estoit si grande que nous fusmes obligés de mettre nos faignes, qui estoit une toile goudronnée d’environ un pied de haut, audessus de nostre bord, que nous estions obligés de tenir pour empescher la mer de s’embarquer ». La mer « les mangeoit ».

Vont-ils périr ? C’est dans cette extrémité qu’ils atteindront leur but : la nature livre son dernier combat, furieux, mais l’énergie du Canadien va la vaincre. « Ayant tenu trois heures le cap au sud-est pour doubler une pointe de roches, la nuit venant et le mauvais temps continuant, à ne pouvoir résister sans aller à la coste la nuit ou périr à la mer, j’ay arrivé sur les roches pour faire coste de jour, afin de pouvoir sauver mes gens et mes chaloupes. En approchant de ces roches, pour me mettre à l’abry, je me suis aperçu qu’il y avoit une rivière ». Il va s’échouer dans des roseaux, son sang-froid a sauvé tout le monde. Maintenant, il se permet de plaisanter. « Nous sentons, couchez sur ces roseaux, à l’abri du mauvais temps, le plaisir qu’il y a de se voir à l’abri d’un péril évident. C’est un mestier bien gaillard de descouvrir les costes de la mer, avec des chaloupes qui ne sont ni assés grandes pour tenir la mer soubz voiles ny à l’ancre, et sont trop grandes pour donner à une coste plate ».

Il a le loisir de réfléchir. L’entrée du fleuve est barrée de « roches de bois pétrifié avec de la vase ». C’est donc la Palissada des Espagnols, « qui m’a paru bien nommée, car… elle paroist toute barrée de ces roches ». L’eau, a-t-il noté aussi, est toute bourbeuse et blanche. Un souvenir se lève en lui. Où a-t-il entendu ces mots ? Ah ! oui. 1683. Retour de Versailles. Rencontre avec Cavelier de La Salle… Plus de doute possible, il est bien au Mississipi. Il communique sa pensée à ses compagnons, la lumière se fait dans leur esprit. Et c’est un grand éclat de joie.

Le lendemain, le père Anastase Douay, ancien aumônier de La Salle, dit la messe, suivie d’un Te Deum d’actions de grâces. Encore une fois, d’Iberville a triomphé où les autres avaient échoué. Ce jour-là était le Mardi-Gras. Nos explorateurs donnent ce nom à l’un des bayous du delta. Mais, au lieu de faire bombance comme la fête le voudrait, il faut, les vivres s’épuisant, retrancher le pain à la troupe, pour ne lui laisser que de la bouillie avec un peu de lard.

Les explorateurs sont convaincus. Mais il faut des preuves pour persuader les sceptiques de Paris. D’Iberville ira chercher ces preuves.


II


En biscayenne, Pierre Le Moyne remonte le fleuve. Voyage rude. Il n’en fait jamais d’autres. Un courant rapide charrie des troncs d’arbres entre des rives noyées de deux pieds. Peu de vivres. Mais les voyageurs tuent parfois un crocodile ou un serpent qu’ils mettent au pot, ou bien des sauvages leur donnent de l’ours boucané en échange de rassades. Les cannes couvrant la terre brûlent facilement et « faisoient autant de bruit comme un coup de pistolet ». Dans la nuit chaude, ils s’éveillent en sursaut, croyant à une escarmouche. La capitale des Bayogoulas et des Mougoulachas, alliés, s’annonce par une odeur épouvantable, des nuées de corbeaux. Puis apparaissent les poteaux, à l’entrée du village, surmontés de cadavres enveloppés de nattes : c’est le cimetière.

Les deux chefs viennent au-devant de l’explorateur, suivis de leurs gens chantant sans interruption. Le Mougoulacha porte un capot bleu à la canadienne : il lui vient de Tonti-Main d’argent, assure-t-il. Première preuve ! D’Iberville en trouvera d’autres. Il peut interroger les sauvages, ayant, en quelques jours, appris assez de mots de leur langue chantante, avec cette facilité qu’il tient de son père, l’ancien interprète.

Les indigènes saluent les visiteurs en leur frottant le ventre et élevant les bras au ciel, puis, en guise de siège, donnent au chef de l’expédition une peau d’ours étendue sur des cannes. Tous fument. Deux jours se passent dans les réjouissances, où les mélopées succèdent aux danses : les belles filles, le torse bronzé sans voile, se tordent voluptueusement au son des callebasses emplies de graines. Il y a grand échange de cadeaux : peaux de chevreuil d’un côté ; rassades, justaucorps d’écarlate, bas et chemises rouges de l’autre. Visite au temple, orné de figures d’animaux rouge et noir, où un chef entretient le feu sacré. Là encore, souvenir de Tonti : une bouteille de verre double. Mais rien de plus précis.

Les sauvages font des cartes du fleuve ; d’Iberville y reconnaît hors de tout doute les mensonges d’Hennepin. Mais ses hommes en tiennent pour la « relation du Père Récollet, qu’il avait faite sur cette rivière, ne pouvant croire qu’il eust esté assez malheureux d’avoir exposé faux à toute la France, quoyque je sceusse bien qu’il avoit menty en bien des endroits de sa relation sur ce qu’il disoit du Canada et de la Baye d’Hudson, où il mentoit impudemment ».

Le commandant monte chez les Oumas, où Tonti a passé, descendant du Canada pour joindre La Salle, mais en vain. Il arrive à un village au centre duquel s’élève un mai rouge, portant des têtes de poissons et d’ours, reliquat de sacrifices religieux, et marquant la séparation des territoires de chasse des Bayogoulas et des Oumas. Ce poteau donnera son nom à la ville de Bâton-rouge.

Les chefs le reçoivent, une croix blanche à la main, entourés de chanteurs. Chants et danses de recommencer. « Vingt jeunes gens de vingt à trente ans et quinze jeunes filles des plus jolies et parées magnifiquement à leur manière, toutes nues », dansent trois heures durant. Puis, signe de grande amitié, ils « offrirent des femmes à nos messieurs, dont ils les remercièrent ». Peu de nouvelles de Tonti. Mais il a passé par là, car, d’Iberville ayant planté une croix, les sauvages en font le tour avec gravité et jettent du tabac au pied en guise d’offrande. Ils ont donc appris d’un chrétien la sainteté de ce symbole.

D’Iberville veut se rendre à une fourche du fleuve dont il est question dans les relations de Tonti et d’Hennepin. Les gars du Canada font leurs adieux aux belles filles qui pleurent. Un Ouma et un Taensa, servant de guides, nient comme les autres l’existence de la fourche. Les sauvages ne peuvent tous mentir, c’est plutôt Hennepin. Quant à Tonti, il n’est sans doute pas l’auteur de la relation signée de son nom et, en effet, il s’en défendra plus tard avec énergie. Enragé contre le récollet de malheur, d’Iberville décide de retourner à la côte, car il a dit au Marin de partir s’il ne le voyait pas paraître avant six semaines. Sauvolle et Bienville descendent le fleuve, Pierre entrant dans une rivière qui conduit aussi aux Biloxis et à la baie où sont les navires, lui assurent ses guides. Cette rivière portera son nom. « Le lieu où je suis est un des plus beaux endroits que j’aye veus, belle terre unie, beau bois, clair, point de cannes, où nous entendons beaucoup de coqs d’Inde crier… Il seroit facile de nettoyer cette petite rivière aux eaux basses et de la rendre navigable jusqu’au Mississipi ». Pour l’heure, elle est encombrée de bois au point qu’en une seule journée les voyageurs doivent faire cinquante portages.

Son dernier guide l’abandonne. Mais il tient bon. « C’est une entreprise assez, gaillarde avec quatre hommes, mais… j’aime mieux suivre cette rivière et faire voir aux Sauvages que, sans guide, je vas où je veux. Quelque chose qui arrive, je gagneray toujours les vaisseaux, quand je devrois aller par terre et abandonner mes canots et en faire d’autres ». Energie, ténacité, belle confiance en ses forces : tout notre homme est dans ces deux phrases. Son courage est d’autant plus digne de remarque que la rivière est grouillante de crocodiles.

Il tombe dans un lac, qu’il nomme Pontchartrain ; puis dans la baie du Lago de Lodo (la Mer de boue), à huit lieues de ses navires.

Sauvolle et Bienville étaient revenus, rapportant une nouvelle excellente. Au départ du village des Mougoulachas, le père Douay constata la disparition de son bréviaire et de ses notes de voyage. Tragédie ! Le bon père revient sur ses pas, supplie, pleure pour attendrir les sauvages. Les pauvres bougres protestent, puis se fâchent qu’il les prenne pour des voleurs. Il faut imposer silence au religieux, entêté, inconsolable. Mis en confiance, le chef montre une lettre que Tonti avait écrite à La Salle du village des Quinipissas (c’était le même), le 20 avril 1685. Tonti annonçait que, ayant descendu le fleuve et cherché en vain l’explorateur sur les côtes du Mexique et de la Floride, il était forcé de rentrer au Canada. « Quoyque nous n’ayons pas entendu de vos nouvelles ni veu de vos marques, je ne désespère pas que Dieu ne donne un bon succès à vos affaires et à vostre entreprise ». La lettre attend depuis quinze ans, dans la cabane d’un sauvage… S’y trouvent aussi une Imitation portant la signature d’un Canadien et des bouteilles de la Main de fer, comme les tribus appellent Tonti, qui a une main d’argent. Victoire ! Le groupe a toutes les preuves voulues pour convaincre Paris.

Avec Sauvolle et Bienville reviennent deux marins bretons égarés à l’aller. Avant de rallier Bienville, ils ont assisté, dans un village, à une cérémonie horrible. C’était en quelque sorte le service du bout de l’an d’un cacique défunt. Au son de hurlements affreux, prolongés toute la nuit, 80 sauvages exhumèrent le cadavre enfoui dans un four au milieu de la case du chef. “ La femme du chef entra dans le four, et puis tira les ossements et la teste, qu’elle offrit par trois fois à son mary, qui la prit et la mit entre ses jambes ». Le four renversé, quatre hommes portèrent les ossements autour de la mosquée. “Après, le chef mit trois pots d’eau dans une cruche, avec des feuilles de laurier qu’il fit tiédir. Ensuite, il en prit une tasse qu’il but et se mit le doigt dans la bouche pour s’exciter à vomir l’eau qu’il avoit prise. Il fit cela par différentes fois, jusqu’à ce que le pot fut vide. Quatre vieilles femmes en firent au tant, c’estoient apparemment celles qui avoient touché le cadavre ; ils buvoient cette eau afin de se purifier”.

D’Iberville élève un fort dans la baie de Biloxi. Étonnement chez les sauvages. Ils rôdent autour et le commandant en profite pour sceller l’alliance avec eux. Le charpentier Pénicaut fait le récit de ces fêtes dans sa relation pleine de verve. « Cinq nations différentes, nommées les Pascagoulas, les Capinans, les Chicachas, les Passacolas et les Biloxis, vinrent en cérémonie à nostre fort, en chantant, présenter le calumet à M. d’Iberville… Ils frottèrent ensuite de terre blanche, par honneur, le visage de M. d’Iberville, de messieurs ses frères (4) et de plusieurs autres officiers. La feste du calumet dura trois jours, pendant laquelle ils chantèrent et dansèrent trois fois le jour. Ils plantèrent, le troisième jour, un poteau devant la place de nostre fort, à l’entour duquel ils dansèrent, après avoir esté chercher M. d’Iberville. En cette cérémonie un Sauvage lui ayant présenté le dos, il monta sur ses épaules ; un autre lui soutenoit les deux pieds. Ils le portèrent ainsi jusqu’à la place du poteau en cadence, au son de leur chichicois… Quand ils furent ainsi arrivez devant le poteau ils posèrent M. d’Iberville à terre sur une peau de chevreuil, où ils le firent asseoir, et un de leurs chefs, s’estant placé derrière luy, mit les mains sur ses espaules, en le berçant comme un enfant qu’on voudrait endormir. Ils avoient placé par terre plus de trois cents peaux de chevreuils, sur lesquelles se placèrent les officiers et les soldats ». Les sauvages chantent ensuite leurs hauts faits, et les Français leur distribuent force couteaux, fusils, rassades et vermillon. Embarras des sauvages. Ne pouvant s’empêcher de rire, M. d’Iberville ordonne de leur montrer à se servir de ces objets. Un Français charge un fusil et le passe à un sauvage. Mais « soit pas malice, soit autrement, luy ayant mis une trop forte charge de poudre, le Sauvage en voulant tirer, s’estant penché en arrière, le coup de fusil le fit tomber à la renverse, le Sauvage d’un costé, le fusil de l’autre. Cet accident fut cause qu’ils furent plus de quinze jours sans vouloir toucher de fusil ».

Les fêtes terminées, le commandant laisse au fort 124 hommes sous les ordres de Sauvolle et de Bienville, puis, avec Surgères, rentre en France.