La France républicaine et les femmes/06

F. Aureau, Imprimerie de Lagny (p. 24-28).
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VI



L’action de la femme est donc une chose importante à considérer,

Mais peut-être vous dites en votre cœur : « La Bible seule a parlé, et vous ne croyez pas que l’histoire du monde est pleine de tels faits… »

Valeureux fils de Sparte ! frères de Léonidas ! éveillez-vous un instant ! Sortez de votre glorieuse poussière ! Apprenez-nous à quelle source vous avez puisé et votre sublime courage, et vos éminentes vertus !… Parlez, dites-nous si c’est seulement dans les sages lois de Lycurgue et si vous ne devez rien au cœur énergique de vos vaillantes mères ?

Lorsque ta noble main, ô Périclès, dirigeait la grande république d’Athènes, quel ami partageait tes travaux et soutenait ton grand cœur ?

Quelle muse t’enseigna l’éloquence, toi qui calmas les colères du peuple et sus le maintenir tant d’années rien que par l’ascendant de ta parole ?

Est-ce la divine Euterpè qui t’inspira un si vif amour des arts que d’immortels chefs-d’œuvre naquirent à l’ombre de ta protection ?

Ton siècle illustre n’est-il donc que le siècle de Périclès, quand tes mânes tressaillent encore au nom glorieux d’Aspasie ?…

Et toi, fière cité, patrie des Gracques et des Fabius, laisse-nous, par la puissance de la pensée, faire revivre les temps qui ne sont plus…

C’est ici que l’orgueilleux Coriolan lutta contre les tribuns du peuple ; c’est en ces lieux qu’il établit le fameux camp des Volsques. — Ô Rome ! tremble ! rien ne peut arrêter les terribles effets de son courroux ! Déjà il a repoussé les supplications des patriciens, des sénateurs et des pontifes ; il sait que les patriciennes tout en larmes s’avancent vers sa tente, le conjurant de ne point ruiner cette Rome où il vit le jour. — Ah ! peut-il craindre qu’on le fléchisse, l’implacable exilé ? N’a-t-il point dans le cœur une pensée unique, un seul désir, un seul et violent amour : la vengeance ! Il triomphe ; Rome suppliante se traîne à ses genoux ; mais ce n’est point assez, il faut que cette Rome, jadis altière, pleure avec des larmes de sang son ingratitude.

Un soldat, tout à coup, se précipite vers lui : « — Coriolan, voici ta mère ! » Sa mère ! Coriolan tressaille, se lève, court, tend les bras : — Ô ma mère ! dit-il. « — Arrête ! s’écrie Véturie, que je sache d’abord si « je parle à un ennemi ou à mon fils ! — Ô ma « mère, répond le fier exilé, sentant sous l’œil maternel expirer sa haine, ma mère, Rome est sauvée… mais ton fils est perdu ! »

Évoquerai-je ces jours néfastes où notre sol aimé était la proie de l’Anglais, tandis que la jeunesse française laissait rouiller son épée au fourreau, tandis que la cour du roi de Bourges lançait le faucon, emplissait ses coupes et chantait ses amours ?

Alors je veux, en face de cette noblesse dégénérée, faire flotter l’étendard de Jeanne d’Arc… et voici que ces courtisans amollis deviennent d’invincibles guerriers, des héros rachetant au prix de leur sang chaque lambeau de la patrie.

Entendez-vous la cloche qui glapit dans la vieille tour de l’église ?

— C’est le signal :

« Mort aux huguenots ! tue ! tue ! »

Et les catholiques parcourent les rues et frappent ; ils entrent dans les maisons et frappent… ils frappent partout, ils frappent toujours…

D’où tenez-vous tous ces poignards, ô fratricides ! du faible Charles IX ?

— Non, de sa mère, Catherine de Médicis !

Pourquoi sur ton froid visage ce sourire de triomphe, grave Maintenon ? quelle nouvelle faveur viens-tu d’arracher à ton vieux monarque ? Quelque place pour un de tes rares protégés ? un don pour quelque monastère ? Plus que tout cela, je vois ! Serait-ce la révocation de l’édit de Nantes ?… Femme, tu as bien mérité de ton confesseur !

Au lieu de faire revivre des êtres séculaires pour constater l’influence de la femme, j’aurais pu vous dire :

« Regardez en votre propre cœur et examinez si l’ascendant de la femme n’a jamais ébranlé votre volonté et influé sur vos actions bonnes ou mauvaises. »

Mais je n’ai point parlé ainsi, parce que tel d’entre nous qui juge avec équité les actes d’autrui est rarement impartial dans sa propre cause.

Maintenant donc que, pour vous convaincre, j’ai fait sortir du passé quelques noms éclatants, comme on fait jaillir des étincelles de la cendre terne, ne soyez plus incrédules, car je pourrais dire à ce sujet beaucoup de choses encore ; mais, si elles étaient écrites, il faudrait plusieurs livres pour en contenir le récit.