La France républicaine et les femmes/11

F. Aureau, Imprimerie de Lagny (p. 43-47).
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XI



Les œuvres de la nature ne peuvent nous enseigner que le vrai, car elles sont une manifestation de Dieu.

Or, le vrai ne peut nous conduire au mal, qui est la négation du vrai, c’est-à-dire le mensonge, c’est-à dire le néant ; donc l’étude de la nature est une source, intarissable d’enseignements salutaires, le meilleur moyen de connaître Dieu.

Ces plantes gracieuses, qui semblent créées seu-

lement pour le plaisir des yeux, sont cependant d’une nécessité absolue à la vie de l’homme ; elles-mêmes n’existent que grâce au secours des substances inorganiques qu’elles empruntent au règne minéral et qu’elles transforment en matières organiques, seules substances assimilables à l’animal, lequel, à son tour, après en avoir extrait ce qui lui est propre, restitue au règne minéral ce que la plante lui avait enlevé.

Ainsi, la matière se meut sans cesse dans un vaste cercle sans qu’une molécule s’égare, sans qu’un atome : se perde.

Ainsi tous les êtres travaillent en commun, chacun des membres de la création jouissant d’une vie particulière, concourt à la vie collective d’êtres formant cette institution que nous appelons Nature.

Et il n’y a ni maître ni roi pour en maintenir l’établissement ; il y a plus que tout cela : un maître ou un roi étant un être pour le service ou les plaisirs duquel beaucoup d’êtres de la même espèce travaillent, s’épuisent et meurent, et qui ne travaille, ne s’épuise et ne meurt pour personne ; qui reçoit tout d’autrui et ne donne rien de lui-même ; il n’y a donc pas, quoi qu’on en ait dit, de roi de la nature : mais un Père qui donne sans cesse aux bons et aux méchants, et à qui nous ne pouvons donner une pensée sans lui rendre son propre bien.

Il a répandu comme un trésor l’intelligence dans la grande république, et chacun, dans une mesure relative à l’importance de son rôle, en reçoit sa part ; mais chacun, selon la part qu’il a reçue, est obligé d’atteindre à un certain degré de perfection.

Les merveilles de la terre ne sont pas seules à nous révéler l’être du Père ; levez les yeux vers le firmament où scintillent d’innombrables étoiles ; dites à votre enfant ce que sont ces mondes ; dites-lui le rapport qui existe entre eux et la terre qui lui semble si grande.

Humble planète où s’élaborent tant de vanités, elle poursuit son invariable course dans l’espace, suivie de sa modeste compagne, tandis que des planètes voisines décrivent leur ellipse immense, escortées d’une suite nombreuse et pouvant compter jusqu’à huit satellites dans leur sphère d’action.

Que votre fille sache en vertu de quelles lois immuables ces vastes corps se meuvent ; comment ces soleils, centre d’attraction pour un certain nombre d’astres, peuvent à leur tour obéir à une plus puissante attraction.

Comme l’alouette qui se heurte aux barreaux de sa cage en voyant un rayon de soleil, l’esprit humain, à la contemplation des mystères de l’infini, s’arrête effrayé. Il se retourne et s’interroge lui-même. Il sonde sa propre nature, abîme de misères et de grandeur.

Qu’est donc en effet ce nouveau Prométhée dont la taille égale à peine celle d’un arbuste et qui va ravir l’étincelle au nuage pour en faire le messager qui portera sa pensée aux extrémités du monde ?

Quel est cet être singulier qu’un rien peut tuer et qui force le feu céleste à ourler les langes de son nouveau-né ? qui fixe aux astres le temps de leur révolution, qui calcule leurs distances respectives et détermine leur marche, qui formule les lois physiques auxquelles tout obéit passivement sur la terre et dans : les cieux ?

Quel est donc celui-là que la terre ne peut enfermer et qu’un baiser d’enfant fait sourire, qui pèse sa propre faiblesse et son étonnante grandeur ?…

Ô homme ! ce que tu sens petit en toi, c’est ce corps, jeté bientôt comme une poignée de cendres dans le mystérieux creuset où s’élabore l’œuvre de vie.

Ce qui est grand, c’est toi-même, c’est l’esprit que rien ne peut altérer et qui se rapproche de Dieu à mesure, que tu te perfectionnes.

Si tu ne vis pas seulement de pain, tu le comprends, et tu ne laisseras pas ton intelligence, cette noble partie de toi, dans un état de stagnation, et tu n’éteindras pas ta raison, ce flambeau que Dieu t’a donné pour éclairer ta route.

Ô pères de famille ! élevez l’esprit de vos enfants par la contemplation des œuvres divines ; agrandissez leur âme par l’étude des sciences naturelles, non pour qu’ils s’enorgueillissent de leur savoir qui, quel que soit son étendue, ne sera toujours que peu de chose ; mais afin de devenir meilleurs, d’être plus utiles à leurs frères ; car plus on sait, plus on peut faire de bien ; mais pour aimer plus parfaitement Dieu, dont leur âme est une image dans la mesure du fini à l’infini.