La France républicaine et les femmes/07

F. Aureau, Imprimerie de Lagny (p. 29-32).
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VII



La République n’est pas un vain nom, mais une série de principes convergeant vers un but unique : le bien commun.

Or, dans une telle cause, aucun des éléments sociaux, quelle que soit sa valeur, ne peut être dédaigné : tous sont liés entre eux par des devoirs réciproques, et tous, par conséquent, ont des droits.

Oter à une classe quelconque de la société ses droits, c’est l’affranchir de ses devoirs.

Aussi, pour que la femme comprenne les grands devoirs qu’impose l’état républicain, pour que son influence ne mine pas votre œuvre, mais contribue à l’affermir, donnez-lui la sérieuse éducation qui élève le cœur, fortifie l’âme, à laquelle toute intelligence humaine a droit.

Cependant l’incurie à ce sujet est si grande que plusieurs dont on blâmait la coupable négligence ont répondu :

« Qu’importe ! c’est une fille ! »

C’est une fille, — son cœur peut être un cloaque d’ignorance, d’égoïsme et de vanité !…

C’est une fille, — et cette fille, ignorante, égoïste et vaine, vous oserez la donner à un honnête homme… Et vous ne craignez pas qu’un jour cet homme, lassé, épuisé, révolté, repousse loin de lui ce fardeau que vous lui avez jeté, et, en le repoussant, vous maudisse ?…

C’est une fille, — et vous croyez qu’une génération sage, éclairée, dévouée à la patrie, sera issue de vous ?…

Homme imprévoyant ! vous avez semé l’ivraie, vous ne récolterez pas le froment !

Bientôt vous gémirez, parce que la désunion et la haine fermenteront au sein des vôtres et rempliront votre vieillesse d’amertume. Hélas ! pourquoi donc avez-vous dit :

Qu’importe ! c’est une fille ! »

Ah ! vous vous-êtes étrangement trompés si vous avez pris pour des femmes les êtres enluminés et chamarrés de l’Empire !

C’était un objet de luxe et de satisfactions matérielles, ayant l’amour du chiffon, le culte du clinquant et l’idolâtrie de soi-même, prêt à tout sacrifier à cet amour, à ce culte, à cette idolâtrie.

Mais la vraie femme, vous ne pouvez pas l’avoir rencontrée à l’ombre des lauriers impériaux, car c’est un être intelligent et vertueux, ayant pour mission de perpétuer la vie, l’intelligence et la vertu.

Celles que vous avez connues étaient les exécutrices des hautes œuvres d’un certain Bonaparte ; il les a lancées sur la grande nation comme une meute cruelle sur le cerf vigoureux ; leurs dents venimeuses ont mordu sa chair ; leurs ongles aigus ont déchiré sa poitrine afin de lui ronger le cœur ; et lui, le Corse, regardait de son oeil atone, sa face de cadavre souriait, et il criait : « C’est bien ! »

Alors un nuage épais et sanglant s’est étendu dans l’immensité du ciel, et des voix disaient : « Partageons, partageons les dépouilles de la grande vaincue ! »

Tout à coup les enfants de la France se sont levés : « Debout, Patrie, debout ! le salut est proche ! voici, que la République sainte a chassé l’aigle repu qui dévorait tes entrailles ! Voici que du sang de nos frères naît le cèdre immense qui couvrira la terre d’immortels rameaux ! Voici que la femme veut participer à notre grand travail ! »

Ô vieille Europe ! quel doigt divin a touché ton front ridé et t’a donné cette superbe jeunesse ? Vois-tu de l’horizon monter lentement dans les hauteurs des cieux l’astre qui éclairera les hommes d’un jour nouveau et sous lequel les peuples seront frères ?

Terre bénie entre toutes, ô France ! c’est de ton sein que sortira le cri d’amour et de paix universelle

Heureux ceux qui, dans tes grandes douleurs, ne t’auront pas reniée, sachant que l’aurore rougit le ciel avant que l’astre se lève !